Paul Prompt . Résistant FTP à Lyon. Devenu avocat après la guerre, il a notamment défendu des combattants algériens pendant la guerre d’Algérie. Interviewé par Vincent Goubet pour son film Faire quelque chose, sorti en 2013.
– Vous nous avez dit que vous utilisiez le bluff. C’est-à-dire que comme vous n’aviez pas de moyens vous cherchiez ainsi à avoir un impact psychologique ?
– Tout à fait. Vous savez, quand on est rentrés à la faculté de droit, on avait deux sacs à dos, on avait revêtu des uniformes de «Jeunesse et Montagne», qui était une des formations des Chantiers de Jeunesse. On s’est présentés, on a dit : « on vient chercher les dossiers de recensement du STO ».-À quel titre ? » On a dit : « la Résistance ! La Résistance ? , La Résistance ? » Le secrétaire général de la faculté accourt, qui était d’ailleurs un sympathisant. « Vous avez des papiers ? » Je lui dis : « Ça ! » Il me dit « ça ? Alors dans ce cas-là, entrez ».J’ai dit : « maintenant vous demandez à tous vos employés, on n’a pas beaucoup de temps, de remplir les sacs, que tout soit dedans. Nous on s’occupe de couper le téléphone. Et puis maintenant vous ne bougez pas, parce que dehors il y à un groupe avec des mitraillettes, et le premier qui sort avant 10 minutes, on sera obligés d’ouvrir le feu. » En réalité, une fois sortis, on s’est précipités pour sauter dans un tramway. Arrivés Place du Port, on est montés chez mon ami Milan et là on a pris un grand verre d’eau fraîche.
– Dans les activités résistantes que vous avez eues, quels types d’actions avez-vous pratiqué ?
– D’abord il y avait la propagande… et recruter. La première chose c’était mettre en place un réseau de gens sûrs, que l’on pouvait organiser par groupes de six ou de 30. C’était, dans l’Armée Secrète, l’organisation qui fonctionnait. Mais on n’avait pas, à ce moment-là, les armes suffisantes pour équiper tout le monde. Donc on choisissait parmi les 30 ceux qui nous paraissaient les mieux, et sur 30 on essayait d’en avoir six pour faire un Groupe Franc. Le Groupe Franc ça ne veut pas dire qu’étant un Groupe Franc, il allait avoir l’équipement qu’on donne aux parachutistes. La valise d’instruction, moi, je l’avais reçue au mois de juin 43, j’avais été la chercher au lycée des Brotteaux, je l’avais remontée à bicyclette chez moi. Il y avait une mitraillette Sten, il y avait une grenade défensive anglaise, il y avait une bombe magnétique, il y avait des cordons détonants, il y avait des chargeurs pour la mitraillette et puis une notice en langue anglaise. Débrouillez-vous pour la traduire ! Donc, ce qu’il s’agissait de faire, c’était d’expliquer à ceux qui seraient les premiers à s’en servir comment ça fonctionnait. Mais on ne pouvait pas tirer parce qu’il fallait économiser les munitions. Alors les grenades… eh bien mon père avait fait des stages de sergent grenadier, il avait formé ses hommes pendant la guerre de 14-18. Il m’avait donné ses carnets manuscrits et j’ai fait l’école de grenadiers avec les jeunes copains que nous avions. Pour apprendre à lancer juste à l’endroit où il fallait. C’était pas le concours de celui qui lançait le plus loin, mais c’était lancer là où il fallait ! D’autre part, en ce qui concerne le matériel, nous avions mis sur pied un petit atelier de réparation, grâce à deux artisans qui fabriquaient des moteurs électriques et des moteurs à essence pour des modèles réduits. Donc c’était évidemment d’excellents armuriers, parce que toutes ces pétoires plus ou moins amochées ou incomplètes, ils nous les remettaient en état. Ils les complétaient et c’était très utile. Mais pour régler le problème, nous avions aussi à fournir de faux papiers à ceux passés dans la clandestinité. Pour vous donner un exemple, quand j’ai été arrêté, eh bien j’avais une enveloppe avec 30 fausses cartes d’identité… qui étaient parfaites d’ailleurs ! J’avais 200 000 francs en billets de 5 000 F qui avaient été parachutés. Et puis j’avais le compte-rendu des opérations militaires du département pour le journal la Marseillaise. On arrivait à faire beaucoup trop de choses dans une même journée, parce que tout s’accélérait. On avait quand même beaucoup de pertes. On peut dire que la durée d’un clandestin, dans la réalité, c’était trois ou quatre mois à cette époque. Mais il y en a qui duraient plus longtemps, qui avaient plus de chance. Levilain a réussi à traverser pendant deux ans. Il était prudent et en même temps audacieux. Oh ! Il a pris deux balles dans son manteau mais il n’a pas été arrêté. Par contre, Milan qui a été extrêmement audacieux, a été arrêté en juin 44 avec une trentaine de ses camarades. Ils étaient tous armés, ils ont été livrés là où ils ont se sont donné rendez- vous… et ils ont été fusillés. C’est le hasard, la loterie.
