-
Robert Chambeiron fut le secrétaire général adjoint du CNR
Archives
- novembre 2024
- octobre 2024
- juillet 2024
- juin 2024
- mai 2024
- avril 2024
- mars 2024
- février 2024
- janvier 2024
- décembre 2023
- novembre 2023
- octobre 2023
- septembre 2023
- juin 2023
- mai 2023
- avril 2023
- mars 2023
- février 2023
- janvier 2023
- décembre 2022
- novembre 2022
- octobre 2022
- septembre 2022
- juin 2022
- mai 2022
- avril 2022
- mars 2022
- février 2022
- janvier 2022
- décembre 2021
- novembre 2021
- octobre 2021
- juin 2021
- mai 2021
- janvier 2021
- décembre 2020
- novembre 2020
- juin 2020
- mai 2020
- avril 2020
- mars 2020
- février 2020
- janvier 2020
- décembre 2019
- novembre 2019
- octobre 2019
- juin 2019
- mai 2019
- avril 2019
- mars 2019
- février 2019
- janvier 2019
- décembre 2018
- novembre 2018
- octobre 2018
- juin 2018
- mai 2018
- avril 2018
- mars 2018
- février 2018
- janvier 2018
- décembre 2017
- novembre 2017
- octobre 2017
- juin 2017
- mai 2017
- avril 2017
- mars 2017
- novembre 2016
- octobre 2016
- septembre 2016
- juin 2016
- mai 2016
- avril 2016
Archives mensuelles : octobre 2023
Partisans de la liberté – clip extrait du film de Christophe Betenfeld
Partisans de la liberté (juin 2010) est un film documentaire d’un peu plus d’une heure dédié à la mémoire d’Henry Karayan (1921-2011), résistant rescapé du groupe Manouchian, au sein des FTP MOI. C’est avec beaucoup de force et d’humilité que le vieil homme confie, pour la première fois, son engagement à des jeunes élèves de 3e du collège Jean Lurçat de Ris-Orangis. Henry Karayan parle de ses liens étroits avec Missak Manouchian, son mentor, arrêté le 16 novembre 1943 à quelques centaines de l’établissement scolaire classé ZEP. Durant une année, Christophe Betenfeld et Sébastien Viaud, enseignants d’histoire et de français, ont filmé la mue de leurs élèves, la fusion transgénérationnelle de deux mondes qui se rejoignent. A la fin de l’année, grâce aux interventions d’Henry Karayan, aux témoignages des résistants Jean Rispal, Raymond Aubrac, Julien Lauprêtre, à la lecture des œuvres des écrivains Alain Blottière, Didier Daeninckx et aux visites sur les lieux de mémoire, la magie opère. Avec une empathie qui rend admiratif leurs professeurs, les élèves s’approprient la mémoire des grandes figures de « l’affiche rouge », « 20 et 3 étrangers qui criaient la France en s’abattant ». Dommage, le film n’a pas bénéficié d’une grande distribution.
« Faire connaître le sacrifice de ces hommes « morts pour la France » dans une époque où le racisme, l’antisémitisme, l’anti étrangers gagnent du terrain, est un devoir d’honneur. Merci pour cette bouleversante projection » : Julien Lauprêtre, président du Secours populaire français.
« Une œuvre qui démontre la compréhension et l’adoption des valeurs de la Résistance » : Raymond Aubrac.
« Félicitations pour ce travail remarquable » : Robert Guédiguian.
« Ce film montre simplement comment des jeunes d’aujourd’hui augmentent leur sensibilité au monde en rencontrant d’autres jeunes que l’Histoire n’a pas épargnés. Merci pour ce cadeau » : Didier Daeninckx.
« Cette classe sous la direction de ses professeurs a réalisé un remarquable travail qui mérite une diffusion nationale. On suit l’évolution de la démarche pédagogique et la métamorphose des élèves à travers une prise de conscience qui se fait peu à peu. Ainsi le travail de mémoire est-il pleinement réussi ! » : Jean Rives, historien. « Merci au collège Jean Lurçat, à l’équipe des professeurs, aux élèves de la classe 305 dont la jeunesse est entrée, par miracle, en résonance avec celles de mes camarades ». : Henry Karayan.
Publié dans Non classé
Ginette Kolinka, Histoires de la Résistance et la Déportation
Ginette Kolinka, survivante d’ Auschwitz, témoin inlassable.
Ginette Cherkasky est née à Paris en février 1925 dans une famille juive athée de 7 enfants.
En juillet 1942, pour échapper à la rafle du Vel’ d’Hiv’ la famille se réfugie à Avignon.
Elle a 19 ans lorsqu’elle est arrêtée en mars 1944 avec son père, son neveu de 14 ans et son petit frère de 12 ans, sur dénonciation.
Internés à la prison d’Avignon puis à Drancy, ils sont déportés par le convoi numéro 71 en avril 1944 à Auschwitz. Son père et son frère sont gazés dès l’arrivée. Ginette et son neveu sont sélectionnés pour le travail. Lorsque le camp d’Auschwitz est évacué, à l’approche de l’armée rouge en janvier 1945 elle est internée à Bergen-Belsen puis à Theresienstadt. Libérée en mai 1945, elle retrouve sa mère et quatre de ses sœurs à Paris. Elle se marie et devient vendeuse sur les marchés à Aubervilliers. Son fils Richard est le batteur du groupe « Téléphone ». À partir des années 2000 elle témoigne inlassablement dans les écoles, collèges et lycées. Naturellement, elle vient témoigner au Lycée Hélène Boucher lors des rencontres élèves/témoins.
Film réalisé par Miguel Vallecillo Mata suite à l’interview que nous avons fait chez elle le 1 avril 2023 avec Yves Blondeau
Publié dans Non classé
« l’Italie de Mussolini a Meloni, du fascisme au post-fascisme ».
Texte de la conférence donnée lundi 9 octobre pour l’ADVR à la mairie du 20e arrondissement par Jean-Pierre Brovelli sur lethème : « l’Italie de Mussolini a Meloni, du fascisme au post-fascisme ».
En dressant le panorama de la vie politique italienne de 1945 à aujourd’hui, Jean-Pierre Brovelli nous permet de comprendre l’évolution de l’activité et de la pensée fascistes en Italie de façon très claire. Cet exposé nous montre aussi comment la Démocratie chrétienne a largement dominé la vie politique italienne ainsi que ses liens avec la Mafia. Evidemment, Jean-Pierre Brovelli évoque également la place du parti communiste italien et sa disparition de la vie politique de ce pays. Un texte à lire et à relire.
Bientôt nous auront le film de la conférence réalisé par Miguel Vallecillo Mata
L’Italie de Mussolini à Meloni Du fascisme au post-fascisme
1. 1945-1992 : Bipartisme imparfait, réminiscences et violences fascistes. _11. Du multipartisme résistant au bipartisme imparfait.
_1945 : Un gouvernement provisoire en régime monarchique.
_1946 : La République, une justice antifasciste tempérée, le tripartisme sous surveillance. _1947 : Violence de l’anticommunisme et fin du tripartisme.
_1948 : La victoire électorale de la DC, le PCI de la pulsion insurrectionnelle à la résignation. _1948 et la suite : Les imperfections de la défascisation amplifiées par la DC au pouvoir. _12. L’accompagnement d’un capitalisme de compromis social.
_Les origines du compromis.
_L’héritage économique de la période fasciste.
_13. Attentats des années de plomb (1969-1980) et tentative de compromis historique. _L’attentat de Piazza Fontana, les débuts d’un terrorisme d’État anticipé par Francesco Rosi. _Pinelli et Valpreda innocentés, les proximités appareil d’État-extrême droite. _Face au chaos la tentative de compromis historique de Enrico Berlinguer. _L’enlèvement d’Aldo Moro et l’action des Brigades Rouges.
_14. La fin de la DC et du PC.
_La DC minée par l’attachement au pouvoir.
_Le PCI emporté par le changement idéologique impulsé par ses dirigeants.
_2. 1992-2011 : Alternance Forza-Italia / PD, et éclipse post-fasciste. _Démagogie fiscale et banalisation post-fasciste par S.Berlusconi.
_L’intégration en Zone Euro réussie par R.Prodi et les gouvernements de centre gauche. _La montée de la Ligue du Nord et du mouvement 5 étoiles.
_« La svolta di Fiuggi », la fin temporaire d’un parti post-fasciste .
_3. 2012-2019 : des expériences nouvelles de centre gauche à l’influence de Salvini. _31. 2012-2014 : Monti l’européen, Letta l’humaniste et la renaissance du post-fascisme. _32. 2014-2016 : Le social-libéralisme de Matteo Renzi.
_33. Le gouvernement Conte I : Matteo Salvini ministre de l’intérieur , 2018-2019. _L’alliance du mouvement 5* et de la Ligue.
_Le populisme de Salvini et ses manifestation.
_L’échec de la marche vers la Présidence du Conseil.
4. De Conte II à G. Meloni : l’Italie entre réveil citoyen et sirènes postfascistes. _2019-2021 : Le gouvernement Conte II sous pression du réveil citoyen. _2021-2022 : Le gouvernement Draghi garant de rationalité financière. _septembre 2022 : « Fratelli d’Italia » porteur d’un nouveau visage électoral de l’Italie. _La référence mussolinienne absente du programme de F d’I, mais présente dans ses rangs.
Films illustratifs :
_Cadavres exquis.
_Buongiorno notte.
_Il caïmano.
L’Italie de Mussolini à Meloni
Du Fascisme au post-fascisme
L’objectif de cet exposé est de mettre en avant les événements principaux de l’histoire de l’Italie depuis 1945, avec un accent particulier sur le cheminement d’une idéologie post-fasciste, qui a aboutit au succès électoral du parti qui la porte en septembre 2022.
En 1945 toute propagande fasciste est interdite en Italie et aucun parti se revendiquant du régime de Mussolini ne figure aux élections-référendum de juin 1946 qui fondent la République. Cependant la création d’un parti qui se donne pour but la préservation de la mémoire fasciste et prend pour devise : « ni renier ni restaurer » est tolérée dès décembre 1946. Il s’agit du Movimento Sociale Italiano (MSI), avec à sa tête Giorgio Almirante. Dans une Italie où toutes les institutions et autres partis condamnent en apparence, au moins, le ventennio fasciste le MSI réalise des scores « confidentiels » (2% des voix en 1948). En 2022, trois quarts de siècle plus tard, Fratelli d’Italia, le parti qui se situe dans sa lignée est choisi par 27% des électeurs et devient le premier parti d’Italie.
Comment des idées dérivées du fascisme ont-elles fait leur chemin pour aboutir à ce résultat ? Est la question à laquelle cet exposé cherchera à donner quelques éléments de réponse en explorant l’histoire en deux temps car il apparaît que ce cheminement du post-fascisme se réalise dans deux cadres différents :
_de 1945 à 1992, dans le cadre d’un bipartisme Démocratie Chrétienne – Parti Communiste, avec une DC capable d’écarter de façon permanente le PCI du gouvernement, et un Parti Communiste en relation avec le monde syndical capable d’impulser des mouvements de masse. Le PCI est capable aussi d’un rôle important dans le batailles d’opinion où il se présente comme bastion de l’anti fascisme, image qu’il s’est formé dans la Résistance.
_après 1992 dans un cadre où DC et PCI sont devenus absents et où se constituent de nouveaux partis et mouvements qui alternent au gouvernement dans des alliances à géométrie variable. Certains ont prospéré avec des mots d’ordre qui relèvent plus ou moins du « dégagisme », cette tendance est particulièrement nette dans le mouvement « Cinq Étoiles » surtout à ses débuts. Cette contestation des dérives du parlementarisme présente l’avantage de leur mise en évidence, condition nécessaire pour leur porter remède, mais aussi le risque d’une réduction du rôle du Parlement pour aller vers un contact direct entre l’exécutif et le peuple ; situation qui va dans le sens de l’idéologie post-fasciste. En Italie, F. d’I. le parti porteur de cette idéologie a accédé au gouvernement à l ‘automne 2022, mais il faut noter que la coalition qui l’a porté au pouvoir a obtenu la majorité en sièges de députés mais non en voix, preuve qu’une partie importante des citoyens reste consciente du danger.
Dans le cadre d’un exposé oral limité à une heure et demie où des choix prioritaires sont nécessaires, j’ai décidé de privilégier la première période, avec comme raison principale qu’elle a été l’objet de nombreuses analyses d’historiens ce qui n’est pas encore le le cas de la seconde qui touche une actualité brûlante. Mon exposé se clôture par un essai de synthèse de l’accumulation au cours du temps des éléments explicatifs du succès du post-fascisme aujourd’hui.
Les événements principaux de l’histoire italienne ont été abondamment repris par le cinéma et les images d’actualités, maints extraits seront utilisés pour illustrer le propos.
1
_1. 1945-92 : Bipartisme imparfait, réminiscences et violences fascistes. _11. Du multipartisme résistant au bipartisme imparfait.
_1945 : un gouvernement provisoire en régime monarchique.
En avril 1945, l’Italie se libérait du nazi-fascisme et les institutions fascistes étaient démantelées, Mais c’était le régime monarchique qui avait traversé la période fasciste qui se trouvait toujours en place. Dans leur période de résistance au nazi-fascisme les partis du Comité de Libération Nationale (communistes, démocrates-chrétiens, socialistes « historiques », socialistes de « Giustizia e libertá », travaillistes et libéraux) avaient décidé qu’à la Libération ce devrait être au peuple italien de trancher entre monarchie et République. Les partis du CNL constituèrent un gouvernement provisoire , ce premier gouvernement fut présidé par Ferrucio Parri du Parti d’Action issu du mouvement Justice et liberté des frères Rosselli. Le gouvernement Parri fut le premier de l’après guerre a être confronté à la mise en chantier d’un système économique et social adapté aux temps nouveaux. A la différence de la France, en Italie, les partis en résistance n’avaient pas réalisé d’accord sur un programme à mettre en œuvre à la Libération du territoire. Alors qu’en France le programme du CNR (Conseil National de la Résistance) avait fait l’objet d’un accord entre gaullistes et communistes, une tâche équivalente restait à accomplir en Italie. Dans le CNL italien comme le CNR français les décisions étaient soumises à la règle de l’unanimité. En Italie la recherche d’unanimité était vouée à l’échec avec un désaccord entre les partis sur le choix entre monarchie et République. Des projets de société nouvelle ont cependant été établis dans des Républiques éphémères, territoires temporairement arrachés aux allemands, dites Républiques de Partisans, c’est le cas de la République de l’Ossola au Nord Ouest du lac Majeur qui a expérimenté de nouvelles normes de vie collective entre le 10 seprembre et le 3 octobre 1944 . De tels exemples ont pu inspirer ministres et parlementaires à la Libération.
