Archives mensuelles : mai 2018

2 mai 2018, Conférence ADVR « Charles Lederman, résistant », par Claudie Bassi-Lederman, sa fille.

Charles Lederman a mené toute sa vie un combat singulier contre les fascismes. Né à Varsovie en 1913, il adhère aux jeunesses communistes des l’âge de 13 ans. Très jeune il devient avocat de la Ligue des des Droits de l’Homme et défend à ce titre des réfugiés étrangers. En 1939 il n’hésite pas à critiquer le pacte germano-soviétique. Mobilisé, il est capturé à Dunkerque en mai 1940. Evadé d’Allemagne, il entre dans la clandestinité dès 1940 et travaille à avertir les juifs des dangers qui les menacent. En octobre 1940, en falsifiant les dates de naissance de nombreux enfants de républicains espagnols internés dans le camp de Rivesaltes il permet leur libération et leur placement dans des familles. Il participe également à l’évasion de nombreux internés adultes. Repéré, il doit quitter Rivesaltes, mais il fera de même dans d’autres camps d’internement. En janvier 1941 il entre en contact avec la section juive de la MOI (main d’ œuvre immigrée, organisation créée dans les années 20 par le PCF pour regrouper les étrangers). La résistance juive communiste informe la population juive et française, et utilise une couverture humanitaire dans le cadre de l’OSE (Oeuvre de Secours aux Enfants, créée en 1933).

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Journée nationale de la Résistance 2018 à Paris

Texte lu par Guy Hervy au nom du Comité Parisien de Libération devant le 48 rue du Four le 27 mai lors de la commémoration du 75° anniversaire de la création du Conseil National de la Résistance

Monsieur le Chancelier honoraire de l’Ordre de la Libération
Madame la Ministre
Madame la Maire adjointe chargée de la mémoire et du monde combattant, conseillère défense.
Mesdames et messieurs les élus.
Mesdames et messieurs les actrices et acteurs de ce moment qui sans votre courage n’aurait pu être aujourd’hui commémoré.
Mesdames et messieurs les porteurs aux titres d’associations de mémoires et d’anciens combattants, de l’histoire et du souci de sa transmission,
Mesdames Messieurs,

Avant une trop rapide évocation des raisons qui nous rassemblent ce jour, d’abord remercier les jeunes, enfants et étudiants, leurs encadrants et conseillers historiques artistiques, ils participent fortement à la qualité de cette journée.
Le 19 juillet 2013, le JO publiait la loi faisant du 27 mai la Journée Nationale de la Résistance,

Sa première édition parisienne en 2014 se tint à l’Hôtel de Ville de Paris, la municipalité accueillant les 32 organisations en compagnie du secrétaire d’État aux anciens combattants.
Pour cette 5e année, la célébration de cette page d’histoire mobilise plus de 90 organisations et institutions.

Sans relâche, les organisateurs ont sollicité l’État et les collectivités territoriales pour les assister dans cette tâche.
En ce 75e anniversaire du CNR, c’est une grande satisfaction, nous bénéficions du Haut patronage de Monsieur le Président de la République, de la présence de Madame la Secrétaire d’État auprès de la Ministre des Armées et de Madame la Maire adjointe chargée de la mémoire e du monde combattant.

Depuis la première édition, nous avons l’aide tant de Paris et de son conseil que du Ministère des armées au travers de sa direction de la mémoire et du patrimoine. Des Comités d’Entreprise celui des Cheminots, celui de la RATP né des ordonnances de la Libération, ou comme la RATP créée alors pour construire un grand service public, sont depuis l’origine nos partenaires. Qu’ils en soient ici remerciés.

Quand le 19 décembre 1964 André Malraux devant le Panthéon, ouvre en grand les portes de la reconnaissance de la République à Jean Moulin, ils sont peu nombreux
ceux qui avec lui avaient franchi celle de ce 48 rue du Four.
Nombre ne verront pas la victoire. Filature par la police française et la Gestapo, trahisons. Certains seront fusillés, mourront en déportation ou encore au combat sous les coups et la torture à l’image de Jean Moulin, ou se suicideront de peur de ne pouvoir y résister.

