Janvier 2015, Lycée Hélène Boucher, Paris 19e
Le lycée Hélène Boucher, à Paris, a reçu une trentaine de résistants et résistants-déportés qui sont venus témoigner des raisons de leur engagement, de leur action, auprès d environ 400 lycéens. C’est la 18e fois que, ancien professeur d’histoire dans cet établissement, j’organise ce genre de rencontre. mais cette année c’est au nom de l’ADVR que cette rencontre était organisée !
Bien sûr, chaque année c’est plus difficile. Mais, lorsque j’ai contacté chaque témoin, cette année encore, malgré la fatigue liée à l’âge, tous ont répondu présent avec un réel enthousiasme. En effet; il ne s’agit pas pour chacun de raconter seulement son passé mais de transmettre aux jeunes les valeurs pour lesquelles il a combattu, les valeurs pour lesquelles beaucoup de ses camarades ont payé leur engagement de leur vie. Ces valeurs il est plus nécessaire que jamais de les transmettre aux jeunes. Naturellement, es jeunes aussi sont porteurs de valeurs, mais il est du rôle des anciens de les aider à les concrétiser. L’enthousiasme de tous les habitués du lycée Hélène Boucher vient aussi du fait qu’ils peuvent, chaque année, constater que les jeunes qu’ils rencontrent sont demandeurs de cette transmission, qu’ils cherchent à comprendre, à connaître, à s’approprier ce qui leur est apporté. Un signe évident permet de le constater : cette rencontre rassemble à chaque fois 1/3 des effectifs du lycée. Les élèves sont informés, ne viennent que ceux qui le souhaitent ! Ces rencontres correspondent donc à un réel besoin de la part de la jeunesse.
Les résistants et les résistants-déportés qui viennent au lycée ne sont pas confrontés à des classes entières, ils sont rassemblés par tables avec 10, 12 ou 15 élèves dans un désordre sympathique et, lorsque les résistants commencent à parler, dans la grande salle du lycée où se déroule cette rencontre, où se trouvent près de 450 personnes, un calme impressionnant s’établit spontanément.
L’intérêt de cette formule est qu’elle permet aux élèves des échanges plus faciles et plus spontanés avec leur interlocuteur .
Hélas, depuis le début de ces rencontres, beaucoup de nos amis témoins ont disparu.
Parmi les fidèles de ces séances à Hélène Boucher dont la présence nous manque, on peut citer Lucie et Raymond Aubrac, Lise London, Hélène Viannay, Henri Krasucki, Serge Ravanel, Jacqueline Pardon, Henri Karayan, Claude Ducreux…
Tous les courants de la Résistance ont été représentés et, dans la mesure du possible, le sont encore. Tous les aspects, les types d’action de la Résistance dans leur diversité sont évoqués par les témoins. C’est ce qui fait la richesse de ces soirées d’échanges.
Alors pourquoi ne pas organiser plus souvent, dans d’autres établissements ce genre de rencontre ? C’est que pour réussir cela il faut une conjonction de facteurs bien difficile à réaliser. Un ou plusieurs professeurs organisateurs, des contacts et une confiance bien établie, une administration qui s’engage totalement, un proviseur, une intendance pour organiser la réception qui se termine toujours par un pot amical, des conseillers d’éducation pour l’information, le secrétariat du du proviseur, un personnel qui reste mobilisé bien au-delà de ses horaires habituels, etc. Et puis, aussi, des volontaires pour raccompagner les témoins car cela est de plus en plus nécessaire. Au lycée Hélène Boucher il y a tout cela… avec, toujours, de la part de chacun un grand enthousiasme parce que tous sont conscients de l’importance de ces moments.
En cette année de 70e anniversaire on peut considérer que ce lycée a ouvert à sa façon le cycle des commémorations qui va se développer à partir du printemps.
A l’ADVR, en qualité d’organisateurs, ce que nous espérons, c’est que les élèves, à partir de la réflexion que permet de façon irremplaçable la présence d’un témoin cherchent à connaître davantage l’histoire de cette période, à la comprendre et qu’ainsi ils s’enrichiront des valeurs de chacun des témoins. Si cela se fait, et on peut l’espérer, les organisateurs, les témoins et les élèves, personne n’aura perdu son temps. Les témoins ont montré par leur action, par les risques qu’ils ont pris, par leur souffrance, qu’ils ont su pendant cette période terrible de l’Occupation rester debout. Il est permis de penser que grâce à eux, les jeunes générations auront aussi, le moment venu, dans d’autres circonstances bien sûr, la volonté de rester debout à leur tour.
Yves Blondeau (article paru dans le journal du Comité d’Action de la Résistance)