Le référendum pour le choix entre Monarchie et République jumelé à l’élection d’une assemblée constituante était prévu pour juin 1946. En attendant, en décembre 1945 un gouvernement toujours provisoire présidé par Alcide de Gasperi prit le relais du gouvernement Parri. Palmiro Togliatti, secrétaire du PCI y occupa le poste de ministre de la justice.
_1946 . La République, une justice antifasciste tempérée, le tripartisme sous surveillance.
Le 2 juin 1946, les italiens choisissent la République à 56% des voix, les 44% pour la monarchie surprennent compte tenu de la compromission de la maison de Savoie avec le Duce, tout au long du ventennio fasciste, au Sud on arrive à 70% des voix pour la monarchie.
A l’assemblée constituante, la Démocratie Chrétienne apparaît comme premier parti dans le pays avec 35% des voix, face au Parti Socialiste et au Parti Communiste qui totalisent chacun environ 20%, soit l’ensemble formé par les deux grands partis d’opposition à 40%, les autres partis obtiennent des scores faibles qui limitent leur influence politique. En nombre de sièges les forces de gauche et de droite sont en équilibre, l’obtention d’une majorité absolue sur un sujet déterminé se trouvant ainsi sous la dépendance de l’attitude prise par de petits partis dont l’opinion peut fluctuer.
Dans l’attente d’un nouveau gouvernement, celui en place met en application ses projets par des décrets et c’est le leader du PCI Palmiro Togliati qui, ministre de la justice, fixe les règles de l’amnistie pour une collaboration qui pourrait être qualifiée de « mineure ». « L’amnistieTogliatti » prévue par le décret du 22 juin 1946 concerne les délits de collaboration que la loi ne punit pas d’une peine de plus de cinq ans, tout en excluant la complicité à des actes correspondant à un homicide ou d’une atrocité particulière. Il est à noter que le décret Togliatti est pour le moins généreux avec les collaborateurs mineurs qui ont tout de même adhéré à un régime criminel, A noter cependant le garde-fou établit contre un trop grand laxisme pour des complicités allant jusqu’à ce point. En tout cas ce dispositif a permis d’éviter le démantèlement de l’administration, il a fait l’objet d’une contestation forte, mais restée minoritaire dans le PCI. Le gouvernement De Gasperi de décembre 1945, est resté en place jusque début juillet 1946,
P. Togliatti ne participa pas au nouveau gouvernement De Gasperi (il en présidera huit) qui sera à la tête de l’État de juillet 1946 à mai 1947 mais les ministres socialistes et communistes y furent nommés en nombre égal aux démocrates chrétiens.
Les forces de gauche en bonne alliance et disposant d’un nombre de sièges à peu près égal à ceux que pouvait regrouper derrière elle la DC auraient pu lui disputer la présidence du Conseil. En effet, compte tenu du degré de mobilisation de ses militants et de son influence sur la CGIL (Confederazione Generale Italiana del Lavoro) on aurait pu s’attendre à ce que la PCI, aidé des socialistes, cherche à prendre la direction du gouvernement. (Il faut noter qu’en 1947 à son premier et dernier congrès la CGIL unifiée compte 5.735.000 adhérents soit un peu plus que la CGT française au même moment).
Le PCI se contenta cependant de participer au gouvernement sans en prendre la direction. Il se trouvait dans environnement hostile et son accès à la direction du gouvernement aurait certainement déclenché une réaction mettant en péril son existence. On peut dire que dans les années 1945-1946, le pays était grandement sous contrôle militaro-économique américain, l’Allied Military Government of Occupied Territories (AMGOT) institué lors du débarquement de 1943 venait juste de prendre fin en décembre 1945 et l’influence américaine demeurait forte, pour preuve l’Am-Lire qui circula en parité avec la Lire jusqu’en décembre 1950.
Il est à peu près certain qu’un gouvernement à direction communiste en Italie n’aurait pas été accepté par les États-Unis, d’autant qu’une participation des communistes au pouvoir exécutif des pays occidentaux, indisposait déjà le pouvoir américain comme le montrent les pressions exercées sur les chefs de gouvernement français et italiens pour qu’ils éjectent les communistes des ministères qui leurs avaient été attribués. C’est ce qui finit par arriver aux représentants du PCI au gouvernement.
_1947. Violence de l’anticommunisme et fin du tripartisme.
La hiérarchie catholique se lance dans une violente campagne contre le PCI, cela après un temps pour laisser quelque peu s’estomper l’image d’un accommodement majoritaire avec le fascisme,. Dès 1947, sans attendre une directive du Pape, des décrets diocésains comme celui de Plaisance sont publiés, ils proclament le refus d’absolution des péchés à celui ou celle qui a voté PCI ou propagé les idées qu’il professe sauf repentir et promesse de non récidive. L’obligation de rejet du communisme sera en quelque sorte sacralisée un peu plus tard par le décret papal du 29 juin 1949 qui promet l’excommunication à qui professe le matérialisme. Une telle pression sur les catholiques pouvant sympathiser avec le PCI produit des effets immédiats y compris sur les députés de centre gauche alliés du PCI. Par ailleurs en 1946-47 partout en Europe occidentale les gouvernants emploient les termes de « guerre froide » et surtout de « rideau de fer » (W. Churchill dans son discours de Fulton du 5 mars 1946) pour caractériser l’environnement international, ce qui favorise l’anticommunisme.
De Gasperi sent que la majorité à l’assemblée peut basculer en faveur de la DC il s ‘estime en mesure de satisfaire l’exigence américaine d’exclure les communistes du gouvernement. Le 13 mai 1947, De Gasperi, présente la démission de son gouvernement. Le 31 mai un nouveau gouvernement est constitué sans représentants du PCI et avec uniquement des socialistes sociaux démocrates. Il est approuvé par l’assemblée constituante le 21 juin par 274 voix contre 231. C’est dans une atmosphère tendue que se déroule la campagne pour les élections de 1948. 3
L’assemblée constituante est dissoute, il s’agit d ‘approuver la Constitution et d’élire les membres de la Chambre des Députés.
_1948 : La victoire électorale de la DC, le PCI de la pulsion insurrectionnelle à la résignation.
En avril 1948 c’est la Démocratie Chrétienne qui ressort comme parti vainqueur aux élections législatives avec 48,5% des voix, elle dispose de la majorité absolue en sièges à la chambre des députés, alors que la gauche est en recul par rapport à ses résultats de juin 1946. Parti Communiste et Parti Socialiste réunis dans le Front Démocratique Populaire ne totalisent que 31% des voix.
Les membres des partis de gauche et les communistes en particulier sont amers, leur mobilisation a été forte mais ils n’ont pas pas pu suffisamment contrer le propagande de la DC soutenue par le commandement américain en Italie (12.000 hommes répartis en 100 bases) et aussi par le Vatican qui a récupéré une grande partie de son pouvoir sur les esprits. Notons enfin que l’anticommunisme de la mafia a servi la démocratie chrétienne. La mafia instrumentalise la religion pour rendre maximum son emprise sur les gens des zones qu’elle contrôle, ce qui a certainement incité des représentants démocrates chrétiens locaux à rechercher un appui électoral mafieux.
Beaucoup de communistes qui ont cru à une prise de pouvoir par leur parti à la Libération, se résignent mal à vivre dans un capitalisme même tempéré par des acquis sociaux. D’ailleurs certains avaient gardé par devers eux une partie de leurs armes de Résistance à l’encontre des injonctions du PCI qui leur demandait de les remettre aux autorités locales. Sur ce sujet un témoignage parmi d’autres celui de Primo Levi qui rapporte que sa sœur tenait une mitraillette cachée chez elle.
C’est dans ce climat qu’un attentat contre Togliatti survient la 14 juillet 1948, le leader communiste fut atteint par trois balles de revolver tirées à distance rapprochée dans son dos et sa nuque. Il ne fut que blessé mais dans les heures qui suivirent c’est la rumeur de sa mort qui circula en de nombreux endroits où l’attentat fut considéré comme le produit d’un anticommunisme fascisant. Des manifestations d’une extrême violence éclatèrent. L’attentat de juin 1924 contre Giacomo Matteotti , symbole de la violence fasciste revint en mémoire des militants. Les manifestations du jour de l’attentat firent 14 morts et une centaine de blessés, elles se poursuivirent les deux jours suivants, 16 morts et 600 blessés s’ajoutèrent au premier bilan. Mais dès le 17 juillet la tension se fit moins forte, La légende, qui correspond peut-être à une partie de la réalité, veut que les exploits de Gino Bartali dans le Tour de France en soient l’une des causes. Le 15 juillet Bartali, vieux coureur fatigué, distancé au classement général avait surmonté sa fatigue dans une étape alpestre et talonnait le maillot jaune, Louison Bobet. Le lendemain dans une nouvelle étape de montagne, alors qu’il était logique de penser qu’il n’aurait pas récupéré des efforts de la veille, Bartali s’envola et endossa le maillot de leader qu’il ne quitta plus. C’est dans l’explication de cet exploit que réside la légende : le 15 au soir le président du conseil Alcide de Gasperi avait téléphoné au champion, ce qui avait donné corps à un récit selon lequel il l’avait imploré de gagner de façon à susciter dans le pays un élan de fierté unificateur. C’est une interprétation qui correspond à la situation du moment où malgré les tensions une majorité d’Italiens suit les exploits des champions nationaux. Certains journaux vont même jusqu’à imaginer les propos du Président du Conseil « notre dernière victoire c’était il y a dix ans déjà, gagne ce Tour, s’il te plaît pour toi même, pour nous, pour ce pays maudit et compliqué ». En tout cas, Togliatti était resté suffisamment conscient pour exhorter les autres dirigeants communistes à calmer les militants pour éviter une insurrection armée; elle aurait été certainement vouée à l’échec face aux troupes américaines stationnées dans le pays et compte tenu du faible soutien à attendre des soviétiques signataires des accords de Yalta. L’exemple des communistes grecs en lutte armée révolutionnaire sans le soutien de Moscou influença certainement les dirigeants du PCI.
1948, apparaît ainsi comme l’année de formation d’un bipartisme imparfait ou compromis obligé entre une DC maîtresse de l’exécutif et le PCI acteur social primordial par ses liens avec le monde du travail.
_1948 et la suite : Les imperfections de la défascisation amplifiées par la DC au pouvoir.
La victoire d’une DC qui à ce moment penche largement à droite, marque un affaiblissement de la volonté de défascisation du gouvernement déjà jugée trop faible par une partie des militants du PCI, qui critiquent en interne l’indulgence du décret Toglatti du 22 juin 1946. Comme il a été dit plus haut, dans un esprit de réconciliation nationale : n’est finalement passible de condamnation que la participation directe à des crimes. En 1948 cette indulgence devient extrême : des sentences prises sur la base du décret sont revues à la baisse. C’est le cas pour les juges fascistes qui ont condamné à mort en janvier 1944, en guise de représaille après un attentat, Don Pasquino Borghi, prêtre de la région de Reggio Emilia pour son aide à la Résistance. En décembre 1948, ces ordonnateurs de mort furent condamnés chacun à 24 ans de réclusion, ils furent amnistiés en 1948.
A côté de condamnations réduites à leur minimum pour la participation à la répression fasciste, le second signe d’une défascisation faible est la constitution tolérée d’un parti se déclarant porteur de la mémoire du fascisme. Il s’agit du Movimento Sociale Italiano (MSI), son principal représentant a été Giorgio Almirante. Sous la République de Saló Giorgio Almirante a été chef de cabinet du ministre de la culture Ferdinando Mezzasoma de septembre 1943 à avril 1945, ce passé ne l’a pas empêché d’être à l’initiative du MSI fondé le 26 décembre 1946 avec des membres bénéficiaires de l’amnistie Togliatti. Le programme évite soigneusement tout prosélytisme fasciste, un peu plus tard sa ligne directrice résumée en un slogan « non rinnegare non restaurare » rendra compte de cet abandon . Et c’est justement cela qui lui permet de ne pas disparaître sous le coup de la loi d’interdiction de toute propagande fasciste. Il n’en reste pas moins que le MSI se donne pour objectif de perpétrer la mémoire du fascisme, pour preuve l’emblème du parti : une flamme tricolore avec un trapèze à sa base que les militants peuvent interpréter comme la mise en perspective de la tombe rectangulaire de Mussolini. L’emblème de la flamme tricolore a été repris par les partis dérivés du MIS : Alleanza Nazionale et Fratelli d’Italia, le trapèze sous la flamme à disparu de celui de F d’I depuis 2017.
En fin des années 1940, le MSI est assez peu visible sur la scène politique, avec 2% des voix il obtient 1% des sièges avec 6 députés à l’Assemblée aux élections de 1948, Les anciens adhérents de plein gré au Parti National Fasciste ont refoulé au fond de leur mémoire leur sympathie pour le régime y compris dans leur vote. L’influence communiste et socialiste est source d’anti-fascisme et l’américanisation de l’Italie sonne comme une victoire sur le nazi-fascisme. Il sera autrement quatre ou cinq décennies plus tard, ce sont 34 sièges sur 630 soit près de six fois plus qui seront obtenus par le MSI en 1992, l’Alleanza Nazionale, continuatrice du MSI en obtiendra 109 en 1995. Le reflux de Fratelli d’Italia à 4,4% en 2018 s’explique par un glissement du vote des sympathisants fascistes vers la Ligue de Matteo Salvini qui n’hésite pas à prendre quelques poses du Duce. Dans les années qui ont suivi Giorgia Meloni a montré sa capacité à impulser un mouvement inverse.
L’empreinte du fascisme va marquer pendant longtemps la justice et l’administration italiennes. L’image de cette administration à l’issue de la période de réorganisation qui a suivi la libération donne une idée du caractère limité de la défascisation du pays. En 1960, sur 64 préfets de première classe, 62 (96%) avaient été en service sous le fascisme. Sur 135 préfets de police, 120 (88%) avaient servi dans la police fasciste. Dans la magistrature la situation était pire, ce sont en grande majorité des magistrats ayant servi sous le fascisme qui étaient chargés de condamner ceux qui s’étaient compromis avec ce système ! Certains de ces magistrats, toujours en fonction avaient même fait partie du « tribunal de la race » instauré en 1939, il avait le pouvoir de déclarer juifs ceux qui ne l’étaient pas au vu de leur état civil.
Indulgente avec les anciens fascistes, la magistrature a cherché à mettre en cause des partisans qu’elle a accusé d’avoir sacrifié la vie d’otages par des attentats d’une utilité, d’après elle, discutable. Des procès ont été intentés contre les anciens partisans jusqu’au début de années 2000, ils se sont toujours conclus en faveur de la Résistance mais ont jeté un certain trouble dans l’opinion.
