Non, le programme du CNR n’est pas obsolète !
Non l’esprit du programme du CNR n’est pas obsolète !
Récemment, la gestion paritaire de l’UNEDIC a été jugée obsolète, sous entendant que les acquis sociaux issus du programme du CNR, du moins ce qu’il en reste, seraient obsolètes. L’UNEDIC en tant que telle n’est pas issue directement du programme, mais a été créée en 1958 dans l’esprit du programme du CNR suivant l’esprit de l’article ci-après :
« Un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État »
Mais ce qui se cache aussi derrière cette affirmation, c’est la remise en cause de l’exercice par les syndicats de leur rôle de contre-pouvoir, et ce à tous les niveaux de la société.
Il nécessaire de rappeler en cette année 2016, quelques éléments de ce programme et l’application d’un certain nombre de mesures qui fêtes leurs 70 ans d’existence :
Dans le livret intitulé « les jours heureux » et plus connu sous le titre de « programme du Conseil National de la Résistance », le titre ll est : MESURES À APPLIQUER DÈS LA LIBÉRATION DU TERRITOIRE
Dont voici quelques extraits :
4) Afin d’assurer :
-l’établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel.
-la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression.
-la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères.
-la liberté d’association, de réunion et de manifestation. -l’inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance. -le respect de la personne humaine.
-l’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi.
5) Afin de promouvoir les réformes indispensables :
a) Sur le plan économique :
-l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie.
-une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général et affranchie de la dictature professionnelle instaurée à l’image des États fascistes.
-l’intensification de la production nationale selon les lignes d’un plan arrêté par l’État après consultation des représentants de tous les éléments de cette production.
-le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques.
-le développement et le soutien des coopératives de production, d’achats et de ventes, agricoles et artisanales.
-le droit d’accès, dans le cadre de l’entreprise, aux fonctions de direction et d’administration, pour les ouvriers possédant les qualifications nécessaires, et la participation des travailleurs à la direction de l’économie.
b) Sur le plan social :
-le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’amélioration du régime contractuel du travail.
-un rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine.
-la garantie du pouvoir d’achat national par une politique tendant à la stabilité de la monnaie.
-la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale.
-un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État.
-la sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement, le rétablissement des délégués d’atelier.
-l’élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre par une politique de prix agricoles rémunérateurs, améliorant et généralisant l’expérience de l’Office du blé, par une législation sociale accordant aux salariés agricoles les mêmes droits qu’aux salariés de l’industrie, par un système d’assurance contre les calamités agricoles, par l’établissement d’un juste statut du fermage et du métayage, par des facilités d’accession à la propriété pour les jeunes familles paysannes et par la réalisation d’un plan d’équipement rural.
-une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours. (…)
Ce programme est suivi d’effets, quelques exemples :
1944
– les journaux ayant paru sous contrôle allemand sont interdits de reparution, leurs biens saisis et attribués aux journaux issus de la Résistance. L’ordonnance du 26 août interdit également les concentrations d’organes de presse.
-la branche information de l’Agence Havas devient l’Agence France Presse.
-institution des Houillères du Nord-Pas-de-Calais. -contrôle de l’État sur la marine marchande. -relèvement des cotisations de la sécurité sociale.
1945
-nationalisation des Usines Renault avec confiscation des biens de Louis Renault. – institution des comités d’entreprise.
– transfert à l’État des actions de la société Gnome et Rhône.
– transfert à l’État des actions des compagnies Air France et Air Bleu.
– ordonnance de base de la Sécurité sociale.
– statut du fermage et du métayage.
– nationalisation de la Banque de France et de quatre grandes banques de dépôt.
– réforme de la fonction publique et création de l’Ecole nationale d’administration.
1946
– vote de la loi sur la nationalisation de l’électricité et du gaz.
– rétablissement de la loi des quarante heures.
– nationalisation des grandes compagnies d’assurances.
– extension du nombre et des attributions des comités d’entreprises. – généralisation de la Sécurité sociale incluant la Retraite des vieux. – nationalisation des combustibles minéraux.
– nationalisation des Charbonnages de France.
