Publié le24 novembre 2024|Commentaires fermés sur Le Travail allemand, film de Jean-Pierre Vedel
Vendredi 15 novembre, l’ADVR a présenté le film de Jean-Pierre Vedel « le Travail allemand », qui, à travers quelques portraits d’Allemands qui ont travaillé dans la Résistance ou pour la Résistance française, montre l’importance de ces actions peu connues, mais aussi l’un des volets de la Résistance. Placé sous la responsabilité d’Arthur London, le « TA » a fait un travail considérable au niveau de l’information. Au-delà, le film évoque aussi les Allemands déserteurs devenus maquisards et même l’existence d’un maquis entièrement composé d’Allemands.
Les témoins qui apparaissent dans le film ont tous une personnalité attachante et soulignent avec une grande simplicité qu’ils ont pensé nécessaire pour défendre les valeurs fondamentales de l’humanité de lutter contre le nazisme est donc aussi contre leur propre armée. Pour eux, résister avec les Français était un double acte de courage.
Sur un total d’environ un millier d’hommes engagés dans le TA, 137 ont été arrêtés et exécutés.
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Publié le16 novembre 2024|Commentaires fermés sur Compte rendu de la conférence de Stéphanie Trouillard : « Le village du silence »
Stéphanie Trouillard est journaliste de France 24, spécialiste de la seconde guerre mondiale, autrice de livres et BD, participante aux rencontres du lycée Hélène Boucher.
Ce jeudi 10/10/2024, Stéphanie nous a présenté son dernier livre, de manière palpitante et sur un sujet inédit : « Le village du silence – Agnès et Léontine, Bretagne, juillet 1944 » (éditions Skol Vreizh) L’exposé a été suivi par un débat tout aussi passionné et passionnant. Stéphanie nous rappelle d’abord que cela fait quinze ans qu’elle s’est lancée dans la recherche de ses racines morbihanaises. En 2023, elle avait déjà présenté devant l’ADVR son livre « Mon oncle de l’ombre», traitant du massacre de Kerihuel, près de Plumelec, qui a coûté la vie à son grand oncle, résistant du maquis de Saint-Marcel. C’est en 2019, lors d’une cérémonie pour les 75 ans du massacre de Kerihuel qu’elle rencontre Louis Merlet qui lui parle de deux femmes de ses amis, la mère (Agnès) et la fille (Léontine),, assassinées par des résistants locaux. Cela lui donne envie d’en savoir plus, et elle se remet à enquêter. L’idée n’est pas de pointer du doigt un village gangréné par ce double assassinat, mais de briser le silence, d’approcher la vérité et de permettre ainsi la réparation. Aux archives municipales de Plumelec, elle retrouve les actes de décès des deux femmes, grand-mère et mère d’une famille Deschotte, des gens réfugiés venus du nord de la France (Malo- les- bains).
Une recherche généalogique lui permet de retrouver deux descendants, petits enfants de Léontine, à St Saulve, près de Valenciennes. Leur mère Micheline avait déjà cherché à en savoir plus sur les circonstances des assassinats. La famille est d’accord pour enquêter. Une recherche des archives sur l’épuration (départementales, de la gendarmerie, de la justice militaire, judiciaires) montrent que ces deux femmes ont été éxécutées comme collaboratrices. En interrogeant les gens, qui étaient enfants à l’époque , Loïc Merlet, vivant à Plumelec, apprend que la famille Deschotte était intégrée, le père Gérard travaillait comme mécanicien, Micheline allait à l’école privée catholique, la famille allait à l’église, aux évènements…Finalement, les langues se délient, et donc l’éxécution serait liée à une « épuration de voisinage », plusieurs causes étant possibles, notamment car ces dames parlaient le flamand et l’allemand. Ce sont deux femmes qui ont été tuées par un groupe d’hommes. Les hommes de leur famille n’ont pas été tués. Donc, pendant 80 ans, tout un village a fait silence, bien que beaucoup d’habitants n’aient pas été d’accord avec l’éxécution. Un homme a tenu à parler franchement en public à Plumelec en 2024 pour se libérer du fardeau que constituait cet acte pour lui. Pour les 80 ans de la Libération, Plumelec, village déjà consacré haut lieu de la Résistance, a mis en place des panneaux ; sur l’un la mairie ose enfin parler des exactions de certains résistants en relation avec le décès de ces deux femmes. Micheline avait en 2012 fait une demande pour que Agnès et Léontine soient reconnues « Mortes pour la France » et inscrites sur le monument aux morts de Plumelec parmi les victimes civiles de 39-45. Demande refusée, réitérée par ses enfants, et à nouveau refusée en 2024. En mai 2024, le maire de Plumelec reconnaît néanmoins le droit au devoir de mémoire de cette famille et autorise la pose d’une plaque commémorative près des deux tombes. Il reste à savoir comment le village réagira à la lecture de ce livre.