_12. L’accompagnement d’un capitalisme de compromis social.
_Les origines du compromis.
En parallèle au système politique, dans l’après guerre s’est construit un autre système de compromis, cette fois il s’agit d’un compromis entre le marché et l’intervention économique et sociale de l’État. Un capitalisme de ce type a vu le jour dans la plupart des pays de l’occident européen, avec, pour chacun des particularités nationales. En Italie il se construit dès 1946-1947 à un moment où PCI et DC se partagent le pouvoir. La protection sociale des classes populaires et l’intégration au secteur public d’activités génératrices d’impulsions déterminantes pour l’économie nationale, qui sont voulues par le PCI, sont prises en compte par la DC. L’idéologie du catholicisme social n’est pas sans influence sur ce parti; la Démocratie Chrétienne au pouvoir en 1948, ne renie pas l’encyclique Rerum Novarum de Léon 13 promulguée en 1891: elle privilégie la propriété privée, mais prône son utilisation en vue du bien commun.
Cela va générer un système d’ économie mixte particulier à la base d’une croissance forte jusqu’au milieu des années 70, et la capacité d’adaptation des PME italiennes va permettre au pays de garder un bon degré de compétitivité jusqu’aux années 90, période au cours de laquelle le système sera complètement remis en cause par des vagues de privatisations.
_L’héritage économique de la période fasciste.
Cet héritage est visible dans les organisations du secteur public. Deux cas sont exemplaires : celui de l’IRI (Istituto per le Ricostruzione Industriale) et l’INPS (Istituto Nazionale della Previdenza Sociale). Ces deux institutions créées en 1933 sous régime fasciste ont subsisté après sa chute, l’une d’elle a disparu au début du 21ème siècle tandis que l’autre existe toujours aujourd’hui.
Sous le fascisme l’IRI rachète aux banques des titres de participation au capital d’entreprises industrielles. Le but de l’opération est de renflouer la trésorerie des banques, ce qui donne en même temps à l’État un moyen de contrôle sur les entreprises. Maintenu sous la République, l’Institut se trouve au cœur de l’économie mixte des 30 glorieuses, ses participations seront vendues au secteur privé dans la vague de privatisations des années 90, et l’IRI sera dissout en 2000.
A sa fondation l’actuel INPS se nomme INFPS (Istituto Nazionale Fascista della Previdenza Sociale), il résulte du regroupement de caisses de prévoyance constituées sur une base professionnelle ou sur une base régionale, comme ce sera la cas un peu plus tard pour la Sécurité Sociale française en 1945.
Le maintien après la chute du fascisme, d’institutions créées sous sa domination a alimenté la légende selon laquelle « Mussolini a aussi fait de bonnes choses » ; c’est le titre donné à l’un de ses ouvrages par l’historien Francesco Filippi, qui le sous-titre : « les idioties sur le fascisme qui continuent de circuler ». Dans les faits Mussolini est un personnage criminel sans génie particulier si ce n’est celui de manipuler les foules. Dans son organisation du système économique Mussolini n’a fait que s’adapter à l’air du temps, entre 1930 et 1935 l’interventionnisme prévaut sur le libéralisme économique, l’exemple de référence étant celui des États Unis où Roosevelt élu en 1922 lance le New Deal début 1933 avec la construction des barrages de la vallée du Tenessee.
Par ailleurs les mesures économiques de Mussolini ne sont pas exemptes d’erreurs telle le réévaluation de 40% de la Lire en 1926, qui abaissant de ce pourcentage le prix du blé acheté à l’étranger ruina une grande partie de la petite paysannerie.
La thèse selon laquelle les décisions de Mussolini ne sont pas fondées sur une analyse rationnelle des faits mais résultent de son comportement populiste est soutenue aussi par Antonio Scurati dans son livre « M, l’homme de la providence » il relève cette phrase de Mussolini : « je flaire le temps qui vient », ce qui signifie que Mussolini cherche à deviner ce que veulent les masses et de ce point de vue il est souvent tombé juste. Cette analyse d’A. Scurati se trouve confirmée quand on retourne aux sources de l’déologie fasciste c’est à dire telle que Mussolini la définit en 1919 lorsqu’il fonde le mouvement qui le portera au pouvoir : « nous nous permettrons d’être pour l’aristocratie et pour la démocratie, pour la réaction et pour la Révolution , pour la légalité et l’illégalité, selon les circonstances du temps, du lieu et de l’ambiance. » Mussolini « Il Popollo d’Italia » avril 1919.
_13.Attentats des années de plomb (1969-1980) et tentative de compromis historique. _L’extrême droite initiatrice des attentats, un terrorisme d’État anticipé par Francesco Rosi.
Les années de plomb sont caractérisées par une double série d’attentats:ceux de l’extrême droite sont des attentats frappant la foule de façon aveugle cherchant à déstabiliser le pays, ceux des brigades rouges prennent essentiellement pour cible des dirigeants d’entreprise censés exploiter le monde ouvrier, cette extrême gauche espère dresser les masses contre les oppresseurs.
L’extrême droite joue un rôle majeur dans l’instauration d’un climat de peur ,elle chercha à prolonger le climat né de certaines manifestations de 1968 où les heurts entre les participants et la police avaient été particulièrement violents. On trouve là, même avec une probabilité de réussite faible, la stratégie habituelle des ultras de droite recherche du chaos en vue d’une intervention de l’armée et d’un éventuel coup d’État.
L’attentat qui ouvre la période des années de plomb lui est attribué à, la droite néo-fasciste, c’est celui du 12 décembre 1969 Piazza Fontana à Milan (17 morts et une centaine de blessés) de même les années de plomb se terminent par un attentat d’extrême droite : celui la gare de Bologne le 20 août 1980 (85 morts et 200 blessés).
Entre la fin 1969 et la fin 1980 ce sont près de 200 attentats qui portent la marque de l’extrême droite, 7 entraîneront la mort de plusieurs personnes. Parmi ceux ci on peut citer celui de la Piazza della Loggia à Brescia, 8 morts et 102 blessés, le 28 mai 1974, et celui de l’express Rome-col du Brenner, 12 morts et 105 blessés, le 4 août 1974.
A partir de 1974 les attentats des Brigades Rouges viennent s’ajouter à ceux de l’extrême droite, il ne s’agit pas pour cette extrême gauche de déclencher ce qu’on pourrait appeler « une peur de masse » mais de cibler cette peur vers des dirigeants d’entreprise ou des hommes politiques. Il n’empêche que même si le climat de peur n’est pas l’objectif , il est tout de même sensiblement aggravé par l’enlèvement et l’assassinat d’Aldo Moro en 1978.
Le film « cadavres exquis » de Francesco Rosi de 1976, ne traite que des attentats « au hasard » qui seront attribués à l’extrême droite. Le titre du film est choisi précisément pour pointer l’absence de lien entre les attentats, il s’agit du début de la première phrase d’un jeu de hasard inventé par des membres du courant surréaliste vers 1925 et pratiqué notamment par André Breton et Jacques Prévert : chaque participant écrit à tour de rôle une partie d’une phrase, dans l’ordre sujet–verbe– complément, sans savoir ce que le précédent a écrit. La première phrase qui résulta de ce processus et qui donna le nom à ce jeu fut : « Le cadavre – exquis – boira – le vin – nouveau. ».
Sur l’origine de ces attentats F.Rosi fait l’hypothèse d’une collusion entre des membres de l’appareil d’État et leurs auteurs. Ce film est inspiré du roman de Leonardo Sciascia de 1971 « Il contesto ».
Le début du film est inspiré des faits connus au moment de sa réalisation ; le commissaire Rogas (Lino Ventura) chargé de l’enquête sur les attentats qui frappent le pays est obligé par ses supérieurs d’orienter ses investigations vers les milieux d’extrême gauche. Dans la réalité, cette orientation est bien celle qui a été prise, avant d’être abandonnée, après l’attentat de décembre 1969 , elle correspond à l’arrestation des anarchistes Giuseppe Pinelli et Pietro Valpreda.
La suite du film correspond à une fiction, en 1976 les enquêtes n’ont pas aboutit à des certitudes sur les origines des attentats et F. Rosi anticipe : Rogas découvre que les attentats sont commandités par des membres des services d’État, Et sur ce point les faits amèneront à considérer cette hypothèse comme plausible.
Par contre la fin du film n’est pas tombé juste quant à la suite des événements : le commissaire cherche à informer le secrétaire du PCI. Ce dernier a déjà retenu l’hypothèse d’une provocation et mesure les risques de répression. Au moment où les deux hommes se rencontrent dans un contexte de manifestations de masse et de mobilisation de l’armée, des coups de feu claquent, ils sont assassinés. Le nouveau responsable du PCI préfère calmer la colère des militants prêts à l’insurrection plutôt que leur dévoiler la nature de la provocation. Le film se conclut sur la phrase : « la vérité n’est pas toujours révolutionnaire » à contrario de celle de Lénine selon lequel « seule la vérité est révolutionnaire ».
Cette fin , visiblement inspirée de la situation résultant de l’attentat contre Togliatti en 1948, n’a pas correspondu à la réalité, l’extrême droite n’est pas parvenu à créer une situation insurrectionnelle.
_Pinelli et Valpreda innocentés, les proximités appareil d’État-extrême droite.
Dans la réalité les mandataires des attentats n’ont pas été identifiés par contre au début des années 80 sont apparues des preuves de contact entre des organisations comptant dans leurs rangs des membres des services d’État et des groupes d’extrême droite, mais sans que soient prouvés des mandats précis.
Pour l’attentat de Piazza Fontana, l’enquête policière a d’abord connu quelques errements, ils ont coûté la vie à l’anarchiste Giuseppe Pinelli injustement accusé et censé s’être suicidé au cours de son interrogatoire. Le procès des auteurs présumés s’ouvrit à Rome en février 1972, il en est résulté quelques condamnations notamment de membres de l’organisation néo-fasciste « Ordine Nuovo », créée en décembre 1969. Elles furent annulées par décision de la Cour de Cassation en décembre 1987, pour insuffisance de preuves. Il reste les déclarations de magistrats pour lesquels il ne fait aucun doute que l’attentat de Piazza Fontana a été commis par des néo-fascistes. C’est le cas de Guido Salvini, magistrat milanais, pour qui l’attentat a été commis par l’extrême droite italienne en collaboration avec la société Aginter Press, officiellement agence de communication, en réalité une agence de déstabilisation dirigée par Yves Guillou, ancien membre de l’Organisation Armée Secrète (OAS). Le Monde 1er décembre 2022.
Dans les deux années qui ont précédé le procès, l’évidence de l’innocence de G.Pinelli et P. Valpreda, n’a pas empêché la presse de droite de se livrer contre la personne de Valpreda et la mémoire de Pinelli à des campagnes d’accusation violentes et mensongères, à tel point que le mouvement pour les soutenir a dépassé la gauche extra-parlementaire pour gagner la plus grande partie de la société civile. C’est dans ce contexte que Dario Fo, écrivain dramaturge de grande renommée, présenta en décembre 1970 sa pièce « Morte accidentale de un anarchico », pour éviter la censure il choisit d’évoquer la mort d ‘Andrea Salsedo anarchiste italien ami de Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti « tombé » du 14éme étage d’un gratte-ciel de New-York alors qu’il était interrogé par la police. Le film de Giuliano Montaldo « Sacco e Vanzetti » s’inscrit lui aussi, en 1971, dans l’accompagnement de la protestation de la société civile, Ennio Morricone en écrit la musique et Joan Baez interprète la chanson qui clôt le film : « Here’s to you».
Après l’attentat de Bologne l’hypothèse d’une relation entre les auteurs et une organisation elle même en contact avec des membres des services d’État s’est faire encore plus plausible En 1981 la loge maçonnique P2 avec son « Maître Vénérable », Licio Gelli, impliqué dans la banqueroute frauduleuse du Banco Ambrosiano, faisait l’objet d’enquêtes et c’est à cette occasion que furent découverts les contacts entre la loge et des groupes d’extrême droite, il n’est cependant pas apparu de documents portant preuve de mandats précis.
D’après la commission d’enquête, sous couvert d’un plan de « renaissance de la démocratie », la loge avait en fait pour objectif l’exercice du pouvoir d’État par ses membres. Son histoire montre que ses dirigeants avaient continuellement cherché à attirer vers eux des hommes politiques influents et à se placer dans les allées du pouvoir. Pour Licio Gelli la déstabilisation du pays devait offrir à la loge l’opportunité d’avancées vers le pouvoir, c’est dans cet esprit que contact avait été pris avec des groupes terroristes d’extrême droite.
D’après les documents saisis, en 1981 la loge comptait parmi ses membres : 9 généraux des carabiniers, 1 ministre démocrate chrétien, 1 ministre socialiste, 5 secrétaires d’État des partis de gouvernement… On trouva aussi un reçu de règlement de cotisation portant le nom de Silvio Berlusconi.
Le nombre important de hauts responsables de la police parmi les membres explique les difficultés des enquêtes sur les attentats qui furent attribués à l’extrême droite.
_Face au chaos la tentative de compromis historique de Enrico Berlinguer.