Malheureusement, le travail de celles et ceux qui ont pensé, élaboré, rédigé ce programme, de celles et ceux qui se sont battus jusqu’au sacrifice suprême, de celles et ceux qui ont veillé à l’application de ce programme, ce travail, cet espoir d’une société juste, égalitaire, est remis en cause et détruit par celles et ceux qui préfèrent voir l’humain au service des moyens de production plutôt que les moyens de production mis au service de l’humain.
Qu’en est -il aujourd’hui de cet ambitieux programme ?
L’interdiction de concentration des organes de presse ? Oubliés !
Les houillères ? Fermées !
Les nationalisations ? Dénationalisées !
La sécurité sociale ? Déremboursement en cascade ! Les retraites ? Attaquées !
Et d’autres encore….
Un représentant de ces pourfendeurs de l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie, Denis Kessler, a déclaré très haut, le 04/10/2007 :
« Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale, et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme…
A y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! »
Cette affirmation datant de 9 ans, est toujours d’actualité aujourd’hui. Il suffit de voir l’actualité sociale actuelle.
C’est encore à nos anciens, celles et ceux qui se sont battus pour ce programme que reviens la conclusion au travers de leur « Appel des Résistants aux jeunes générations du 8 mars 2004 ».
Cet appel est d’une actualité criante et non ! Le programme du Conseil Nationale de la Résistance n’est pas obsolète ! Ni dans le texte, ni dans l’esprit !
« Appel à la commémoration du 60e anniversaire du programme du C.N.R. de 1944
Au moment où nous voyons remis en cause le socle des conquêtes sociales de la Libération, nous, vétérans des mouvements de Résistance et des forces combattantes de la France Libre (1940-1945), appelons les jeunes générations à faire vivre et retransmettre l’héritage de la Résistance et ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle.
Soixante ans plus tard, le nazisme est vaincu, grâce au sacrifice de nos frères et sœurs de la Résistance et des nations unies contre la barbarie fasciste. Mais cette menace n’a pas totalement disparu et notre colère contre l’injustice est toujours intacte.
Nous appelons, en conscience, à célébrer l’actualité de la Résistance, non pas au profit de causes partisanes ou instrumentalisées par un quelconque enjeu de pouvoir, mais pour proposer aux générations qui nous succéderont d’accomplir trois gestes humanistes et profondément politiques au sens vrai du terme, pour que la flamme de la Résistance ne s’éteigne jamais :
– Nous appelons d’abord les éducateurs, les mouvements sociaux, les collectivités publiques, les créateurs, les citoyens, les exploités, les humiliés, à célébrer ensemble l’anniversaire du programme du Conseil national de la Résistance (C.N.R.) adopté dans la clandestinité le 15 mars 1944 : Sécurité sociale et retraites généralisées, contrôle des ” féodalités économiques ” , droit à la culture et à l’éducation pour tous, presse délivrée de l’argent et de la corruption, lois sociales ouvrières et agricoles, etc. Comment peut-il manquer aujourd’hui de l’argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes sociales, alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l’Europe était ruinée ? Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l’ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l’actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie.
– Nous appelons ensuite les mouvements, partis, associations, institutions et syndicats héritiers de la Résistance à dépasser les enjeux sectoriels, et à se consacrer en priorité aux causes politiques des injustices et des conflits sociaux, et non plus seulement à leurs conséquences, à définir ensemble un nouveau ” Programme de Résistance ” pour notre siècle, sachant que le fascisme se nourrit toujours du racisme, de l’intolérance et de la guerre, qui eux-mêmes se nourrissent des injustices sociales.
– Nous appelons enfin les enfants, les jeunes, les parents, les anciens et les grands- parents, les éducateurs, les autorités publiques, à une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation marchande, le mépris des plus faibles et de la culture, l’amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous. Nous n’acceptons pas que les principaux médias soient désormais contrôlés par des intérêts privés, contrairement au programme du Conseil national de la Résistance et aux ordonnances sur la presse de 1944.
Plus que jamais, à ceux et celles qui feront le siècle qui commence, nous voulons dire avec notre affection : ” Créer, c’est résister. Résister, c’est créer “.
Signataires : Lucie Aubrac, Raymond Aubrac, Henri Bartoli, Daniel Cordier, Philippe Dechartre, Georges Guingouin, Stéphane Hessel, Maurice Kriegel-Valrimont, Lise London, Georges Séguy, Germaine Tillion, Jean-Pierre Vernant, MauriceVoutey. »
Yves Bernard