(Geneviève Guyot)
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Publié le8 novembre 2024|Commentaires fermés sur Jean Lafaurie – Histoires de la Résistance et de la Déportation – 2ème partie
Jean Lafaurie, résistant déporté.
Interview de Jean Lafaurie par Julien Le Gros, Yves Blondeau et réalisée par Miguel Vallecillo Mata
Jean Lafaurie, résistant FTP, déporté à Dachau, a participé à un épisode exceptionnel de l’histoire de la Résistance : la révolte de la centrale d’Eysses.
Le texte évoque cette révolte dont l’objectif est l’évasion collective 1200 détenus.
La révolte de la centrale d’Eysses
La centrale d’Eysses est une prison installée près de Villeneuve-sur-Lot où les autorités de Vichy avaient rassemblé plus de 1200 résistants communistes. La stricte discipline des résistants communistes avait permis une organisation exceptionnelle à l’intérieur de la centrale. Les détenus avaient obtenu du directeur le droit de monter un théâtre, d’avoir une chorale, de faire des groupes d’études, des cours (Georges Charpak par exemple donnait des cours de physique), des séances de gymnastique, d’avoir des visites, de repeindre les locaux qui étaient très dégradés, etc. L’objectif des responsables communistes n’était pas d’améliorer le confort des détenus mais de les préparer en gardant le meilleur moral possible à une évasion collective prévue dans la nuit du 31 décembre 1943, au moment où la surveillance se relâcherait. En vue de cette évasion, les détenus avaient réussi à faire rentrer des armes: des mitraillettes, des grenades, à faire évader l’un des leurs, Kléber (de son vrai nom Fenoglio), pour qu’il prenne contact avec la résistance extérieure. Ravanel, chef national des groupes- francs des MUR(*) est venu en personne sur place pour étudier les moyens de faciliter cette évasion. Il fallait en effet prévoir des camions pour transporter 1200 hommes, des vêtements, des papiers d’identité, des cartes d’alimentation et des lieux de chute dans des maquis! Tout cela étant mis au point, Ravanel, qui avait aussi prévu le soutien extérieur d’une soixantaine de résistants équipés de mitrailleuses et de mortiers, chargea le chef local des groupes-francs des MUR, Joly ( de son vrai nom Marcel Joyeux), de réaliser l’opération. Cependant, lorsque au dernier moment, Joly apprit qu’il s’agissait de 1200 résistants communistes, il décida, par anticommunisme, de ne pas faire intervenir les résistants extérieurs. Sans ce soutien, les détenus durent donc provisoirement renoncer à passer à l’action. Malgré tout, à l’occasion de la visite d’un inspecteur venu de Vichy, les détenus tentèrent le tout pour le tout et s’emparèrent d’une partie de la prison, du directeur, de l’inspecteur, d’une cinquantaine de gardiens et tentèrent la sortie. Mais le tir des mitrailleuses des miradors les bloquèrent à l’intérieur. Les combats durèrent tout l’après-midi du 19 février 1944, toute la nuit aussi. Mais au matin la prison fut encerclée par 3000 miliciens soutenus par des troupes allemandes équipées de canons. La situation des résistants étant devenu intenable ils rendirent les armes contre la promesse qu’il n’y aurait pas de représailles. Malgré cette promesse, de nombreux résistants furent torturés pour leur faite dénoncer les chefs de la révolte mais aucun d’eux ne parla, douze d’entre eux furent fusillés et les Allemands de la division Das Reich prirent possession de la prison. Le 30 mai 1944, les 1200 détenus communistes furent déportés, d’abord à Compiègne, puis le 19 juin à Dachau. Tout au long de leur calvaire les prisonniers conservèrent leur esprit combatif, ce qui n’ empêcha pas que 700 des membres de ce que les prisonniers eux-mêmes ont appelé « le bataillon d’Eysses » perdirent la vie à Dachau. *MUR, Mouvements Unis de la Résistance. Les MUR regroupent depuis janvier 1943, à la demande de Jean Moulin, les forces militaires des trois mouvements de zone sud: Combat, Libération sud et Franc-Tireur . Ravanel est nommé à leur tête en juin 1943.