C’est en septembre 1973 que Enrico Berlinguer secrétaire général du PCI exprime sa volonté d’un compromis avec l’aile gauche de la DC. Il craint en Italie, un coup d’État du type de celui connu par le Chili. Les craintes de Berlinguer s’expliquent par le contexte de tensions sanglantes, en 1973 les morts occasionnées par les attentats se comptent déjà par dizaines. La solution lui paraît de marginaliser les forces à tendances fascistes par une union majoritaire durable des partis démocratiques. C’est la leçon qu’il tire de l’expérience chilienne où très vite le Démocratie Chrétienne s’est désolidarisée de l’Union Populaire pour s’allier à l’opposition de droite laissant le Président Allende sans majorité au Congrès. Il importe donc d’ancrer la Démocratie Chrétienne dans une alliance à gauche. Cela parce que l’union avec le parti socialiste n’apparait pas suffisante pour accéder à une position majoritaire. La gauche italienne par addition des voix du PCI et du parti socialiste de Bettino Craxi n’atteint pas 51% de l’électorat, souligne Berlinguer. Il juge, à ce moment, les courants démocratiques au sein de la Démocratie Chrétienne suffisamment forts pour faire d’elle un allié contre un basculement dictatorial. Dans les années qui suivent il va s’efforcer de nouer avec la DC une entente en vue d’un compromis historique aboutissant à une participation du PCI au gouvernement. Pour faciliter cette entente, Berlinguer donne des garanties aux démocrates chrétiens qui mettent en doute l’autonomie du PCI vis à vis de l’URSS malgré les prises de distance réalisées dès l’ère Togliatti. Pour ce faire, E. Berlinger, en 1976, déclare positive l’appartenance de l’Italie à l’OTAN qu’il juge : « un bouclier utile pour la construction du socialisme dans la liberté, une cause de stabilité sur le plan géopolitique et un facteur de sécurité pour l’Italie. ». Il donne aussi des garanties à ceux qui voient dans le marxisme un ennemi du catholicisme, en 1977 il déclare chercher : «à réaliser une société qui s’organise de manière à être toujours plus ouverte et accueillante aux valeurs chrétiennes . ». Berlinguer trouve dans la DC en la personne d’Aldo Moro un allié dans son action de rapprochement des deux partis. Moro craint lui aussi un coup d’État de type chilien, dans une atmosphère de violence et de discrédit de la DC minée par le clientélisme. En 77-78 des négociations se nouent pour la participation de communistes au gouvernement, elles échouent du fait de l’hostilité au compromis historique de Giulio Andreotti, l’un des principaux leaders de la DC. L’attitude des dirigeants chrétiens au cours de la séquestration d’Aldo Moro, Président de la DC, enlevé par les Brigades Rouges le 16 mars 1978 incita Berlinger à renoncer définitivement à un rapprochement avec ce parti.
_L’enlèvement d’Aldo Moro et l’action des Brigades Rouges.
L’enlèvement puis l’assassinat d’Aldo Moro Président du Conseil italien constitue l’un des attentats politiques les plus marquants de l’histoire de l’Italie. Aldo Moro fut enlevé enlevé le 16 mars 1978 et retrouvé mort le 9 mai 1978. Pendant près de deux mois régna en Italie un climat de tension extrême. La population choquée par la violence des Brigades Rouges qui s’ajoutait à celle de l’extrême l’extrême droite, était soumise à des contrôles incessants par une police à la recherche de l’homme d’État disparu. Mais pour beaucoup d’observateurs, aussi bien le gouvernement que la police n’ont pas tenté la négociation avec les ravisseurs ni mené les actions de recherche avec la détermination qui convenait. Si bien que la famille d’Aldo Moro refusa qu’on lui fit des funérailles nationales. Par ailleurs le PCI à qui avait soutenu le gouvernement Andreotti le temps des recherches d’Aldo Moro kidnappé, Après sa découverte retirera son soutien à la DC au gouvernement.
Ainsi, au cours des années de plomb l’action des brigades rouges s’entrecroise avec les attentats de l’extrême droite. Les brigades rouges portent leurs attaques contre des représentants du monde de l’entreprise ou de la finance ou bien contre des personnes membres ou collaboratrices d’organisations jugées d’idéologie fasciste.
Les brigades rouges se constituent en septembre 1970, leur première action contre des personnes date du 3 mars 1972, il s’est agit de la séquestration d’un dirigeant de l’entreprise Siemens, quant à l’action allant jusqu’à mort d’hommes, elle date du 7 juin 1974, elle correspond à l’exécution par arme à feu d’un membre et d’un collaborateur du MSI à Padoue.
Le déclenchement d’une peur collective n’est pas l’objectif premier des attentats de l’extrême gauche armée, il s’agirait plutôt d’un dégât collatéral, Pour le brigades rouges il s’agit d’attaquer les centres de pouvoir qu’il s’agisse de grands patrons ou d’hommes politiques. L’existence de la lutte des classes constitue le point central de l’idéologie des Brigades Rouges, selon leurs membres le prolétariat ne peut triompher que par l’utilisation de la violence, ils espèrent y entraîner le monde ouvrier. De ce point de vue, les séquestrations de dirigeants qui marquent les débuts de leurs actions ont souvent suscité plus de sympathie que de condamnation chez les salariés des entreprises concernées ; la désapprobation par le PCI et de la CGIL (Confederazione Generale Italiana del Lavoro) ont eu peu d’échos dans les classes populaires jusqu’à l’assassinat d’Aldo Moro au printemps 1978. Il était considéré par le Secrétaire du PCI , Enrico Berlinguer, comme un interlocuteur fiable pour la construction d’un monde plus juste et cette démarche était bien reçue par le monde du travail qui majoritairement désapprouva cette action des Brigades Rouges. Assombrie par cet assassinat l’image des BR fut définitivement ternie, et même l’organisation rejetée par une grande partie du monde ouvrier à la suite de l’assassinat en janvier 1979 de Guido Rossa syndicaliste de la CGIL. G. Rossa comptait parmi les salariés d’une grande entreprise sidérurgique implantée à Gênes, Italsider, il y découvrit l’action de propagande d’un membre des Brigades Rouges et le dénonça au service de sécurité. Sa mort ne résulte peut-être pas d’une décision collective, mais quoiqu’il en soit, les BR voulurent faire de sa « punition » un cas exemplaire. Cette action des BR eu certainement un effet dissuasif pour ce qui concerne les dénonciations, mais elle détacha définitivement des BR, la quasi totalité du monde du travail, Ce sont 250.00 personnes qui assistèrent aux funérailles de Guido Rossa.
La violence des brigades rouges a d’autant plus marqué la mémoire collective italienne que les procès, évasions et demandes d’extradition se sont déroulés sur une période longue. Ainsi Toni Negri est condamné à une peine de détention en 1979 , en libération provisoire pour une candidature électorale, il s’enfuit vers le France en 1983 pour bénéficier de la « doctrine Mitterrand » qui protège ceux qui s’engagent à renoncer à toute violence et en principe n’ont pas commis de crimes de sang. En 1997 il devance une demande d’extradition et rentre en Italie pour finir de purger sa peine à l’horizon 2004.
Les dernières extraditions sont d’un passé proche. Cesare Battisti réfugié en France et extradé en 2004 sous Jacques Chirac, quitte le pays pour le Brésil de Lula. Il terminera son périple échappatoire en Bolivie d’où il sera extradé en 2019. Encore plus proche l’arrestation, en France, en avril 2021, de l’ex-brigadiste Marina Petrella et de quelques autre de ses compagnons d’armes. Condamnée à la réclusion à perpétuité en Italie pour le meurtre d’un policier, elle s’est réfugiée en France. Toujours grâce à la « doctrine Mitterrand », elle a été autorisée à résider dans ce pays où elle vit actuellement depuis les années 1990. Elle attend le déroulement du procès qui va statuer sur son extradition vers l’Italie.
Les institutions et les partis politiques au gouvernement sont ressortis ébranlés des années de plomb, ce fut notamment le cas de la DC, ses membres n’ont pas directement été impliqués dans des attentats mais les enquêtes menées au cours de la période ont tout de même fait ressortir la proximité de certains responsables du parti avec des donneurs d’ordre d’attentats, ce fut en particulier le cas des dignitaires de la DC membres de la loge P2. De son côté le PCI allait bientôt être confronté à la mise en cause de partis communistes en place dans les démocraties populaires et bientôt à l’effondrement de l’Union Soviétique. Ces ébranlement allaient conduire à un nouveau visage de l’Italie politique.
_14. La fin de la DC et du PCI.
_La DC minée par l’attachement au pouvoir.
Dès 1983 la sanction électorale se fait sentir, la DC se retrouve à son plus bas niveau avec 30,5% des voix elle est talonnée par la PCI qui en compte 30%. L’enquête sur la Loge P2, qui a fait apparaître, des ramifications qui vont jusqu’à certains responsables du parti, n’y est pas étrangère. L’addition d’autres manquements à la morale politique va entraîner la DC vers sa fin.
Parmi ceux -ci, les pratiques de Giulio Andreotti, l’un des membres les plus en vue de la DC par sa participation à un nombre impressionnant de gouvernements est accusé en 1984 de soutien à un membre de la loge P2 Michele Sindona, organisateur d’une banqueroute frauduleuse, quelques années plus tard il est accusé de relations avec la mafia, tissées au cours des années 70. En procès il parvient à se défaire de ces accusations mais sa réputation en reste entachée il apparaît prêt à se compromettre pour des financements ou des appuis électoraux.
Et l’événement qui achève le DC est son implication dans un vaste système de financement des partis , l’enquête « mani pulite », lancée en 1992 révèle la banalisation de la corruption instaurée, au fil des années, par des membres des partis au pouvoir. Quatre des cinq partis du « pentapartito » au gouvernement vont se trouver impliqués dans un système de paiement, par les entreprises, de dîmes aux partis politiques dit « tangentopoli ».
La DC apparaît comme un parti miné par l’usure des pouvoir que ses dirigeants ce sont évertués à maintenir au prix de pratiques condamnables.
1992 apparaît comme année particulièrement traumatique dans une Italie secouée par les révélations de l’enquête « mani pulite », cette même année ont lieu les attentats contre les juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino. Ils peuvent être interprétés comme une vengeance de la mafia contre les juges dont les enquêtes ont mené au démantèlement de l’organisation à l’issue du maxi-procès qui s’est déroulé en 1986-1987 avec Tommaso Buscetta comme mafieux repenti.
En 1994, la DC s’auto-dissout officiellement, ses courant se constituent en partis, le principal d’entre eux est son centre gauche il se constitue en Parti Populaire Italien (PPI) reprenant le nom du parti fondateur de la DC. En 2007, le PPI, devenu Démocratie et Liberté encore dit « la margherita » par adjonction de deux partis proches, rejoint les membres du courant majoritaire de l’ancien PCI pour former le Partito Democratico (PD).
_Le PCI emporté par le changement idéologique impulsé par ses dirigeants.
Ainsi, le début des années 80 a marqué le commencement d’un déclin de la Démocratie Chrétienne qui s’est terminé par sa disparition au début des années 90. Sur la même période le PCI allait connaître un processus qui allait le conduire, lui aussi, à la disparition, avec un point de départ de la marche vers l’effacement totalement différent, pour la DC l’affirmation d’une crise et pour le PCI son apogée.
A la mort d’Aldo Moro ; E.Berlinguer renonce définitivement à une alliance avec le DC qu’il juge orientée de façon irréversible vers le clientélisme et la corruption. Il rénove l’approche de la société par le PCI en prenant notamment en compte une société où monte la dénonciation de situations de domination jusqu’ici peu mises en avant par le parti, et parmi celles-ci la domination masculine. De cette façon le PCI va au delà d’une analyse dominants-dominé(e)s dans la seule sphère de production. Cela amène la PCI à tisser des liens avec des mouvements qu’ils soient féministes, écologistes ou pour la paix ou pour toute cause allant vers plus de justice sociale.
Lorsqu’il mourut, le 11juin 1984 au cours d’ un meeting à Padoue, Berlinguer avait donc engagé le PCI dans une voie nouvelle, si on la compare aux pratiques antérieures. Mais cette voie correspondait bien à la pensée de Gramsci, par la volonté de mettre le PCI au centre d’un « progrès intellectuel de masse » dans une perspective communiste. Et cette orientation, ne semblait pas défavorable au PCI puisque, aux élections européennes du 17 juin 1984 le PCI devança, très légèrement la DC, pour la première et seule fois de son histoire: le PCI totalisa 33,33% des voix contre 32,96 à la DC.
Après E.Berlinguer son successeur Alessandro Natta va poursuivre l’œuvre de modernisation de l’organisation, mais c’est le Secrétaire qui suit, Achille Occhetto élu en 1988 qui va mener le PCI vers un bouleversement qui allait le faire disparaître pour donner naissance à un nouveau parti fondé sur des bases différentes. Avec la contestation populaire qui touche les Partis Communistes au pouvoir dans les pays de l’est, jusque là sous domination soviétique, A. Ochetto pense que la référence à l’idéologie traditionnelle doit être abolie. Au printemps 1989 il fait la déclaration formelle de la rupture avec la pensée de P,Togliatti, réalisée dans les faits mais jamais clairement exprimée : « Il est bien clair que pour nous il fut inévitablement co-responsable des actes de l’époque stalinienne. ». La chute du mur de Berlin en novembre 1989 lui paraît le moment propice pour réaffirmer la nécessité d’une rénovation du PCI et il précise sa pensée : il s’agit d’ « unifier les forces de progrès » ce qui suppose un parti non seulement partenaire mais intégrant ces forces, enfin A. Ochetto laisse entendre qu’un changement de nom est possible. A. Occhetto s’était dit ouvert à cette possibilité parce qu’il envisageait un changement de la nature même d’nu PCI ouvert à d’autres courants que le communisme italien. A ce propos Guido Liguori auteur de Qui a tué le Parti Communiste Italien ? cite Dante « nomina sunt consequentia rerum », les noms sont les conséquences des choses, ce fut le cas pour le PCI.
La motion d’orientation présentée par les partisans d’Achille Occhetto face à des courants plus attachés à la référence communiste, fut majoritaire au Congrès de Bologne du 7 mars 1990. Cette motion proposait : « une contamination entre les cultures populaires et progressistes de notre pays, celle qui a mûri dans l’expérience originale du communisme italien, celle du réformisme libéral, démocratique et socialiste, celle du catholicisme social et démocratique, et celles nouvelles,liées aux thématiques de l’environnement, de la différence sexuelle et de la non violence. ». On constate que le changement idéologique va au delà de ce qu’envisageait E. Berlinguer et que le PCI change véritablement de nature.
Au 20ème congrès du PCI du 31 janvier au 4 février 1991, à Rimini, fut entérinée sa fin. A. Occhetto proposa à la direction du PCI le nouveau nom : Partito Democratico della Sinistra (PDS) et un nouveau symbole : le chêne. Dans l’emblème proposé se trouvait présent un rappel de la filiation avec le PCI, par la figuration sous l’arbre, du drapeau rouge accompagné de l’étoile, de la faucille et du marteau ainsi que des trois initiales de l’ancien parti.
Après l’adjonction de petits partis de gauche qui le transformeront en Democratici di Sinistra (DS) en 1997, avec un emblème où faucille et marteau sont désormais absents, le PDS se transformera, en 2007, en Partito Democratico (PD) en absorbant l’aile gauche de l’ancienne DC, comme il a été dit plus haut.
Dans la même période de temps que le PCI et la DC le Parti Socialiste Italien (PSI), second grand parti du pentapartito se recompose lui aussi et change de nom, il devient en 1998 le parti des Socialistes et Démocrates Italiens (SDI).
De ce qui précède on peut déduire qu’en l’année 92 prend fin le système politique né à la Libération, l’opération « mani pulite » donne le coup de grâce à une DC très mal en point et depuis un an le PCI n’est plus le PCI.
