Ils ont un peu entendu parler de la guerre d’Espagne au détour d’un cours d’histoire consacré à la montée des tensions en Europe à partir de 1935. Mais rien d’approfondi. En revanche, leur professeur d’arts plastiques, Sylvie BOUVART, leur a fait étudier Guernica de Picasso en partant d’un questionnaire « classique » (description, contexte artistique et historique, analyse des figures principales, composition pour quelle intention ? …), visionnant Picasso engagement politique, https://www.youtube.com/watch?v=zHc4OlCX7ms
et 1937, le bombardement de Guernica
https://www.youtube.com/watch?v=xJTnvD41C90&t=28s
À l’issue de cette première phase de travail, ils ont « retenu » le bombardement des civils comme arme de terreur et Guernica comme son archétype, symbole de la violence de masse, de la barbarie avant même la Deuxième Guerre mondiale, deuxième dans l’ordre chronologique mais Première pour le caractère d’anéantissement du conflit.
En histoire, ont été évoqués les autodafés de 1933, la nuit de cristal en novembre 1938. A propos de la guerre, on a beaucoup insisté sur la volonté d’anéantissement de peuples entiers, en cohérence avec une idéologie nazie fondée sur le racisme.
La définition de l’ennemi s’y élargit en effet considérablement et inclut désormais des catégories entières de populations. La victoire passe par leur anéantissement, sans distinction de sexe, d’âge ou de condition.
Qu’est-ce qui explique la volonté d’anéantir l’ennemi, qu’il soit soldat ou civil, Juif, communiste ou résistant ou les trois à la fois ? D’où le brouillage de la distinction entre civils et militaires, entre le front et l’arrière…
De son côté, Sylvie BOUVART leur a demandé de s’approprier l’œuvre de Picasso, de partir d’elle ou d’un autre « fait de guerre » pour concevoir une œuvre dénonçant toute forme de violence de guerre.
Les consignes de réalisation de l’œuvre étaient les suivantes : « en mettant en évidence et en scène la souffrance, le cri, la douleur, la violence… Il y aura au moins un personnage et des expressions, un animal, l’évocation d’un lieu.
Réorganiser, déconstruire et reconstruire en gardant l’idée des différents points de vue en même temps, vous pourrez redessiner, changer les échelles, ou vous servir de la photocopie telle quelle.
Technique : des couleurs. Si oui, lesquelles et pourquoi celles-ci ?
Découpage, collage, changements d’échelles, dessins, distorsions, superpositions, décadrages…
Le tout en 3 dimensions.
Sens ?
Pensez au message que vous voulez faire passer, à votre mise en scène. »
Conçu à deux ou trois, le groupe de Julien Carpentier, Kyrsten DUVAL et Nelly ZUO, a conservé le noir et blanc, avec, au centre, le pendu ; composition duale avec, à gauche, l’oppression du peuple par les nazis incarné par la figure d’Hitler et les ombres grandissantes des soldats pour augmenter l’impression d’oppression totalitaire ; à droite, le peuple des victimes, maigres et squelettiques, qui crie, qui souffre, une femme qui pleure, inspirée de la femme dans les flammes, mi- humaine, mi-animal, qui se tord de douleur avec, à l’arrière, la cheminée d’où s’échappe une forme noire, fumée humaine, référence aux camps d’extermination, à la Shoah.
Reprenant la même composition, devant nous, en bas à droite : le champ de bataille évoqué par une barricade de bouts de bois, une femme, un genou à terre, et les camps avec comme seule issue, la pelle qui creuse les tombes…
L’autre duo, Lucie BRUNEL et Félicie GUIFFAULT, a choisi une mise en scène encore plus théâtrale :
Un fond de scène rouge, évoquant le sang, la douleur et surtout les flammes. Une composition inverse avec, de gauche à droite, le personnage dans un bâtiment en flammes, ne peut qu’assister impuissant au désastre, à l’autodafé…
La forme des fenêtres rectangulaires évidées rappelle celle des livres empilés prêts à brûler, la femme, le poing levé, incarne la résistance, son sort est scellé : « là où l’on brûle les livres, on finit par brûler des hommes » (Heinrich HEINE).
Les soldats identiques comme des soldats de plomb, sans identité, sans personnalité, font barrage, barrière imposante. La pointe du « sol » vers nous, personnage, le cheval symbolisant le peuple au sol, crie de douleur, invite le spectateur à prendre part au « spectacle » et être associé au peuple impuissant devant ce barrage totalitaire qu il ne pourra franchir. Il sera lui-même terrassé devant cette puissance !
Comment s’en sortir ?
Les yeux des personnages au premier plan nous interrogent…
Marie-Laurence AUCUY, professeur d’histoire-géographie
Sylvie BOUVART, professeur d’arts plastiques.
Collège Octave Gréard.