Combien de Précautions pour Pierre Meunier et Robert Chambeiron sur place et à Daniel Cordier venue de Lyon avec J Moulin pour organiser la rencontre dans la clandestinité. La réunion est à l’image d’une France d’alors,. Pas de résistante alors que sans elles, rien n’aurait pu exister.

À deux pas d’ici, rue de Buci, madeleine Marzin prendra la parole en public pour appeler les femmes à refuser la pénurie organisée par le pillage des ressources alimentaires par l’occupant avec l’acceptation des collabos. Arrêtée, jugée et condamnée à mort, la résistance des cheminots la feront évader en Gare Montparnasse lui permettant d’échapper à son exécution et de poursuivre son combat.

Oui pas de femmes présentes le 27 mai, mais combien d’entre elles, vont permettre cette réunion ? Combien seront-elles à affronter la mort pour mettre en œuvre ses décisions ?

Autre singularité :
La Place des syndicalistes. La participation de la CGT réunifiée, la présence de
la CFTC permettra au monde du travail de s’y présenter rassemblé, confirmant ainsi avec ses plus de deux années de combat dans l’ombre son refus de céder à la répression et à cette collaboration économique qui non seulement la permet, mais souvent la
sollicite. Après l’arrestation de Jean Moulin, l’un d’eux, Louis Saillant, secrétaire de la CGT réunifiée, sera un de ses présidents.
Alain Poher ancien élève de l’École des Mines est au nom de la CFTC président du Comité de Libération du ministère des Finances ?
Pierre Villon, secrétaire du syndicat des Douanes et militant communiste sera avec Jacques Bingen un des rédacteurs de son programme, puis sera un des responsables de son comité militaire,
Une diversité, qualité et atout maître de cette résistance tout autant sociale, culturelle artistique que politique philosophique.
Image d’une diversité de l’engagement ; savoir désobéir, s’insurger, mais aussi de penser l’avenir et de le mettre en chantier avec toutes ses composantes dont les partis et forces politiques ayant refusé de se coucher devant l’occupant et son idéologie génocidaire.
les 17 ici rassemblés étaient animés de la volonté de combattre de façon
implacable toutes les persécutions,
Résolus d’extirper les racines de l’antisémitisme ayant permis au régime pétainiste de produire ses décrets de l ‘automne 40, décrets tenus sur les fonts baptismaux par cette part des élites d’alors qui depuis l’affaire Dreyfus, tels les
Daudet,Maurras, Celine ET d’autres, paradant et disposant des moyens matériels et financiers pour tenir le haut du pavé. Là sont les racines historiques du racisme et de l’antisémitisme en France jusqu’à nos jours.
Il appellera à ce que soient jugés et condamnés ceux qui aujourd’hui bénéficie d’ une intolérable tentative de réhabilitation…Qui ne doit pas être.
L’oublier conduit à laisser croître tous ses surgeons.
Les participants du 27 mai affirment l’unité de Résistance derrière le chef de la France Libre pour mener le combat.
Le général de Gaulle reconnu comme le représentant de la résistance française, le 3 juin 1943, fonde à Alger le « Comité français de Libération nationale » (CFLN). Avec le CNR, ils formeront la France Combattante qui, l’ennemi vaincu, remettra le pouvoir aux autorités de la République.

Le 12 septembre 1944, au Palais de Chaillot, le général de Gaulle accorde une place importante à la rénovation de la démocratie politique, économique, sociale et culturelle du pays. Ses propos sont en résonance avec le programme du CNR.
Robert Chambeiron, son Secrétaire général adjoint pourra dire  » La République rénovée ne sera vraiment démocratique que si elle repose sur un socle social. La liberté n’est qu’un leurre quand elle n’a pas la justice pour compagne « .