En cette seconde période de la République on peut dire que gauche et droite ont changé de nature, la droite a perdu une référence chrétienne auparavant majoritaire et va souvent prendre une couleur populiste, en face d’elle , on trouve une gauche désormais sans référence communiste, qui va éprouver les pires difficultés pour s’unir.
Pour ce qui est de la confrontation entre les valeurs de la Résistance et le post-fascisme, elle aussi se transforme, comme il a déjà été dit, avec d’une part la disparition du PCI et de l’autre celle d’anciens fascistes restés en poste mais désormais atteints par l’âge.
Pour des raisons de recul historique mais aussi de contraintes de temps imposées par un exposé oral, je me contenterai dans ce qui suit d’un survol événementiel pour concentrer la réflexion sur les avancées et les revers du post-fascisme.
_2. 1992-2011 : Alternance Forza-Italia / PD ; et éclipse post-fasciste.
_Démagogie fiscale et banalisation post-fasciste par S.Berlusconi.
La disparition des deux grands partis a été suivie d’une phase de « gouvernement technique », puis, à côté du PD un nouveau parti constitué à l’initiative de Silvio Berlusconi arrive sur la scène politique. Il s’agit de Forza-Italia avec un programme relevant du populisme de droite, c’est un populisme qui se caractérise par la recherche d’un contact direct avec le peuple, pour ce faire S. Berlusconi utilisera grandement la télévision. Il apparaîtra dans des émissions racoleuses visant un conditionnement politique de l’opinion.
La personnalisation du pouvoir par le contact direct d’un leader avec le peuple caractérise la stratégie de la droite italienne de l’après 1992, quelques années après le dernier gouvernement Berlusconi, elle sera mise en œuvre notamment par Matteo Salvini.
Les électeurs de FI de, sont généralement des gens de la classe moyenne attirés par les promesses fiscales et réceptifs à la politique spectacle, s’y ajoutent des chrétiens de droite essentiellement motivés par le rejet du PD, qu’ils trouvent encore trop « communiste ».
S. Berlusconi s’est trouvé chef de gouvernement sur trois périodes : mai 1994 à janvier 1996 puis de juin 2001 à mai 2006 et enfin de mai 2008 à novembre 2011.
Pour remporter par trois fois les élections législatives, en 1994, 2001, et 2008, avec son parti FI, S.Berlusconi a reçu comme appuis principaux celui de la Ligue du Nord et celui de Alleanza Nazionale.
Forza-Italia et ses alliés ont alterné au pouvoir avec des coalition de centre gauche, d’abord « l’ulivo » puis « l’unione ».
Entre mai 1994, et novembre 2011, sur un peu plus de 17 ans, l’Italie se trouve pendant 10 ans sous un pouvoir berlusconien, la gauche n’apparaissant que sur 7 ans au cours de cette période. 13
Son temps de pouvoir a permis à S. Berlusconi d’infléchir les valeurs dominantes de la société italienne dans le sens de l’individualisme. Les principales mesures vont dans le sens d’une réduction de l’impôt et de l’amnistie fiscale. Au début de sa troisième période de gouvernement S.Berlusconi supprime l’ISI (Imposta Straordinaria sugli Immobili) qui tient lieu de taxe foncière, mesure qui assèche les ressources des collectivités locales consacrées à l’entretien des équipements municipaux. De même l’impôt sur les successions est quasiment réduit à néant. Par ailleurs, la loi de finance votée en 2003 sous un gouvernement Berlusconi efface tout redressement pour fraude sur les impôts payés entre 1997 et 2002 moyennant une compensation du montant le plus faible jamais connu sous la République italienne, pour la fraude sur les années qui précèdent il y a prescription. On pourrait presque parler d’une incitation à la fraude fiscale.
Du fait de l’impact de la démagogie fiscale sur l’opinion les gouvernements de gauche ne sont pas parvenus à abolir totalement les mesures prises par S.Berlusconi. Son temps de gouvernement a laissé une empreinte durable sur la fiscalité mais aussi sur les comportements, on peut dire qu’il a durablement fait reculer le sens de l’intérêt général dans la société italienne, il s’agit là du recul d’une valeur clef qui irriguait les programmes de reconstruction sociale des Républiques de Partisans en Italie et du programme du Conseil National de la Résistance en France.
Outre l’inflexion des comportements vers plus d’individualisme les pratiques de S. Berlusconi vont avoir un second impact sur la société italienne elles vont contribuer à ce qu’on pourrait appeler une banalisation du post-fascisme en favorisant une plus grande participation de ce courant d’idée à la vie politique. En 1994 Fd’I et les autres partis de droite à la recherche d’un élargissement de leur assise électorale donnent l’occasion de cette participation au post fascisme en lui proposant une alliance électorale. A partir de ce moment le mouvement post-fasciste va régulièrement se trouver aux côtés de FI, de la Ligue du Nord et de partis de centre droit pour faire face au PD et autres partis majoritairement de gauche.
Par ailleurs, Gianfranco Fini, président du MSI, sera Vice Président du Conseil tout au long du gouvernement de S.Berlusconi de 2001 à 2006 et de plus, au cours de cette même période, ministre des affaires étrangères de 2004 à 2006.
A côté de Gianfranco Fini, Giorgia Meloni est l’autre figure du post-fascisme à laquelle S. Berlusconi a contribué à donner une stature de personnage politique, elle assure la fonction de ministre de la jeunesse dans le dernier gouvernement de S.Berlusconi de 2008 à 2011.
Très vite la stratégie de banalisation du post-fascisme inaugurée par Gianfranco Fini et favorisée par Silvio Berlusconi s’est avérée efficace : en 1992 le MSI occupait 34 sièges sur 630 à la Chambre des Députés ; dès 1995, il en comptait 109, c’est à dire trois fois plus.
Autre vecteur de banalisation du post-fascisme : le totalitarisme fasciste traité avec légèreté Pour S. Berlusconi l’assignation à résidence des opposants au régime fasciste, généralement convoyés en Italie du Sud ou dans les îles, correspond à des vacances « Mussolini mandava la gente a fare vacanza al confino ».
Ce faisant S. Berlusconi porte une appréciation sur une pratique fascjste connue en Italie et au delà grâce au livre de Carlo Levi publié dès 1945 : « Le Christ s’est arrêté à Eboli ». Carlo Levi membre du parti Justice et Liberté a été assigné à résidence en 1935 dans le Basilicate aux confins Sud de la péninsule face à la mer Ionienne. Dans son livre il décrit le mode de vie, les coutumes et les croyances des paysans des régions méridionales dans les années 30. Autres lieux de concentration d’opposants assignés à résidence : les îles en Méditerranée, en particulier l’île de Ventotenne, au large de la frontière entre Latium et Campanie. Les opposants s’y trouvaient au nombre de 800, pour moitié communistes venant ensuite les anarchistes et les socialistes.
Il s’agissait pour Mussolini de museler l’opposition pour assurer la toute puissance d’un parti unique, c’est bien une pratique totalitaire que S. Berlusconi se garde de condamner, il ira même au delà en niant le caractère criminel du régime en affirmant « Mussolini non ha mai amazzato nessuno », « Mussolini n’a jamais tué personne », de ses mains, peut-être pas mais Hitler et Staline non plus.
Les pratiques de S. Berlusconi qui souvent dans les lois qu’il propose fait passer son intérêt personnel avant l’intérêt général, ajoutées à des affaires privées qui pointent des mœurs relâchées finissent par lasser l’opinion et par donner des possibilités de victoire à la gauche. Ce fut le cas en mai 1996, et en avril 2006 , en novembre 2011 après un second retour au pouvoir se sentant trop discrédité S. Berlusconi démissionna.
Ainsi une droite populiste est par trois fois arrivée au pouvoir entre mai 1994 et novembre 2011, elle a alterné au gouvernement avec le centre gauche qui l’a remplacée sur les périodes 1996-2001 et 2006-2008 Il s’agit maintenant de dégager les aspects principaux de la politique de gauche dans ces phases d’alternance.
_L’intégration en Zone Euro réussie par R.Prodi et les gouvernements de centre gauche.
Comme il a été dit plus haut, en mars 1994, les premières élections législatives qui marquent l’alternance FI-PD, après la disparition du PCI et de la DC, sont remportées par le parti de Silvio Berlusconi. C’est en 1996 que le centre gauche arrive au pouvoir. Cette année là, le Parti Populaire Italien mené par Romano Prodi rejoint l’alliance de centre gauche autour du Partito Democratico della Sinistra (PDS) dans la coalition « l’Ulivo » qui remporte les élections législatives de mai contre FI net ses alliés.
Depuis la signature du Traité de Maastricht en février 1992, l’Italie est confronté au défi de la mise en conformité de son économie avec les critères d’adhésion à l’Euro qui y sont définis, cela avant le Conseil Européen de mai 1998.
Le premier gouvernement de centre gauche de R. Prodi va réussir à prendre, sur un laps de temps réduit, les mesures qui vont permettre à l’Italie d’être retenue dans la zone Euro. Cela au prix d’une rigueur budgétaire entraînant une croissance nulle mais évitant tout de même la récession. La décision Conseil Européen de mai 1998, intégrant l’Italie, pays du Sud, dans la Zone Euro avec l’Espagne et le Portugal, fit la fierté des italiens en majorité europhiles à cette époque. Il faut dire que les quolibets circulant dans certains pays du Nord taxant les pays du Sud de PIGS (Portugal , Italy, Greece, Spain) ou de pays du « club Med ».
Après un retour au pouvoir de S. Berlusconi, un gouvernement de centre gauche lui succède encore une fois en 2006, porté par une nouvelle coalition électorale « l’unione ». Ce gouvernement se fixe pour tâche de transformer le système monétaire italien pour rendre son architecture conforme aux exigences de la zone Euro.
C’est au cours de cette seconde période de centre gauche, en 2007, que le PPI de R.Prodi se fond dans le PDS pour constituer le Partito Democratico (PD).
Qu’il s’agisse de l’accès à l’Euro ou des transformations du système monétaire du pays, R. Prodi apparaît comme l’un des artisans principaux du succès italien. Entre ses deux passages au gouvernement il assura la présidence de la Commission Européenne de septembre 1999 à novembre 2004.
Les gouvernements de centre gauche qui vont alterner avec ceux de droite entre 1996 et 2008 ne sont pas parvenus à revenir totalement sur les mesures de démagogie fiscale de S.Berlusconi.
Du point de vue des valeurs que cet exposé s’efforce de privilégier, il faut noter que le centre gauche s’est efforcé de se dégager du repli individualiste à tendance nationaliste impulsé par les gouvernements de S. Berlusconi pour aller vers une ouverture européenne. Il faut cependant souligner que le clivage entre les hommes ou femmes politiques résolument pro-européens et ceux qui le sont modérément ou pas du tout, ne recoupe pas forcément les frontières des partis. L’attrait de l’Europe pour la droite tient à la conformité du traité de Rome de 1957 avec l’économie de marché, le terme de Marché Commun pour caractériser la Communauté Économique Européenne (CEE) qui en est issue est significatif. L’attrait pour la gauche tient au dépassement d’un nationalisme étroit pour aller vers une communauté plus large en espérant une régulation du marché le rendant compatible avec l’intérêt général. On peut penser que tel a été l’objectif des chefs de gouvernement de centre gauche qu’il s’agisse de Romano Prodi, Giuliano Amato ou Massimo d’Alema.
_La montée de la Ligue du Nord et du mouvement 5 étoiles.
Dans l’après 1992, période de recomposition de politique à côté du PD et de FI, deux organisations vont avoir une influence croissante : la Ligue du Nord créée au cours de de la période précédente qui va entrer de façon significative dans le jeu électoral en 1994, et le mouvement Cinq Étoiles créé en 2009, qui va très vite acquérir une importance médiatique.
La Ligue du Nord se constitue en 1989 par la fusion de la Ligue Lombarde avec la Ligue Vénète créées plus tôt dans les années 80. Ces deux formations sont demandeuses d’une Italie transformée en République Fédérale constituée d’États dotés d’une autonomie fiscale avec de cette façon, les Régions du Nord « qui ne soient plus obligées de payer pour les Régions du Sud ». Autre point commun entre les deux Ligues le rejet des migrants. Compte tenu de cette communauté « d’idéaux » entre les deux Ligues on comprend que leur fusion devait s’inscrire dans l’histoire.
La méfiance envers un pouvoir centralisateur amène la Ligue du Nord à préconiser une fiscalité allégée aux élections de 2018, elle propose une flat tax à 15% pour l’ensemble du revenu sur laquelle elle reviendra en partie pour s’accorder avec « Cinq Étoiles ».
Dans le cadre de l ‘alternance FI-PD, dans un scrutin relativement serré, le poids de la Ligue du Nord devient un élément déterminant de l’accès de la droite au pouvoir dès les élections de 1994. (7,5% des électeurs pour la Ligue du Nord).
En 2018, la Ligue du Nord, sans changement officiel du nom se présente à l’ensemble de l’Italie comme « Lega » tout court. En août 2020 elle prend le nom de « Ligue pour Salvini Premier ». Au Congrès de juin 2022, c’est de nouveau le nom de « Lega » qui est adopté.
L’autre organisation nouvelle qui connaît une importance croissante au cours de la période d’alternance FI-PD est le mouvement 5 étoiles.
Il est fondé en 2009 par l’humoriste-militant politique Beppe Grillo, et le Gianroberto Casaleggio expert du numérique. Le mouvement est présenté comme un coup de balais contre les partis existants. Il préconise des formes de participation nouvelles à la vie politique telle la démocratie directe à l’intérieur du mouvement avec des adhérents donnant leur avis sur le net. Le terme « cinq étoiles » fait référence aux cinq points qui font la raison d’être du mouvement : connectivité, environnement, eau , transports, développement.
Les fondateurs de Cinq Étoiles ont affirmé leur contestation de règles administratives ou de politiques des services publics avant même la constitution du mouvement. Ils font du 14 juin 2007 et du 25 avril 2008 un « Vaffancullo Day ». Il en découle un programme empreint d’une volonté de prise en compte directe de la volonté populaire, auquel s’ajoutent des objectifs écologiques. C’est sur cette base que « Cinq étoiles » sera officiellement créé.
C’est dans la ligne de ce programme que quelques années plus tard le mouvement s’inscrira contre la jonction ferroviaire Lyon-Turin et aussi contre un incinérateur d’ordures à Rome, jugeant que pour ces deux projets la balance avantages-coûts ne joue pas en faveur de l’écologie. Du point de vue fiscal, « Cinq Étoiles « prendra une position quelque peu ambiguë partagée entre démagogie fiscale et solidarité : sa proposition électorale de 2018 d’une flat tax à 15% jusqu’à 80.000 Euros puis à 20% même si elle tempère la proposition de la Ligue du Nord, son alliée électorale, va dans le sens de l’intérêt de la classe moyenne supérieure et au delà ; elle est contrebalancée par la proposition d’un revenu citoyen pour tous qui avantage les bas revenus et qui est plébiscité au Sud.
