Mairie du 20e, 17 décembre 2015
« L’amitié féminine dans les camps, vecteur de survie »
Marie-Jo bonnet est historienne, docteur en histoire, commissaire de l’exposition « Lutétia, le retour des déportés », auteur d’une quinzaine de livres dont plusieurs sur la Résistance, en particulier «Tortionnaires, truands et collabos, la bande de la rue de la Pompe, 1944 », qu’elle nous a présenté en 2013 et son avant-dernier ouvrage « Plus forte que la mort, survivre grâce à l’amitié dans les camps de concentration ».
Dans son travail, Marie-Jo Bonnet s’appuie sur les témoignages de Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle, Odette Abadi, Simone Veil, Margarete Buber-Neumann, Odette Fabius notamment. Toutes ces femmes ont souligné combien l’amitié, la tendresse, voire l’amour et parfois l’homosexualité, car la frontière entre l’amitié et l’amour est difficile à délimiter, ont été importants pour assurer la survie d’un certain nombre d’entre elles.
L’amitié a pu transcender les origines sociales et créer des liens qui ne se sont jamais démentis jusqu’à leur mort. Cela a d’ailleurs été confirmé par deux femmes déportées à Ravensbrück, Rosette Onesti et Pierrette Rossi présentes dans la sallle. Si la solidarité politique a souvent été présentée et étudiée, cet aspect-là de l’amitié qui permet de sauvegarder la dignité humaine, n’avait pas été encore évoqué. Nous saluons le courage de Marie-Jo Bonnet qui a su s’engager dans ce travail difficile et délicat. Lors de la conférence qu’elle nous a donnée, elle a su faire comprendre la différence, ou tout au moins une des différences, entre la déportation des hommes et celle des femmes. Les hommes ont parfois été sauvés par un mot, un encouragement fraternel mais toujours empreint d’une certaine virilité. Les femmes, elles, peut-être parce qu’elles ont été mères ou qu’elles le seront n’hésitent pas, outre les mots d’encouragement, à délivrer une caresse, un baiser, à permettre à leur compagne de malheur de pleurer dans leurs bras et à les encourager d’un contact physique qui leur fait sentir leur humanité à travers leur corps. J’entends Marie-Jo Bonnet évoquer le cas de cette déportée épuisé, trempée, désespérée, qu’une de ses camarades vient voir. Elle lui dénoue son foulard, la serre contre sa poitrine et la laisse pleurer ainsi. Ce contact, cette chaleur humaine permettront à la malheureuse de retrouver l’envie de vivre qu’elle avait abandonnée.
Militante féministe,Marie-Jo Bonnet nous montre également le lien qui n’est pas un simple hasard entre cette solidarité par l’amitié, cette sororité qui s’est développée dans l’horreur des camps et la volonté d’émancipation des femmes au cours des années 70 en évoquant le « Chant des marais ». Les féministes du MLF ont en effet choisi la musique de ce chant symbole de la déportation, en modifiant les paroles, comme hymne de leur combat. Il était émouvant de l’entendre chanter ces paroles reprises par une partie de la salle.
Yves Blondeau