Le 27 mai 1943 fonde le pacte Républicain.
Un programme qui avec le préambule de notre Constitution devrait servir de livre de chevet à nombre de responsables d’aujourd’hui pour non pas répondre aux exigences des héritiers des faillis d’hier, mais en porter le message et faire vivre ses principes.
Nous accueillant lors de la préparation de cette journée, au nom de la Fondation de la Résistance, son directeur général nous disait l’exigence de lui donner son indispensable résonance dans les programmes scolaires et dire combien le 27 mai 1943, à juste titre, s’inscrit dans la lignée des grands moments telle la Révolution de 1789.
Si l’insurrection d’août 44 déclenchée par la grève des cheminots renvoie à l’épopée de 89, comment ne pas faire une analogie entre deux dates : 27 mai 1943 ? – 20 juin 89 et le serment du jeu de paume ?

Autour de Jean Moulin, tous conscients d’entrer ici porteur de la volonté du peuple, ils en sortirent encore plus déterminés, Jean Moulin donnant l’exemple jusqu’au sacrifice, appelant à se servir des baïonnettes pour libérer le pays et rétablir la République.

À charge maintenant pour ceux qui ont à cœur de transmettre le sens de leur action et de leur message de lui donner sa place dans les manuels, garantie que cette page, comme la mémoire de ce que furent les trahisons et horreurs qui conduisirent à devoir résister, ne soit pas qu’un moment mémoriel, mais la volonté, clin d’œil respectueux à Lucie Aubrac, de persister à conjuguer le verbe résister au présent.

Je vous remercie.

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Guy Hervy, secrétaire général du CPL pendant son intervention

Danielle Chambeiron, présidente de l'ADVR pendant la cérémonie,Merci. derrière elle, Annick Burgard membre du conseil d'administration de l'AEVR.

Danielle Chambeiron, présidente de l’ADVR pendant la cérémonie,Merci. derrière elle, Annick Burgard membre du conseil d’administration de l’ADVR.

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Intervention de Rachel Jédinak, présidente du comité Tlemcen, le 10 avril 2018

 Intervention de Rachel Jédinak, présidente du comité Tlemcen, en partenariat avec l’ADVR, le 10 avril 2018.