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Publié le13 octobre 2024|Commentaires fermés sur ADVR, film de Jean-Pierre Vedel : « le travail allemand »
Pendant la dernière guerre, un certain nombre de militaires allemands ont travaillé pour la résistance française. C’est ce que l’on appelle le travail allemand (TA).
Le film de Jean-Pierre Vedel nous éclaire sur cet aspect peu connu mais particulièrement important de la Résistance.
Vendredi 15 novembre, l’Association de Défense des Valeurs de la Résistance projettera le film de Jean-Pierre Vedel : « Le travail allemand » à la Mairie du 20e, salle du conseil, 14 heures. Débat avec le réalisateur après la projection.
Publié le13 octobre 2024|Commentaires fermés sur Assemblée générale de l’ADVR, 3 octobre 2024
25 présents et représentés. Hommage à Jean Rol-Tanguy, né en novembre 1943, décédé le 7 juin 2024, président du CPL et du comité de pilotage de la JNR. Hommage à Jean Villeret, né le 11 décembre 1922et mort le 20 novembre 2023, déporté dans les camps de Natzweiler-Struthof et Dachau, fidèle aux rencontres du lycée Hélène Boucher avec les élèves. Il a rédigé avecJulien Le Gros (journaliste) ses mémoires, « Un jour nos voix se tairont » parues le 25 avril 2023. Suivis d’une minute de silence 1) Rapport d’activité.
20 septembre 2023, conférence de Sergio Bitar sur le coup d’état de Pinochet, et sa suite. Annulé pour raisons de santé de l’intervenant.
9 octobre 2023, conférence de Jean-Pierre Brovelli : l’Italie de Mussolini à Méloni, du fascisme au post-fascisme.
23 novembre 2023, hommage à Robert Chambeiron pour le 10e anniversaire de la création de l’ADVR avec la participation de Marie-Françoise Bechtel.
5 décembre 2023, conférence d’Alexandre Millet : Rawa Ruska, le camp oublié.
8 décembre 2023, conférence sur le Haut Karabakh, en partenariat avec l’UCFAF.
9 février 2024, en partenariat avec le SNES, visite du Mont Valérien.
17 février 2024, soirée d’hommage à Missak Manouchian, dans le cadre de la panthéonisation, au théâtre de Bagneux, en partenariat avec l’UCFAF.
14 Mars 2024, conférence d’Emmanuel Naquet, historien de la LDH : la ligue des Droits de l’Homme, une association en politique. -22 mars 2024, rencontres de témoignages avec les élèvles du lycée Hélène Boucher SITE:
octobre 2023, interview de Pierre Krasucki,( auteur avec Christian Langeois de « Pierrot, fils de Krasu », paru en 2022) pour évoquer son père Henri Krasucki.
janvier, interview de Jean Lafaurie, résistant FTP, interné à Eysses, acteur de la révolte de la prison, déporté à Dachau.
juin, interview de Jacques Klajnberg, maquisard FTP en Seine-et-Marne. Les films, après montage et illustration par Miguel Vallecillo sont consultables sur notre site.
exposition virtuelle de Danilo de Marco : portraits de partisans italiens ainsi qu’un remarquable diaporama également de Danilo de Marco accompagnant la chanson « Bella ciao »
PARTICIPATION AUX CEREMONIES
27 mai 2024, participation à la Journée nationale de la Résistance (JNR). L’ADVR a été largement représentée à toutes les commémorations du matin dans le 20e arrondissement et bien sûr l’après-midi au 48 rue du Four pour commémorer la création du Conseil National de la Résistance (CNR)
25 août 2024, participation aux cérémonies pour le 80ème anniversaire de la libération de Paris vote, unanimité tour de table 2) Projets pour la saison 2024-2025
14 septembre 2024, parcours historique Manouchian avec l’UCFAF et l’association, l’Affiche verte.
10 octobre 2024, Le village du silence, conférence de Stéphanie Trouillard.
15 novembre 2024, film de Jean-Pierre Vedel : Le travail allemand , débat avec le réalisateur.
3 décembre 2024 : visite de la gare de Bobigny, gare de départ de la déportation. En partenariat avec le SNES. Visite et conférence.