En ce qui concerne la solidarité avec les migrants, c’est plutôt le rejet qui prédomine malgré là aussi quelques ambiguïtés dans le mouvement « Cinq étoiles » où finalement le sentiment anti-migrants stimulé par Beppe Grillo apparaît majoritaire.
Sur la période 1992-2011 de l’alternance FI-PD prise en compte ici, « Cinq étoiles » n’a pas eu l’occasion de peser sur des élections au niveau national, il faudra pour cela attendre 2013 ; il a cependant remporté quelques succès électoraux au niveau municipal en 2012. Il a en tout cas montré sa capacité à déclencher des manifestations telles les « V Days » et à susciter des discussions dans les médias.
Du point de vue des valeurs, Quel jugement porter « la Ligue » et sur « Cinq étoiles » ? Les idées véhiculées par « la Ligue » tournent le dos à la solidarité, qu’il s’agisse de la solidarité Nord-Sud, de celle envers les migrants, ou des plus riches vers les plus défavorisés. De ce point de vue la position du mouvement « Cinq étoiles » est plus ambiguë , qu’il s’agisse d’une fiscalité à double face ou de la politique migratoire sur laquelle les membres du mouvement sont divisés.
Aussi bien la « Ligue » que « Cinq Étoiles » appellent à la méfiance envers un État parlementaire qui prend l’argent du peuple pour le redistribuer de façon souvent injuste et en garder une partie à son propre profit. C’est cette image de l’État qui se trouve implicitement à la base du « dégagisme » sous-jacent à de nombreux courants d’idée de l’après 1992 en Italie. « Cinq Étoiles » qui affirme fortement cette orientation dès sa création par les « V Days » en constitue certainement l’exemple le plus abouti. « Dégager » l’existant peut effectivement correspondre à l’exigence d’une plus grande honnêteté mais peut amener aussi à réduire le rôle du parlement avec pour argument qu’il est conduit à des tractations parfois longues pour dégager des décisions majoritaires. Dans ce cas la tentation de « l’homme fort » n’est pas loin et les thèses de l’extrême droite prospèrent. C’est ce qui s’est passé dans les années 30 en France, illustré par la manifestation du 6 février 1934 devant l’Assemblée Nationale. Sur ce point de la tendance du « dégagisme » à aller vers la droite, l’alliance, de « Cinq Étoiles » « dégagiste » avec « la Ligue », résolument de droite, paraît significative, elle s’est vérifiée entre le printemps 2018 et l’automne 2019,
__« La svolta di Fiuggi », La fin temporaire d’un parti post-fasciste .
Inspiré par les thèses du Philosophe Domenico Fisichella, reprises par Gianfranco Fini, la majorité du comité central du MSI de décembre 1993 a décidé un renversement à la fois stratégique et idéologique du parti. L’idée dominante est que la référence mussolinienne est sans avenir et que les anciens fascistes ne doivent conserver de leur idéologie ancienne que ce qu’ils ont de commun avec la droite italienne hors fascisme. Alors qu’en vue des élections de 1994 la gauche cherche à constituer une « Alliance Démocratique », pour le comité central du MSI il est urgent que de son côté la droite constitue une « Alliance Nazionale » où les anciens fascistes acceptant un revirement idéologique doivent participer.
Le volte-face (svolta) du MSI est confirmé à son dernier congrès tenu à Fiuggi en janvier 1995, il y est adopté une ligne atlantiste compatible avec « une droite démocratique et moderne », imprégnée par une « italianité » manifestée par une culture allant de Dante à …Gramsci. Mais c’est au regard de l’ancienne idéologie mussolinienne que le volte-face s’avère le plus radical. Il est dit qu’ « il est juste de demander à la droite italienne d’affirmer sans réticence que l’anti-fascisme fut un moment historiquement essentiel pour le retour des valeurs démocratiques que le fascisme avait opprimées » «È giusto chiedere alla destra italiana di affermare senza reticenza che l’antifascismo fu un momento storicamente essenziale per il ritorno dei valori democratici che il fascismo aveva conculcato.». En Congrès de 1995 le MSI se transforme en « Alleanza Nazionale » nom déjà utilisé pour les élections de 1994.
En 2009 Gianfranco Fini va aller jusqu’à faire disparaître le post-fascisme comme parti en dissolvant Alleanza Nazionale dans une fusion avec Forza Italia pour donner le parti « Il Popolo della Libertá ».
Mais cette fin du post-fascisme comme parti ne sera que provisoire, en 2012, dans l’après Berlusconi, sous l’impulsion de Giorgia Meloni, renaîtra un nouveau parti post-fasciste.
Au cours de cette période 1992-2011 marquée par l’alternance FI-PD, les anciens cadres fascistes, atteints par la limite d’âge, disparaissent à peu près totalement de l’administration et de la magistrature. Des magistrats de la nouvelle génération relancent les recherches sur les auteurs des massacres de masse de la période nazi-fasciste. Parmi les résultats obtenus, deux sont particulièrement à noter :
_ la localisation d’Erick Priebke en Argentine et son extradition. Il s’agit de l’un des principaux participants au massacre des fosses Ardéatines perpétré en représailles de l’attaque des Partisans contre une division allemande le 23 mars 1944, via Rasella à Rome. 335 otages ont été exécutés. Le procès s’ouvrit en 1998 et Erick Priebke condamné à la prison à perpétuité, fut, compte tenu de son âge assigné en résidence à Rome où il mourut à 100 ans en 2013.
_la découverte en1994, dans des locaux d’archives militaires , d’une armoire riche en documents sur les massacres de 1944, baptisée « armadio de la vergogna », armoire de la honte. On y trouva relaté le massacre de Sant’Anna di Stazzema d’août 1944 qui fit 560 victimes, il précède celui de Marzabotto, bien connu, qui en septembre-octobre en fit 800. L’existence de cette armoire manifestement connue dans l ‘après guerre avait été mise entre parenthèses dès le début de la guerre froide, la priorité devenant de mobiliser de l’information contre l’Union Soviétique.
En raison d’une santé défaillante, en 2005, l’Allemagne refusa l’extradition de Gerhart Sommer principal instigateur du massacre de San’Anna di Stazzema.
Du point de vue de la « bataille des idées », on peut dire que le retour sur les massacres de la période nazi-fasciste, porte un sérieux coup à l’idée d’un fascisme finalement « tolérable » : ces événements ont lieu sous Mussolini, marionnette de Hitler, à la tête de la République Sociale Italienne (septembre 1943 – avril 1945). Il n’est pas étonnant que ce soit au cours de cette « redécouverte » que Gianfranco Fini ait amené le MSI à carrément condamner le fascisme.
_3. 2012-2019 : des expériences nouvelles de centre gauche à l’influence de Salvini. _31. 2012-2014 : Monti l’européen, Letta l’humaniste et la renaissance du post-fascisme.
Fin 2011 Mario Monti succède à Silvio Berlusconi, universitaire, ancien commissaire européen, il cherche à à rendre les finances publiques italiennes conformes aux règles de la Zone Euro, dès le début de sa présidence du conseil, il fait voter la réforme du système des retraites :
l’une des mesures principales de la « loi Fornero » de décembre 2011 est de porter à 65 ans dans un premier temps l’âge légal de cessation d’activité, puis à 67 ans à partir de 2019, auparavant il était de 60 ans dans la majorité des métiers. Autre mesure de réduction du déficit public et de remise à niveau des ressources des collectivités locales : le rétablissement d’une taxe foncière pour la résidence principale,qui prend le nom d’IMU (Imposta Municipale Unica ou Propria).
Les élections législatives de février 2013 ne font pas apparaître une majorité nette, le centre gauche dispose d’une majorité relative à la Chambre des Députés (30%), mais c’est la coalition des droites qui l’emporte au Sénat. Le centre gauche confronté à l’irruption du mouvement 5 * qui remporte près de 26% des sièges à la Chambre des Députés.
Ainsi, Le gouvernement de centre gauche de Enrico Letta, constitué en avril 2013, se trouve soumis à la pression de la droite et à celle plutôt imprévisible des 5 * . Enrico Letta est attaché au maintien des conquêtes sociales et des leviers d’action de l’État sur l’économie et il parvient tout de même à marquer son temps de gouvernement par une mesure humaniste forte ; la mise en place à la mi octobre 2013 de l’opération « Mare Nostrum » qui s’achèvera en août 2014 quelques mois après la fin de son gouvernement. Il s’agit de l’opération de secours des migrants la plus importante jamais mis en place en Méditerranée,
« Mare Nostrum » est décidé à la suite d’un naufrage, au large de l’île de Lampedusa le 3 octobre 2013, qui a coûté la vie à 366 migrants dont 80 enfants. Quatre navires des forces armées assistés par un avion sont déployés, et 100.000 migrants sont secourus en moins d’un an. « Mare Nostrum », devient vite trop coûteux pour un seul pays, et le dispositif européen qui, en 2014, prend la suit, se situe à un niveau inférieur.
Dans le contexte de cette période 2012-2018, marquée par l’accès du centre gauche au gouvernement, il faut noter la résurgence du post-fascisme comme parti. C’est G. Meloni qui va en quelque sorte canaliser le banalisation du post-fascisme de façon à ce qu’elle ne se traduise pas par son effacement, en 2012 elle réunit les anciens adhérents de l’AN dans un nouveau parti Fratelli d’Italia entraînant de cette façon la dislocation du Popolo della Libertá, ce qui obligea S.Berlusconi à organiser une nouvelle naissance de Forza Italia.
Dans ce contexte il faut aussi noter que le retour en mémoire de la période nazi-fasciste, qui, commencé en 1998 avec les procès contre les anciens nazis s’est poursuivi, mais plutôt au détriment de la Résitance. Ansi en 2013, l’action de la via Rasella du 23 mars 1944 à Rome a fait l’objet de débats. Il s’agit d’une action qui a coûté la vie à 33 soldats allemands et entrainé l’un des plus importants massacres d’otages : celui dit des “Fosses Ardéatines” qui a fait 335 victimes et dont il a été question plus haut. La discussion a été lancée à partir d’une émission de RAI3 où un intervenant reprochait au CLN (Comité de Libération Nationale) de Rome de n’avoir pas su évaluer l’importance de la réaction allemande et de n’avoir rien tenté pour libérer les otages. Thèse difficilement défendable en temps de guerre, surtout le second point: l’exécution des otages a suivi de très peu l’action des partisans et n’a laissé aucun temps pour une action de sauvetage. L’ANPI ( Association Nationale des Partisans Italiens) a été amenée à porter plainte contre l’accusateur des Partisans et a remporté au procès une victoire au goût amer, dont elle aurait bien voulu se passer.
Ainsi un parallèle est à faire entre le contexte en faveur des valeurs de la Résistance lors de la dissolution d’Alleanza Nazionale par Gianfranco Fini et celui en leur défaveur lors de la création de Fratelli d’Italia par Giorgia Meloni.
_32. 2014-2016 :Le social-libéralisme de Matteo Renzi.
Au cours de la période de gouvernement d’Enrico Letta, Matteo Renzi accède à la présidence du Parti Démocrate, il s’affiche comme partisan du renouvellement du personnel politique et d’une politique plus novatrice que celle d’E. Letta cela, en vue d’un plus grand dynamisme économique. M. Renzi parvient à pousser E. Letta à la démission et devient chef de gouvernement en février 2014, fonction qu’il conservera jusqu’en décembre 2016.
Le « job-act » de mars 2015 rend pleinement compte de la philosophie économique et sociale de Matteo Renzi, il s’agit d’aller vers la « flexi-sécurité », c’est à dire d’accroître la capacité des entreprises à s’adapter aux conditions du marché tout en protégeant les salariés contre les inconvénients d’une trop grande instabilité de l’emploi.
Pour aller dans ce sens le Job-Act aboli l’article 18 du Code du Travail qui oblige l’entreprise à reprendre le salarié qui a eu gain de cause auprès des tribunaux quand le caractère de son licenciement s’est avéré infondé. Autre mesure forte du Job-Act : le contrat à durée déterminée et à protection croissante selon lequel l’indemnité de licenciement croît avec l’ancienneté du salarié dans l’entreprise après avoir été à peu près nulle pendant trois ans.
En contrepartie de cette plus grande précarité de l’emploi, la durée de l’indemnisation du chômage est portée de 12 à 24 mois et elle est étendue à des actifs jusque là non couverts. Cependant les chômeurs restent obligés d’accepter les offres d’embauche sous peine de perdre leur droit aux indemnités selon principes déjà inscrits dans une réforme de 2012.
La grande majorité du monde du travail juge le job-act déséquilibré en faveur de l’entreprise et de grandes manifestations ont lieu dans tout le pays, qui n’empêchent pas le dispositif d’entrer en vigueur. Cette désapprobation fragilise Matteo Renzi, qui décide de jouer son va-tout dans une réforme constitutionnelle.
Il s’agissait pour M. Renzi essentiellement de porter remède à un appareil parlementaire qu’il juge trop lourd et d’actualiser la répartition des compétences entre l’État et les régions.
Son projet de réforme est rejeté à l’issue du référendum du 4 décembre 2016 par 59,12% de « non » contre 40,88% de « oui », ayant grandement fait de ce référendum une affaire personnelle, Matteo Renzi présente le démission de son gouvernement le 7 décembre 2016.
_33. Le gouvernement Conte I : Matteo Salvini ministre de l’intérieur, 2018-2019. _L’alliance du mouvement 5* et de la Ligue.
Avec une majorité de soutien inchangée à la Chambre des Députés c’est un autre chef de gouvernement issu du PD qui va succéder à Matteo Renzi , il s’agit de Paolo Gentiloni chargé d’expédier les affaires courantes en attendant les élections législatives du printemps 2018. Il va en résulter une nouvelle poussée de grande ampleur du Mouvement 5 Étoiles (près de 33% des voix) et dans une moindre mesure de la Ligue (un peu plus de 17%), à droite Fratelli d’Italia reste encore en retrait (un peu plus de 4%).
A eux deux , 5* et le Ligue disposent de le majorité des voix et des sièges face à un PD qui avec 23% des voix est en recul de près de sept points. C’est le grand basculement du pouvoir du centre gauche vers le pouvoir des partis populistes.
Les deux partis en tête aux élections forment un nouveau gouvernement avec à sa tête Giuseppe Conte de 5 * comme président et Matteo Salvini de la Lega comme ministre de l’intérieur.