IMG_6980Rachel et sa sœur aînée sont nées en Pologne en 1933 et 1934. Leurs parents, juifs polonais, ont éùogré en France au début des années 20 pour échapper à la misère et au sort fait aux juifs en Pologne. Leur père, ouvrier ébéniste, s’est engagé dès la déclaration de guerre dans la légion étrangère, pour défendre sa nouvelle patrie (l’armée régulière étant réservée aux nationaux français).Il sera envoyé dans le nord, et débutera la « drôle de guerre » durant laquelle Français et Allemands se jaugent sans se faire la guerre.Lorsque les Allemands attaquent et percent les lignes de défense françaises les populations du nord de la France et de Paris fuient sur les routes, c’est l’exode.Rachel, sa mère, sa sœur, son oncle et leur cousine fuient Paris en camion. Des avions effectuent des piqués pour mitrailler les civils. Rachel voit alors ses primeurs cadavres. Elles descendent jusqu’à Angoulême puis rentrent à Paris.
Dès octobre 1940 apparaissent les mesures antisémites. Tampon « Juif » en rouge sur les cartes d’identité, fichier juif contraignant chaque juif à se déclarer aux autorités, multiplication des interdits ( par exemple les jardins publics « interdit aux juifs et aux chiens », limitation des heures pour se ravitailler (entre 15 et 16h, quand les denrées alimentaires ont été déjà vendues), interdiction de fréquenter les cinémas, les piscines…
Le 14 mai 1941 7000 hommes juifs étrangers doivent se présenter pour vérification de leur situation. 3700, dont le père de Rachel, sont arrêtés et envoyés dans les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande dans le Loiret, gardés par des gendarmes français. A l’été 1941, un droit de visite est accordé aux familles. La mère de Rachel rend visite à son mari et lui demande de s’enfuir, ce qui aurait été relativement facile. Il refuse et fera partie du convoi du 28/06/42 pour le camp d’extermination d’Auschwitz.Les 16 et 17 jui!llet 1942 a lieu la«Rafle du Vel d’ hiv ». A l’aube, plus de 1000 policiers, deux par deux, grâce aux informations du fichier juif, raflent plus de 13 000 personnes dont plus de 4000 enfants. Quelques policiers, dans les quartiers de forte concentration d’immigrés : 20è, 11è, 4è, 10è, ont jeté des tracts prévenant de la rafle. Mais Rachel, sa sœur et sa mère sont emmenées à la «Bellevilloise », transformée en centre de regroupement. Sur le trajet des Parisiens montrent leur désaccord. Là, leur mère les incite à s’enfuir, juste avant l’arrivée des autobus pour Drancy. Les policiers de garde à l’entrée tournent la tête pour ne pas les voir s’évader. La mère de Rachel restera 13 jours à Drancy avant d’être déportée à Auschwitz. C’est au total 17 personnes de la famille de Rachel qui disparaissent dans les camps d’extermination allemands.Le 11 février 1943 une nouvelle rafle a lieu qui, cette fois, n’épargne pas les vieillards. Rachel et sa sœur, réfugiées depuis leur évasion de la « Bellevilloise » chez leurs grands-parents sont arrêtées pour la seconde fois, avec leur grand-mère et amenées au commissariat du 20è. Le grand-père, grabataire, est purement et simplement abandonné sur son lit. Au commissariat on les tasse dans la cave. Profitant de l’arrivée de nouveaux raflés, les deux sœurs parviennent à s’échapper, sans réaction d’opposition des policiers. Devant les vives réactions de personnes arrêtées, les policiers libèrent la grand-mère quelque temps lus tard…
Les deux soeurs vont rejoindre leur oncle en province, mais le danger est partout : le centre de refuge d’enfants juifs devient dangereux (la livraison de 1000 « pièces », c’est à dire de 1000 juifs, est attendue). Il leur faut changer de lieu, de nom : les contrôles sont fréquents (notamment dans les gares), et on peut être dénoncé à tout moment.
A la Libération, elles retrouvent leur appartement complètement vide (tout a été envoyé en Allemagne). Des photos et des documents seront retrouvés dans les égouts !
De retour à l’école Rachel pleure en chantant la Marseillaise. Et puis c’est le retour des prisonniers, des survivants des camps. Seulement 2500 juifs de France rentrent d’Auschwitz. Selon Rachel, il n’y aucune volonté d’écouter le récit des juifs, seuls les récits des résistants étaient audibles à ce moment. A la base, l’administration du gouvernement de Vichy est restée en place et Rachel doit prouver qu’elle est orpheline de guerre. Elle doit travaille dès 14 ans, est émancipée à 16ans 1⁄2. Cette « reconstruction » se fait sans aucun soutien psychologique. Elle épousera un survivant du maquis du Vercors, aura deux enfants, et reprendra ses études à 40ans.
Rachel Jédinak évoque enfin la création du Comité Tlemcen dont elle assure la présidence.
Il s’est donné pour objectif de recenser et de garder la mémoire les enfants juifs massacrés par les nazis après avoir été livrés par Vichy. Des plaque ont été apposées sur les établissements scolaires évoquant les déportations, doublées de plaques, à l’intérieur des écoles et collèges donnant les noms, prénoms et l’âge auquel les enfants ont été déportés.
Rachel témoigne aussi devant les promotions de policiers en formation, mal à l’aise lorsqu’elle leur demande ce qu’ils auraient fait s’ils avaient été policiers à l’époque….

Compte rendu de Catherine Blondeau

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