23 janvier 2025 : rencontres du lycée Hélène Boucher.
janvier 2025 : conférence de Henri Farreny del Bosque, président de l’Association des guérilleros-FFI, Les guérilleros espagnols dans la Résistance française.
février 2025 : conférence avec l’association France Frioul, Rino della Négra, un héros de l’Affiche rouge.
mars 2025 : conférence de Claire Moradian : La France libre.
avril 2025 : film de Vincent Goubet: Faire quelque chose, débat avec le réalisateur.
L’ ADVR est membre organisateur de la JNR grâce à la présence au comité de pilotage de Katherine Courjaret, elle est également membre du jury du Concours National de la Résistance et de la Déportation (CNRD), et elle représente l’association au Comité Parisien de la Libération (CPL).
Yves Blondeau suggère que les fonctions principales : trésorerie, secrétariat général, présidence, bénéficient d’un adjoint ou d’une adjointe susceptible d’assurer la continuité du travail en cas d’empêchement du ou de la titulaire. Vote, unanimité 3) Rapport financier, présenté par Katherine Courjaret (voir document ci-joint) Vote, unanimité 4) Budget prévisionnel, présenté par Katherine Courjaret (voir document ci-joint) Vote, unanimité 5) Renouvellement du conseil d’administration Composition actuelle Danielle Chambeiron, présidente Yves Blondeau, secrétaire général Katherine Courjaret, trésorière responsable des liens avec le CPL. Marie-Françoise Bechtel Josette Borzakian Geneviève Guyot, Anne-Marie Jacquin France Teillol Proposition d’ajouter: vice-présidente: France Teillol secrétaire générale adjointe: Geneviève Guyot trésorière adjointe: Annie Foray représentant l’ADVR dans diverses cérémonies en France: Pierre Krasucki Vote, unanimité Comité d’Honneur de l’ADVR Odile de Vasselot (réseau Zéro, ligne Comète), Commandeur de la Légion d’Honneur Pierrette Legendre, petite-fille de Pierre Sémard, fille d’Yvette Sémard Décédés Robert Chambeiron, secrétaire général adjoint du Conseil National de la Résistance, fondateur de l’ADV Jeannette Borzakian (FTP-MOI) Annick Burgard (Libération Sud) Jean-Marie Delabre (Volontaires de la liberté, Défense de la France), Déporté. Raymond Huard (FTPF). Déporté. Jack Moisy (FTPF) Pierrette Rossi (service social de Combat). Déportée.
Yvette Servin (agent de liaison FTPF) Suzanne Teboul (FTPF) Jean Villeret (FTPF, déporté), président de la FNDIRP. Commandeur de la Légion d’Honneur.
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Publié le26 juillet 2024|Commentaires fermés sur Bella Ciao de Danilo de Marco, reporteur et journaliste
Danilo est un photographe très connu en Italie, qui travaille beaucoup sur la Résistance. Il nous offre cette création mettant en scène des résistants italiens et français, issue d’une exposition récente réalisée sur le thème « pour une autre Europe». Il travaille essentiellement sur le regard de ses modèles. On reconnaîtra notamment Lise London et André Radzinski. Avec Danilo nous avons recueilli une quarantaine de portraits de résistants français et nous souhaitons fortement pouvoir réaliser avec ce travail une exposition à Paris 20, pour le moment nos efforts sont restés vains mais nous ne nous décourageons pas.
Présentation de l’une des dernières expositions de Danilo de Marco
Danilo De Marco de Gian Paolo Gri(anhtropologue) Il y a des photos-objets, et tu les regardes ; par contre il y a des photos qui prennent l’initiative d’elles-mêmes. Elles te regardent. Les photographies de Danilo De Marco, reporteur mais aussi journaliste, appartiennent à cette deuxième espèce. Son objectif n’avale pas ce qu’il vise, il ne le garde pas pour lui ; il est seulement médiateur entre les yeux par-ci et les yeux par-là. Pour cela il s’agit de photos que les anthropologues aiment. Les anthropologues, qui ont abandoné la prétention de l’observation objective et acceptent d’être pris parmi le jeu des regards mutuels. Ainsi Danilo De Marco. C’est un photographe de parti, et il ne triche pas. Il a marché dans le monde, du Tibet au Mexique, des montagnes des Kurdes, en Turquie et en Irak, à celles de la Colombie, des Andes à l’Equateur parmi les Kichua, à la vallée du Narmada en Inde, de l’Amazonie Bolivienne aux forets du Congo et de l’Ouganda, et beaucoup d’autres ; il a développé une expérience comparative exemplaire, il a partagé la nourriture et le grabat avec beaucoup de cultures. Il ne les a pas traversées et il ne les a pas consommées ; une à une il les a fait les siennes et il les emmène toutes dans son âme intérieur. Telles des bouchées amères. Aller au de-là, partager, pour après revenir (différent de ce qu’on était) raconter ce que l’on a vu et ce que l’on a pu comprendre : nous le sentons parmi nous, dans le courant de la meilleure anthropologie) Peu importe du comment on se raconte, au retour, si par mots ou par images ; ce qui compte c’est de raconter avec efficacité et vérité.