Dans le domaine économique, les mesures prises sur un peu plus d’une année de gouvernement avantagent tantôt les plus aisés, tantôt les classes populaires. Celles qui ressortent le plus : _une « trêve » fiscale, permettant une régularisation sans sanctions ou très légèrement sanctionnée, _une baisse de la fiscalité pour le petit patronat et les travailleurs indépendants. _la mise en place du système Quota 100, les salariés qui justifient 38 ans de cotisations peuvent prendre leur retraite à 62 ans (38+62=100). Ce dispositif permet de contourner la loi Fornero. _un revenu de citoyenneté correspondant de fait à la garantie d’un revenu minimum qu’il est possible d’obtenir à des conditions assez peu contraignantes.
Une telle politique va dans le sens d’un accroissement du déficit public auquel, sous la pression de la Commission Européenne, 5* et la Ligue sont contraints de fixer des limites . Ils doivent ainsi renoncer à la réalisation complète de certaines de leurs promesses électorales : le revenu de citoyenneté ne correspond pas à un revenu universel et les allègements fiscaux à l’avantage des plus aisés ne vont pas jusqu’à l’instauration d’une flat tax généralisée à 15% que souhaitait la Ligue.
Dans le domaine de l’environnement , Ligue et 5* ne parviendront pas à un accord au cours de leur année de gouvernement sur la poursuite des travaux concernant la ligne Lyon-Turin . La Lega est pour, 5* contre.
Pour ce qui est des relations du gouvernement avec la Commission Européenne et des décisions sur l’entrée des migrants, la position de l’Italie est grandement déterminée par les orientations voulues par Matteo Salvini, les élections européennes du printemps 2019 font évoluer le rapport des forces entre les partis au gouvernement en faveur de la Ligue 34% contre 17% à 5*.
_La populisme de Salvini et ses manifestations.
Le populisme de Salvini est à peu près défini par son slogan d’opposition aux « 4 B » : « buonisti, banchieri, burocrati e barconi », c’est à dire les bien pensants, les banquiers, les bureaucrates et les grosses barques, sous entendu de migrants.
M. Salvini s’affiche comme représentant du peuple en opposition aux élites, ce qui le définit comme populiste. Parmi les élites les banquiers et le « bureaucrates » sont particulièrement visés.
Son opposition aux « buonisti » laisse entendre sa préférence pour une politique résolument d’intérêt national plutôt qu’une politique ouverte à l’humanitaire et aux migrants ce que confirme l’allusion aux bateaux qui les portent. Parmi d’autres décisions, son opposition en tant que ministre de l’intérieur à l’accostage du navire Sea-Watch 3 dédié au sauvetage de migrants en péril, illustre sa philosophie en la matière : le 12 juin 2019 Sea-Watch 3 avait recueilli 53 migrants en haute mer,sa jeune capitaine Carola Rackete confrontée au renvoi vers la Libye peu sûre pour les migrants, décide le 26 juin, de forcer le blocus exercé par les vedettes de la douane italienne et de débarquer dans le port de Lampedusa. Matteo Salvini l’accuse de « résistance avec violence envers un navire de guerre » et d’ « obstruction à la force publique » et il ordonne son arrestation. Elle sera déclarée libre par la justice italienne le 2 juillet 2019.
Le souci pour l’intérêt national que souhaite afficher Salvini le conduit par ailleurs à l’Euro scepticisme. En novembre 2013 à l’occasion du « No Euro Day », organisé par la Ligue, il est allé jusqu’à déclarer «l’Euro est un crime contre l ‘humanité ». Par la suite ses prises de positions anti UE se sont faites plus discrètes : depuis octobre 2022, M. Salvini est membre du gouvernement de G.Meloni qui n’a aucunement remis en cause la politique européenne de l’europhile Mario Draghi.
A noter enfin le penchant de Salvini pour les régimes autocratiques ou pour le moins à tendances autocratiques. En novembre 2014, huit mois après l’invasion de la Crimée par la Russie, M. Salvini se rendant à Moscou déclare « des hommes comme Poutine, il en faudrait des dizaines ». En avril 2016, alors que Donald Trump, était candidat à la présidence Salvini est allé l’ assurer de son soutien. En septembre 2018, il s’est déclaré en faveur de Jair Bolsonaro au moment où lui aussi était candidat à la présidence.
_L’échec de la marche vers la Présidence du Conseil.
Avec le succès de la Ligue aux élections européennes M. Salvini se trouve en position favorable pour remplacer G.Conte du parti 5* à la tête du gouvernement.
A l’occasion d’un vote au Sénat opposant la Ligue et 5 * sur la liaison Lyon Turin, la Ligue par la voix de M.Salvini, annonce la fin de l’alliance gouvernementale entre Ligue et 5* et dépose une motion de censure face à laquelle G. Conte décide de démissionner avant même le vote. M. Salvini espère une crise gouvernementale débouchant sur des élections législatives où la Ligue devrait reproduire son score élevé des européennes et se trouver au centre du jeu politique pour la formation d’un nouveau gouvernement avec « Salvini Premier ».
Mais à la surprise générale une alliance se forme entre 5* et le PD qui permet une nouvelle majorité de soutien au gouvernement dans une Chambre des Députés toujours constituée su la base des élections de 2018. Le caractère paradoxal de l’alliance tient aux natures respectives des deux protagonistes : 5*, mouvement anti-parti et PD parti organisé selon la tradition du genre. Pour que l’alliance soit possible 5* a dû gommer des aspects importants de son idéologie primitivement populiste pour l’aligner sur l’idéologie de centre gauche du PD.
_4. De Conte II à G. Meloni, l’Italie entre réveil citoyen et sirènes postfascistes. _ 2019-2021 : Le gouvernement Conte II sous pression du réveil citoyen.
Un nouveau gouvernement Conte est constitué le 29 août 2019 soutenu par une coalition majoritairement formée par le Mouvement 5 étoiles , le Parti Démocrate et Italia Viva de Matteo Renzi constitué quelques jours après la formation du gouvernement .
Le discours de présentation du gouvernement de Giuseppe Conte est empreint d’une idéologie de centre gauche insistant sur sa volonté d’œuvrer pour le renforcement des liens entre pays de l’UE. Il règne cependant chez les électeurs de gauche un sentiment de crainte d’une poussée populiste à l’occasion des élections régionales de 2020, cela pour deux raisons : la première, est que le Mouvement 5 étoiles, composante importante de la majorité, est d’une idéologie instable et peut revenir à sa ligne première, la seconde est la pression que la Lega fait peser sur le gouvernement, M. Salvini et ses proches, qui, d’après les sondages, résistent à l’érosion, ne se sont pas résignés à rester longtemps hors du pouvoir, le changement de nom de la Ligue en « Ligue pour Salvini Premier », un peu plus tard, confirmera cette volonté.
Face à ce risque de progression de la droite populiste un mouvement spontané naît dans la société civile qui va aller en s’amplifiant : celui des « sardines », un nom qui évoque la nécessité de serrer les rangs. Les Sardines réunissent 5000 personnes à Bologne le 14 novembre 2019, en décembre à Rome, le nombre passe à 35.000 selon la préfecture à 100.000 selon les organisateurs, dernière manifestation de place le 19 janvier 2020, à la veille des élections, à Bologne avec une mobilisation dix fois plus nombreuse qu’en novembre avec environ 50.000 participants.
La mobilisation porte ses fruits aux élections régionales, en particulier deux régions où l’affrontement droite-gauche à valeur d’exemple, sont remportées par la gauche avec huit points d’avance aussi bien en Émilie-Romagne en janvier 2020, qu ‘en Toscane en septembre. Dans le mouvement électoral à noter lors de ces élections : l’effondrement du Mouvement 5 Étoiles avec des électeurs déboussolés par le bouleversement des alliances politiques, leur ré-orientation explique au moins en partie l’augmentation des voix vers le PD, mais aussi la résistance à l’érosion de la Ligue et enfin l’affirmation de Fratelli d’Italia qui prend la Région des Marches à la gauche. Après la mobilisation réussie et l’avancée de la gauche qui constituaient son objectif le mouvement des Sardines s’est dissous.
Le second gouvernement Conte est confronté à la fulgurance de l’épidémie de Covid qui touche la Lombardie dès janvier 2020, et fait de l’Italie le pays de l’UE le plus sévèrement affecté par ce virus qui se répand aussi chez ses voisins. Au 2 mars 2020 on compte 150 morts en Italie et 3 en France. L’écart entre les deux pays ce maintiendra par la suite :, Entre début janvier 2020 et début janvier 2023 l’épidémie aura fait 159.000 morts en France et près de 185.000 morts en Italie. La situation sanitaire de l’Italie au printemps-été 2020, lui vaut en juillet 2020 d’être le pays de l’UE le mieux doté en fonds à verser par la Banque Centrale Européenne à la suite de l’emprunt mutualisé de l’Union de l’été 2020.
Grandement occupé par la crise sanitaire le gouvernement Conte II n’entreprend aucune réforme significative et , sous la pression du PD les projets populistes du couple 5*-Ligue précédemment à la gestion du pays sont abandonnés.
Les positions du centre gauche et du Mouvement 5 Étoiles divergent sur de nombreux projets. Le 26 janvier 2021, Giuseppe Conte annonce sa démission après avoir été désavoué par le retrait de son gouvernement du parti centriste « Italia Viva » de Matteo Renzi .
_2021-2022 : Le gouvernement Mario Draghi garant de rationalité financière.
Le 12 février, Mario Draghi accepte formellement la proposition du chef de l’État de prendre les fonctions de président du Conseil des ministres et présente alors un gouvernement qui a la particularité de regrouper comme ministres des représentants de forces politiques dont certaines se sont jusque là opposé, il s’agit : du PD, d’Italia Viva, mais aussi, du Mouvement 5 Étoiles, de la Lega, et de Forza Italia. L’éventail s’étend ainsi du centre gauche à une droite populiste à laquelle Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni ne participe pas. Cette non participation fera apparaître F. d’I comme solution neuve aux élections de 2022.
Le gouvernement Draghi se trouve à la tête d’un pays en proie à une pandémie qui a fait plus de 88 000 morts et fait chuter le produit intérieur brut de 8,9 %
Il a comme atout de disposer de 200 milliards d’Euros, provenant du plan européen de relance décidé en juillet 2020 et comme défi de les répartir de façon efficace entre des investissements grandement consacrés à la transition écologique et au numérique.
Dès ses débuts le gouvernement Draghi marque sa volonté de marier des investissements de relance respectueux de l’environnement et visant un assainissement financier, il lance une réforme du cadastre, visant à régulariser le quelque 1 million de « maisons fantômes », enregistrées nulle part, échappant à l’impôt foncier, et minant les ressources fiscales du pays. Le programme de privatisation demandé par l’UE est poursuivi. Par ailleurs M.Draghi annonce son intention de revenir sur le dispositif de retraites « Quota 100 » jugé financièrement trop coûteux.
Et il va s’avérer que la gestion des finances publiques par M. Draghi, observée par les partenaires européens de l’Italie et le monde de la finance mondiale, les satisfait puisqu’elle vaut à la péninsule d’être désignée « pays de l’année » pour son assainissement financier, cela par « The Economist » en décembre 2021. Il faut dire que M.Draghi a été président de La Banque Centrale Européenne de juin 2011 à novembre 2019, il y a acquis une réputation de « sauveur de l’Euro ». Sa fonction de chef de gouvernement joue en faveur de l’image financière de l’Italie sur les marchés de capitaux.
Ce premier temps du gouvernement Draghi est plutôt favorable aux partis de centre gauche, c’est ce que montrent les élections municipales d’octobre 2021 où ils devancent la droite notamment à Rome, Naples et Turin, mais une ombre au tableau cependant : la progression de l’électorat de Fratelli d’Italia.
Par la suite la détérioration de la situation économique a entaché l’image du gouvernement Draghi : inflation à près de 9 % (juillet 2022), augmentation de la pauvreté et de la précarité, bas salaires, crise des systèmes hospitalier et éducatif, etc. Au moment de sa démission en juillet 2022, le chef du gouvernement avait momentanément renoncé à lancer la révision du système « Quota 100 », certainement par crainte d’une opposition sociale forte.
En effet, des critiques fortes du gouvernement Draghi se font jour, notamment celle du parti de gauche radicale : Refondation communiste affirme pour sa part que « le bilan de son gouvernement est proprement désastreux, comme l’est l’ensemble d’une carrière construite sur la vente à la découpe de notre pays et l’étranglement de la Grèce ». Par la « vente à la découpe », Refondation Communiste fait allusion à l’adjudication par appel d’offre en mars 2022 de portions de littoral, destinées de cette façon à devenir des plages privées, quant à « l’étranglement de la Grèce » il fait allusion aux conditions imposées à la Grèce en juillet 2015 pour bénéficier d’un sauvetage financier par l’UE.
Le fait marquant en politique extérieure est le positionnement de l’Italie comme pays parmi ceux en soutien à l’Ukraine après l’invasion par la Russie en février 2022.
Après le refus d’un vote de confiance par le Mouvement 5 étoiles Mario Draghi démissionne le 14 juillet 2022. A la demande du Président de la République il revient sur sa décision de quitter sa fonction et tente de former un nouveau gouvernement, c’est l’échec le 20 juillet et cette fois la démission définitive. Le gouvernement est chargé d’expédier les affaires courantes en vue des élections de septembre 2022.
_ septembre 2022 : « Fratelli d’Italia » porteur d’un nouveau visage électoral de l’Italie.
Il résulte des élections du 25 septembre 2022 une Chambre des Députés avec une majorité absolue en sièges pour la droite qui approche mais n’obtient tout de même pas la majorité en voix : Le 25 septembre 2022, la coalition de droite avec Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni comme parti dominant aux côtés de La Ligue et de Forza Italia obtient 44% des voix face à une coalition de centre gauche limitée au PD et au petit parti Europa + avec 26%. La victoire de la droite exprimée en sièges à la Chambre des Députés apparaît encore plus décisive, la droite y obtient la majorité absolue avec 237 sièges sur 400, soit 58%, la coalition de gauche 84, soit 21%. L’ampleur de la victoire de cette droite marquée d’extrême droite doit cependant être quelque peu relativisé, en voix elle se situe derrière les partis qui la rejettent ouvertement. Si on ajoute à la coalition de gauche les voix obtenues par le Troisième Pôle ( Italia Viva de Renzi et Azione de Calenda) qui totalise 8% et les Cinque * avec 15%, on obtient 49% des voix. En voix, la coalition menée Par G. Meloni avec 44% donc dépassée par les partis d’opposition.