Danilo De Marco présente, en image, le portrait des derniers partisans; des visages intenses, comme on ne pourrait faire plus. Des visages différents? Après avoir relu Primo Levi je ne peux oublier combien les «portraits» de ceux qui sont encore en vie ne seraient pas différents, vieux, au visage labouré de tant de rides et qui, en revanche, étaient à cette époque-là de l’autre côté. Où est, alors, la différence? Justement dans ce qu’indiquait Primo Levi: dans le refus du compliment et du consensus ; peut-être à l’époque, au début, seulement un refus instinctif, peu raisonné, sans doute la seule juvénile impatience. Impatience et non indifférence. Un choix: un choix qui pour certains ne fut peut-être pas entièrement conscient, mais qui se laissa entraîné par la conscience des autres. Une décision qu’Enri De Luca rappelle dans le texte écrit pour le catalogue, et qui est condensé dans le simple geste de respect que nous nous sentons de rendre à qui s’en chargea, même avec tout le recul du temps: « Les visages rencontrés et recueillis par Danilo De Marco laissent une bonne réputation /…/ Et aujourd’hui, ils sont les derniers visages, la dernière version d’une jeunesse courageuse qui fit la chose juste au prix le plus élevé. Ils laissent de grands noms, ceux à nommer à table en se levant et en trinquant à leur santé».
Avec ceux qui ont été partisans et ont choisi de ne pas oublier le poids des années intenses d’une jeunesse vécue « contre », Danilo De Marco aime s’asseoir à la table, partager la bouteille, demander, écouter, discuter face à face. A la fin, il les photographie. Avec la résistance, on peut faire cela, avec la résistance, on ne peut pas ; la résistance est abstraite, elle ne parle pas, elle ne partage pas un verre de vin avec vous, elle a tendance à être célébrée, sa photographie est une rangée d’autorités qui se prennent au sérieux. Dans la rencontre avec ces vieillards, peu enclins à être des briques sur le monument du 25 avril, on comprend tout de suite qu’il n’y a pas grand-chose à célébrer, car leur résistance ne se résume pas aux deux ou trois années de lutte clandestine. Elle n’est pas figée, elle a une longue portée et des itinéraires complexes. Ici, nous ne sommes pas parmi les résistants qui ont trouvé un logement après la guerre ; leur dimension internationaliste est un mélange de déracinement forcé, de choix de vie marqués par des virages soudains, de chemins douloureux et de retours difficiles : les années d’exil à Prague pour Cid (Sergio Cocetta), la RDA pour Maxi (Leopoldine Elizabeth Morawitz Jäger), le Canada pour Lakis (Apostolis Santas), la Hongrie de Nikos et Argiro Kokovulis, les mines de Belgique, avec la vente par le gouvernement italien après la guerre en échange de charbon, pour Colombo (Vincenzo Cevolatti), première étape d’un parcours qui passe ensuite par l’Indochine (et Dien Bien Phu), l’Algérie et le Maroc.
Cid, Colombo, Rado, Riki, Lino, Furia, L’abbé, Amazzone, Lupo, Andrea, Mosè, Sylvie, Johnny, Takle, Germann, Andrej, Fiamma, Barone rosso… : le choix d’un nom de bataille n’était pas dicté par les seules commodités de la clandestinité ; passer d’un nom à l’autre, c’était comme franchir des frontières : la capacité de vivre des identités différentes tout en restant soi- même. Des histoires complexes, des centaines, partout en Europe. Un partisan fait bien de garder ses bagages toujours prêts », c’est la leçon du Cid à Danilo, qui l’a apprise.
J’ai sous les yeux celle de Missak Manouchian, paraphée n° 849617 et datée du 18.11.1943, après une détention. Jamais je n’ai vu autant de fierté sévère dans un tel regard. Le dernier partisan du groupe Manouchian – ceux de l’Affiche Rouge apparus sur les murs de Paris le 21 février 1944 – que De Marco a pu rencontrer autour d’un verre de raki est Charles, alias Arsène Tchakarian. Né en Turquie en plein génocide arménien, il parle couramment, outre le français et l’arménien, le turc, l’hébreu, le serbe et le russe. Il raconte comment, dans le Paris des années 1930, le militantisme a croisé l’effort de valorisation et d’émancipation de la culture arménienne, comment l’amour de la France de la liberté, de l’égalité et de la fraternité était grand ; il raconte la formation de ce groupe extraordinaire de travailleurs immigrés qui faisaient partie de la MOI, la Main d’Oeuvre Immigrée (Arméniens, Italiens – Spartaco Fontanot avec ses deux frères) ; il parle de la peur quotidienne et des actions revendicatives (l’exécution du général Julius Ritter, responsable de la mobilisation obligatoire et de la mise en esclavage de 600 000 travailleurs étrangers), de la trahison, de la lâcheté et de l’héroïsme, de la capacité à supporter l’insupportable après la capture. Il a une mémoire à livrer : celle de son emprisonnement, de sa dernière lettre à sa femme Melinée, des mots d’encouragement de Missak à ses camarades et de son sourire à la caméra nazie juste avant d’être fusillé. Tchakarian a raison : « « Je peux dire avec certitude que le groupe Manouchian était et est l’incarnation d’une Europe que nous avons perdue. L’Europe qui aurait pu être et qui n’a pas été.
C’est peut-être face à ce vide que Sylvie (Simone Ducreux) ferme les yeux et que les rides de la vie semblent partir de là. Elle a vécu, petite fille, après avoir été partisane, la libération de Paris ; c’est une vision qu’il faut tenir dans les yeux de toutes ses forces. Pour elle aussi, comme dans les mythologies que nous avons eu le culot d’appeler primitives, le meilleur était déjà là, elle a coloré l’instant inaugural d’énergie et d’espoir ; puis l’histoire est entrée dans la spirale de l’entropie. Heureusement, il nous reste les yeux doux d’Andrej/Alojse Kapun, ou le regard sans ombre de Rado (Radzynski), juif franco-polonais, trois noms clandestins (Rado, André, Leroux), une fratrie détruite, à Paris un garçon expert dans le vol d’armes aux Allemands, célébrant lui aussi la libération de la ville, plus survivant que Sylvie.
Depuis plusieurs années, Danilo De Marco parcourt l’Europe, saute les frontières, creuse, découvre, rencontre, parle et capture les histoires et les visages des derniers partisans. Quatre-vingts, quatre-vingt-dix ans : des chiffres qui ont gravé leurs visages, et ce n’est pas le soin d’un peigne ou d’un fil de maquillage qui pourra cacher les signes d’une vie intense. J’ai vu la photo de la jeune Lise Ricol-London, « combattante depuis son enfance » (d’abord les brigades internationales en Espagne, la défaite et la réorganisation des exilés, puis la résistance et le camp de concentration, la persécution des communistes, avec le procès de son mari à Prague en 1956) ; elle est allongée sur la pelouse, une guirlande de marguerites sur la tête, quelques jours avant sa capture par la Gestapo. Son courage après l’occupation nazie de Paris lui avait valu d’être condamnée à mort et d’être honorée du titre de « sorcière de la rue Daguerre ». La photographie d’aujourd’hui n’est pas moins belle : le visage est une « description dense ».
Des partisans, Danilo en a encadré près d’un millier à ce jour ; il est devenu un collectionneur de visages. Mais il ne s’agit pas d’une collection possessive à l’occidentale ; il a créé une accumulation qui sent les cultures lointaines, le potlatch, où l’on ne collectionne pas pour soi, pour conserver, mais pour donner, pour redistribuer.
Nous sommes face à une nouvelle communauté, inédite, faite de visages. A l’opposé de l’instantané, les images sont le résultat d’un travail partagé : témoignage d’une rencontre et d’une implication profonde du photographe et du photographié. Il n’y a pas de décor, le scénario est donné par la narration de qui vous avez été et de ce que vous avez vécu, tout est concentré dans la focalisation sur le visage. Il joue sur la sérialité : le gros plan, la mise au point sélective, sur les yeux, et aussitôt les autres plans du visage se dégradent en netteté. Les optiques utilisées, l’utilisation de la lumière, les méthodes d’impression matérialisent le caractère révélateur du visage. L’hyperréalisme, tout sauf un retour nostalgique au néoréalisme.un mélange d’image et de biographie.