L’amplification en sièges du pourcentage des voix obtenues par la coalition des droites s’explique par le mode de scrutin pour partie en mode proportionnel et pour partie en mode uninominal.Ce dernier avantage les partis qui font coalition. Les partis regroupés autour d’un seul candidat peuvent emporter le siège en jeu avec un nombre de voix inférieur à la somme de celles de leurs adversaire isolés. L’incapacité du centre gauche à se regrouper dans une coalition plus large est grandement responsable de sa défaite.
Le fait nouveau de 2022 c’est l’aspiration par Fratelli d’Italia de la majorité des voix de la droite, car les élections de 2018 portaient déjà l’Italie à droite :
Les faits marquants de cette élection sont bien: d’une part, l’ascension de Fratelli d’Italia, parti dominant à droite avec 27% des voix et premier parti d’Italie, loin devant le PD avec 19%, et d’autre part, l’absence de renouveau du PD, ne reculant pas mais confirmant son déclin par rapport à la première décennie du 21ème siècle.
Aux élections de 2018 F.d’I. totalisait 4,4%, il a multiplié son score par plus de 6 ; en 2018, le P.D. réalisait le même score qu’en 2018 avec 19% des voix, mais loin derrière son score de 2008 où il en comptait 33%. Voyons les éléments d’explication de ces deux phénomènes en termes de déplacement des voix entre les partis.
Il apparaît que le montée de Fd’I est grandement due à l’aspiration de voix venues de partis ouvertement de droite à savoir, la Ligue qui totalise 9% en 2022 après être allée jusqu’à 35% aux élections européennes de 2019 et Forza Italia qui compte pour 8% des voix très loin de son meilleur niveau à 29,5% en 2001. Dans une moindre mesure Fd’I a pu bénéficier d’un apport d’anciens électeurs du parti Cinq*, mouvement composite ayant eu la sympathie d’électeurs de sensibilité de droite aussi bien que de gauche, il totalise 15%, loin derrière son meilleur score de 2018 avec 33%, mais notons qu’il freine cependant sa chute, vertigineuse entre 2018 et 2019 où il perd la moitié de son électorat aux élections européennes.
Quant au PD, il a perdu une partie de l’assise ouvrière qu’il avait hérité du PCI, il réunit 19% des voix, alors que le PCI avait établi des scores d’un autre ordre allant jusqu’à 33,33% aux élections européennes de 1984. Une recherche des causes de la réduction du vote populaire à gauche fondée sur l’analyse statistique de l’évolution du niveau de diplôme de l’électorat aboutit aux mêmes conclusions en France et en Italie. La même hypothèse sociale peut s’appliquer aux deux pays, Thomas Piketty la formule de la façon suivante : « les catégories les plus populaires, au sens du niveau de diplôme, ont pu avoir l’impression que la gauche électorale s’intéressait désormais davantage aux nouvelles classes favorisées et diplômées et à leurs enfants, bien davantage qu’à ceux des milieux modestes…Autrement dit, la gauche électorale est passée de parti des travailleurs en parti des diplômés. ».
Le paysage électoral qui a pris forme en septembre 2022, s’est trouvé confirmé aux élections régionales de février 2023 en Lombardie et dans le Latium, la coalition de droite l’a emporté sur celle de gauche par 56,4 % des voix contre 33,1% en Lombardie maintenue à droite, et par 51,2% contre 34,7% dans Latium pris à la gauche. Dans les deux cas Fd’I confirme sa position dominante à droite, d’une part en Lombardie en dépassant la Ligue dans son berceau et d’autre part en Latium en passant de 9% des voix à 34,2%, c’est à dire en les multipliant par près de 4 par rapport aux élections précédentes.
_Conclusion : La référence mussolinienne absente du programme de F d’I, présente dans ses rangs.
La victoire de F. d’I aux élections de 2022 a été vécue comme un séisme par à peu près tous les démocrates. Cela parce qu’il s’agit d’un parti s’inscrivant, au moins par son emblème, dans la filiation du MSI, parti qui s’était donné pour mission la préservation de la mémoire fasciste. Mais ce résultat a été vécu comme un risque pour la démocratie parlementaire certainement plus par la connotation dite post-fasciste du parti vainqueur, que par le programme populiste de la coalition de droite s’apprêtant à accéder au pouvoir en septembre 2022.
En effet, ce programme relève par certains aspects d’un populisme de droite défavorable aux valeurs républicaines mais ne constitue pas une particularité italienne, en 2022 une poussée du populisme s’est fait jour dans plusieurs pays européens. On y trouve une fiscalité allégée par l’application d’une « flat tax » sous certaines conditions, une baisse des barrières contre l’évasion fiscale avec un plafond des paiements au comptant porté de 1000E à 5000E en 2023 et aussi le projet d’une politique d’immigration restrictive. Mais il faut noter qu’il s’agit d’un programme plus exigeant du point de vue de l’impôt que les vœux initiaux de La Ligue ou de Forza Italia, G. Meloni s’est montrée soucieuse d’une gestion financière permettant l’accès à des prêts et subventions de l’U.E.
Par ailleurs, dès les premières mesures de son gouvernement, en novembre 2022, G. Meloni se démarque de toute politique qu’elle qualifie d’assistanat en rendant le revenu de citoyenneté quasiment inaccessible à qui n’est pas dans l’incapacité physique ou mentale de travailler. Ce qui doit mener à sa suppression pour plusieurs centaines de milliers de personnes, principalement localisées au Sud.
Finalement le choix d’une partie importante des électeurs italiens relève de causes identiques à celles qui se vérifient aujourd’hui dans plusieurs pays de par le monde et en France en particulier, à savoir : des électeurs déçus par les anciens grands partis en crise et qui raisonnent en termes de « rien à perdre avec un parti non encore essayé qui ne peut pas faire pire que les autres. ».
Un point commun cependant entre toutes les extrêmes droites en progrès aujourd’hui, et le fascisme de Mussolini: le populisme, il a imprégné grandement la propagande du Duce pour gagner les foules.
Ce qui fait la particularité de l’Italie, ce n’est donc pas le populisme, c’est plutôt la connotation mussolinienne du parti dominant de la coalition désignée par les électeurs pour gouverner le pays. Puique c’est le souvenir du fascisme mussolinien qui a inspiré la crainte aux démocrates, c’est à lui qu’il faut revenir pour tenter de définir le post-fascisme.
Pour dégager les traits principaux du fascisme italien on peut se reporter à ce qu’en dit Antonio Scurati , spécialiste reconnu, dans « Le Monde » du 8 décembre 2022 : « tandis que le fascisme violentait l’Italie d’une main, de l’autre, le populisme qui lui était inhérent séduisait les italiens. ». Le fascisme mussolinien c’est donc l’utilisation conjointe de pratiques populistes et d’institutions porteuses de la violence voulue par un parti. Le paradoxe italien, c’est que moyennant des réserves sur le côté violence la filiation avec un tel régime ait été revendiquée par le « Movimento Sociale Italiano », « Alleanza Nazionale » et le soit, aujourd’hui, par « Fratelli d’Italia ».
Le logo de Fratelli d’Italia de 2017 reprend la flamme tricolore, du MSI et comporte le nom des trois partis. Or le MSI, symbolise la proximité avec le fascisme par sa devise : « ni renier, ni restaurer. », son logo plaçait dès 1946, la flamme tricolore au dessus d’une perspective rectangulaire figurant la tombe de Mussolini . G. Meloni a personnellement revendiqué cette filiation avec le MSI, un photomontage diffusé certainement de façon contemporaine au logo de 2017 la représente côte à côte avec Giorgio Almirante, fondateur du MSI, avec le texte : « de Giorgio à Giorgia », suivi de : « nous, nous pouvons te regarder dans les yeux parce que légalité et honnêteté caractérisent depuis toujours la droite nationale. ». Le tout avec une avec une forte connotation de droite conservatrice avec des slogans comme « Dieu, patrie, famille », ou « Je suis une femme, je suis une mère, je suis chrétienne ».
Ainsi le post-fascisme est moins à rechercher dans le programme électoral de la droite victorieuse en septembre 2022 que chez les gens qui le portent.
10 des 25 ministres du gouvernement appartiennent à F.d’I, Le Président du Sénat, Ignazio la Russa, est cofondateur de F.d’I et a été membre des deux partis qui l’ont précédé, ses déclarations incitent à le qualifier plus de néo-fasciste que de post-fasciste, dans un débat télévisé de septembre 2022, il a déclaré: « nous sommes tous héritiers du Duce ». Le Président de la Chambre des Députés Lorenzo Fontana, lui, n’est pas membre de F.d’I, mais de la Ligue, il n’empêche que son positionnement relève autant du néo-fascisme que celui de I. la Russa, il a déclaré que les couples homosexuels étaient des « schifezze », horreurs, et que « Vladimir Poutine est la référence pour qui croit en un modèle identitaire de société. ».
La référence au fascisme mussolinien est donc forte et dans sa version originale, elle risquait de freiner certains électeurs potentiels, il a fallu la condamnation de ses aspects criminels pour faire avancer l’idée que « Mussolini ha fatto anche delle cose buone ». La condamnation s’est faite parfois au prix de revirements spectaculaires, c’est le cas de celui de Gianfranco Fini qui, en 2003, à Jérusalem qualifie le fascisme de « mal absolu » , alors que 10 ans auparavant il avait qualifié Mussolini de « plus grand homme d’État du siècle ». G.Meloni adepte d’une banalisation moins tapageuse qualifiera tout de même « d’infâmes », les lois anti-juives : « il y a plusieurs décennies que la droite nationale a relégué le fascisme à l’histoire en condamnant sans ambiguïté la privation de la démocratie et les infâmes lois anti-juives. ».
Mais l’ambiguïté d’une condamnation accompagnée de la nostalgie d’une jeunesse fascisante est bien présente dans l’autobiographie de Giorgia Meloni « Io sono Giorgia, Rizzoli 2021 ».
Le post-fascisme, au sens d’un fascisme expurgé de ses pires aspects imprègne donc bien Fd’I et s’il n’a certainement pas été un facteur d’attraction majeur de l’électorat, il n’a pas été non plus un facteur de répulsion et c’est cela qui fait la particularité italienne et c’est ce à quoi il convient de réfléchir.
Pourquoi la réminiscence fasciste ne fait-elle pas fuir l’électeur moyen en Italie ? c’est là la question. L’exposé qui précède a tenté d’ouvrir quelques pistes de réflexions, pour terminer cette conclusion quelques rappels sur ce point essentiel :
La défascisation imparfaite de 1946-1948 est l’une des causes primordiales de l’existence, encore aujourd’hui, de réminiscences fascistes ou de la banalisation du post-fascisme, et il faut noter le peu de mesures nouvelles pour éliminer les traces du fascisme, tandis que dernièrement Franco a été exhumé du Valle de los Caidos, Mussolini se trouve toujours dans le mausolée familial, devenu lieu de pèlerinage , dans son village natal de Predappio .
Aux aspects évoqués dans l’exposé on peut ajouter le fait que jusqu’au début des années 70, des électeurs actuels ont pu côtoyer d’anciens membres du Parti National Fasciste (PNF) dans les services d’État. Cette présence peut aussi expliquer les relations, entre ces services et la Loge P2 qui de façon détournée visait un coup d’État au cours des « années de plomb » (1969-1980).
Autre source d’acceptation du post-fascisme : la constitution d’une mémoire contraire aux conclusions des historiens et selon laquelle le fascisme n’avait pas que de mauvais côtés . Elle peut s’expliquer par le fait que dans de nombreuses familles lorsqu’on remonte le temps on trouve un ancêtre qui a été membre du Parti National Fasciste souvent traduit à l’époque par un PNF particulier : « Par Nécessité Familiale ». Et le souvenir de cet ancêtre, s’il est sympathique, peut faire oublier les violences fascistes. Les propos de Silvio Berlusconi affirmant que le fascisme de Mussolini n’avait rien de criminel n’ont pu que renforcer les mémoires familiales parallèles à la mémoire officielle, d’autant plus facilement que le PCI principal bastion de communication anti fasciste avait disparu.
Enfin les responsabilités gouvernementales données à Gianfranco Fini puis à Giorgia Meloni par Silvio Berlusconi, leur ont permis faire avancer dans l’opinion l’idée que le post-fascisme était en capacité de diriger le pays.
La connotation mussolinienne de F d’I n’a donc pas été un handicap vis à vis d’une parti importante de l’électorat , voire a été un atout pour attirer des nostalgiques. Mais jusqu’ici le programme du gouvernement de Giorgia Meloni reste relativement proche de celui de son prédécesseur Mario Draghi, bien qu’elle s’y soit opposée dans la législature précédente. Cette continuité se manifeste dans le domaine de la finance et dans les relations avec l’UE et l’Alliance Atlantique, pour le moment c’est dans le domaine de la politique migratoire que G. Meloni donne des gages de nationalisme radical à ses partenaires d’extrême droite au gouvernement.
Seule la pression citoyenne peut faire abandonner cette politique migratoire contraire aux droits humains et obliger le gouvernement à ne pas se laisser aller vers la tentation d’une démocratie illibérale inscrite dans les gènes idéologiques de nombre de ses membres. Il n’est pas besoin de remonter loin dans le temps pour trouver un exemple de mobilisation efficace, l’élan impulsé par le mouvement des « sardines » fin 2019 et courant 2020 a entraîné une poussée des partis de gauche aux élections régionales de cette même année.
De l’Italie on peut craindre le pire mais aussi espérer le meilleur, dans son film de 1949, « le troisième homme » Carol Reed exprimait cette idée dans une répartie devenue célèbre, de Holly Martins (Joseph Cotten) à Harry Lime(Orson Wells) :
“En Italie, durant 30 ans ils ont eu les Borgia, la guerre civile et la terreur. On vous tuait pour un rien mais ils ont produit Michel-Ange, Léonard de Vinci et la Renaissance. Tandis qu’en Suisse, ils ont pratiqué la fraternité, ils ont connu durant 500 ans la démocratie et la paix et ils ont produit une pendulette… qui fait coucou.”
Publié dans Conférence
« Mémoires d’un réfugié espagnol » de Ramon Vivalta
« Mémoires d’un réfugié espagnol » de Ramon Vivalta. Le livre est édité par sa fille Dolores qui, comme Françoise Demougin-Dumont, est membre de l’ADVR. Ce livre relate l’itinéraire de Ramon, depuis son enfance dans la misère de l’Espagne des années 20 et 30, son adolescence dans la guerre, la terrible Retirada, l’installation en France, sa participation à la Résistance au sein des FTP et son intégration dans notre pays.
Cette passionnante histoire se lit comme un roman.
Publié dans Présentation livre