De Marco a raison de rejeter l’étiquette de portraits, pour ces images, et de préférer le terme de figures pour ses partisans. Le sens de l’étymologie, qui renvoie à une manipulation constructive, est devant nous, dans les fissures des visages, dans les taches des années : comme « faire semblant », manipuler, modeler l’argile pour lui donner forme et ensuite la mettre au four. Les derniers (et les premiers) sont les yeux. Écrivant sur le pouvoir des images, David Freedberg a rappelé que les simulacres anciens ne prenaient vie et force qu’à partir du moment où l’artiste peignait leur iris et leur pupille. Juxtaposés, ces regards composent une communauté de valeur, un idéal, qui continue de se moquer des frontières, qui nous incite à savoir regarder autour de nous, à ne pas oublier, à choisir encore et toujours de quel côté être. Gian Paolo Gri (antropologo)
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Publié le17 juin 2024|Commentaires fermés sur Jean Lafaurie – Histoires de la Résistance et de la Déportation – 1ere partie
Jean Lafaurie, résistant déporté.
Interview de Jean Lafaurie par Julien Le Gros, Yves Blondeau et réalisée par Miguel Vallecillo Mata.
Jean Lafaurie, résistant FTP, déporté à Dachau, a participé à un épisode exceptionnel de l’histoire de la Résistance : la révolte de la centrale d’Eysses.
Le texte évoque cette révolte dont l’objectif est l’évasion collective 1200 détenus.
La révolte de la centrale d’Eysses
La centrale d’Eysses est une prison installée près de Villeneuve-sur-Lot où les autorités de Vichy avaient rassemblé plus de 1200 résistants communistes. La stricte discipline des résistants communistes avait permis une organisation exceptionnelle à l’intérieur de la centrale. Les détenus avaient obtenu du directeur le droit de monter un théâtre, d’avoir une chorale, de faire des groupes d’études, des cours (Georges Charpak par exemple donnait des cours de physique), des séances de gymnastique, d’avoir des visites, de repeindre les locaux qui étaient très dégradés, etc. L’objectif des responsables communistes n’était pas d’améliorer le confort des détenus mais de les préparer en gardant le meilleur moral possible à une évasion collective prévue dans la nuit du 31 décembre 1943, au moment où la surveillance se relâcherait. En vue de cette évasion, les détenus avaient réussi à faire rentrer des armes: des mitraillettes, des grenades, à faire évader l’un des leurs, Kléber (de son vrai nom Fenoglio), pour qu’il prenne contact avec la résistance extérieure. Ravanel, chef national des groupes- francs des MUR(*) est venu en personne sur place pour étudier les moyens de faciliter cette évasion. Il fallait en effet prévoir des camions pour transporter 1200 hommes, des vêtements, des papiers d’identité, des cartes d’alimentation et des lieux de chute dans des maquis! Tout cela étant mis au point, Ravanel, qui avait aussi prévu le soutien extérieur d’une soixantaine de résistants équipés de mitrailleuses et de mortiers, chargea le chef local des groupes-francs des MUR, Joly ( de son vrai nom Marcel Joyeux), de réaliser l’opération. Cependant, lorsque au dernier moment, Joly apprit qu’il s’agissait de 1200 résistants communistes, il décida, par anticommunisme, de ne pas faire intervenir les résistants extérieurs. Sans ce soutien, les détenus durent donc provisoirement renoncer à passer à l’action. Malgré tout, à l’occasion de la visite d’un inspecteur venu de Vichy, les détenus tentèrent le tout pour le tout et s’emparèrent d’une partie de la prison, du directeur, de l’inspecteur, d’une cinquantaine de gardiens et tentèrent la sortie. Mais le tir des mitrailleuses des miradors les bloquèrent à l’intérieur. Les combats durèrent tout l’après-midi du 19 février 1944, toute la nuit aussi. Mais au matin la prison fut encerclée par 3000 miliciens soutenus par des troupes allemandes équipées de canons. La situation des résistants étant devenu intenable ils rendirent les armes contre la promesse qu’il n’y aurait pas de représailles. Malgré cette promesse, de nombreux résistants furent torturés pour leur faite dénoncer les chefs de la révolte mais aucun d’eux ne parla, douze d’entre eux furent fusillés et les Allemands de la division Das Reich prirent possession de la prison. Le 30 mai 1944, les 1200 détenus communistes furent déportés, d’abord à Compiègne, puis le 19 juin à Dachau. Tout au long de leur calvaire les prisonniers conservèrent leur esprit combatif, ce qui n’ empêcha pas que 700 des membres de ce que les prisonniers eux-mêmes ont appelé « le bataillon d’Eysses » perdirent la vie à Dachau. *MUR, Mouvements Unis de la Résistance. Les MUR regroupent depuis janvier 1943, à la demande de Jean Moulin, les forces militaires des trois mouvements de zone sud: Combat, Libération sud et Franc-Tireur . Ravanel est nommé à leur tête en juin 1943.
Commentaires fermés sur Jean Lafaurie – Histoires de la Résistance et de la Déportation – 1ere partie
Publié le3 juin 2024|Commentaires fermés sur Journée nationale de la Résistance, 27 mai 2024
Le 27 mai se sont déroulées les cérémonies de la Journée Nationale de la Résistance. Cette année, pour le 80 ème anniversaire de la Libération, les cérémonies se sont déroulées pendant la matinée dans le 20e arrondissement. Guy Hervy, secrétaire général du Comité parisien de la Libération (CPL), a évoqué, devant chaque plaque mémorielle le parcours du ou des résistants que nous honorions. Raymond Bossus, Bd Davout, Bernard Vanier, Bernard Laurent, Jules Vercruysse, Lucienne Palluy, place de la porte de Bagnolet. Un hommage a été également rendu à Jules Dumont dont la plaque se trouve à quelques mètres de celle de sa compagne Lucienne Palluy. Rue Stanislas Meunier nous nous sommes arrêtés devant la plaque évoquant l’arrestation d’Henri Krazucki. Notre ami Pierre Krasucki était bien sûr présent à cette étape. Nous avons également déposé une gerbe devant la plaque située près de la caserne des Tourelles où près de 8000 personnes ont été internées bien souvent avant leur déportation. La matinée s’est terminée à la mairie du 20e, en présence du maire et de l’adjointe à la Mémoire de la ville de Paris. L’après-midi s’est déroulée la cérémonie habituelle au 48 rue du Four où s’est tenue la première réunion du Conseil National de la Résistance il y a 81 ans. Un hommage a été ensuite rendu à Jean Moulin devant le monument à sa mémoire au bas des Champs-Elysées. La journée s’est terminée à 18h30 avec une cérémonie à l’Arc de Triomphe. L’ADVR, membre du Comité parisien de la Libération, a été largement représentée aux différentes étapes de la cérémonies de la matinée et de l’après-midi.
photos de cette journée du 27 mai 2024.
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Publié le5 mai 2024|Commentaires fermés sur La Résistance en héritage – Interview de Pierre Krasucki (octobre 2023)
Interview de Pierre Krasucki réalisée en octobre 2023 où Pierre évoque la personnalité et les combats de son père Henri Krasucki. Réalisée dans le cadre du travail de l’ADVR sur « la Résistance en héritage ». Images et montage de Miguel Vallecillo Mata.
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Publié le1 mai 2024|Commentaires fermés sur Missak et Mélinée Manouchian des arméniens engagés dans la Résistance française
À l’occasion de la présentation du livre de Denis Peschaski, Claire Mouradian et Astrig Atamian : «Mélinée et Missak Manouchian» à laquelle nous avons participé à l’invitation de nos amis de l’UCFAF, Miguel Vallecilo Mata a réalisé pour l’ADVR un film intitulé:
Missak et Melinée Manouchian des armenians engagés dans la Résistance Française
Le livre comporte quatre parties, la première sur l’Empire ottoman finissant, le génocide et la Première Guerre mondiale ainsi qu’une approche de la question des enfants orphelins tels que Mélinée et Missak. La seconde partie s’attache à l’entre-deux-guerres, l’arrivée en France en 1924, le travail dans les usines, l’engagement politique. La troisième partie évoque la Résistance et la quatrième aborde la question de la Mémoire. Cette quatrième et dernière partie du livre et du film est d’ailleurs particulièrement intéressante. Miguel a réalisé un très beau travail d’illustration de cette conférence/présentation. Il termine son film sur la cérémonie de panthéonisation de Mélinée et Missak.
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