– Et pour vous, le hasard a fait…
– Eh bien moi, le hasard a fait que, malheureusement, nous avions accepté dans notre organisation un jeune qui se disait réfractaire au STO et qui, en fait, a été introduit par des camarades imprudents qui se sont portés caution pour lui… et il s’est révélé être un agent de la Gestapo. Ce jour-là, il avait un rendez-vous avec moi place Bellecour, à 15 heures et, au rendez-vous, il y avait les Miliciens qui étaient là. Sous les arbres, sous les marronniers de la place Bellecour… et comme je n’ai pas voulu obtempérer, à leur ordre : « halte police », ils ont ouvert le feu. J’ai pris une balle dans la hanche, puis j’en ai pris une autre dans la jambe. La première j’ai couru, la seconde je suis tombé et j’ai été jeté sur un banc de pierre. Puis on m’a emmené au local de la Milice. Comme je perdais beaucoup mon sang et que je m’étais évanoui on s’est décidé à m’emmener à l’hôpital où on m’a opéré. C’était à l’hôpital de la Grange Blanche. A la Grange Blanche il y avait une salle spéciale où on amenait les blessés. Et on était coupés, bien entendu, de tous les autres. Il y en avait déjà deux qui étaient là quand je me suis réveillé. J’ai entendu les deux malheureux qui avaient des blessures à l’abdomen et qui souffraient horriblement. Et puis ils ont été chercher mes parents, il les ont amenés et ils ont fait le simulacre de m’exécuter, sous les yeux de ma mère et de mon père, pour les faire parler. Mais comme mon père m’avait aidé à constituer l’organisation, en me recommandant des gens, on lui avait fixé d’autres tâches qu’il a pratiquées jusqu’à la Libération. Et ma mère, qui ne connaissait pas le détail, a fait preuve d’une naïveté suprêmement intelligente ! C’est-à-dire que, quand on lui a demandé : « qu’est-ce que l’AS ? « L’AS, c’est les assurances sociales, » a dit ma mère. On lui dit : « c’est pas les assurances sociales, c’est l’Armée Secrète ! Ah ? Il y a une armée ? Je croyais qu’il n’y avait plus d’armée. Et untel ? Jean-Pierre ? F. M. ? Franchise militaire ! Quoi franchise militaire ? Mais vous vous foutez de nous madame ! » Et tout à l’avenant… Et puis il y avait deux miliciens. Celui qui commandait l’opération qui m’ avait blessé, le chef du Deuxième bureau, un service de la Milice, un certain Turin, qui a été condamné à mort à la Libération et fusillé, qui avait le grade de capitaine Waffen SS. Même type que Barbie. Même grade que Barbie. Il a fait énormément de mal. Plus de 100 morts à Lyon ! Et c’est lui, ce sont eux qui ont arrêté les époux Basch qui avaient 80 ans et qui ont été torturés et jetés dans la Saône. Et d’ailleurs le numéro de la Marseillaise, le numéro un, a donné la photographie des époux Basch avec dessous la légende disant :« voilà ce qu’ils ont fait à deux vieillards patriotes, abattus par les miliciens, comme des chiens ». J’étais entre leurs mains. Et je comprends qu’ils étaient furieux. Et puis il y en avait un autre qui s’appelait Djemal. C’était un Algérien. Alors ma mère lui dit : « vous êtes du Midi vous ! Enfin un peu plus loin, de l’autre côté de la Méditerranée. Votre mère est toujours vivante ? » L’autre a fait la connerie de lui répondre : « non madame. Oh alors elle doit être près d’Allah en disant : faites que mon fils ne devienne pas un assassin » ! Ça l’a remué, ce type. Il a été tué dans les combats de la Libération. Il avait fait une lettre, d’ailleurs, de protestation à Darnand en disant que la Milice était devenue un ramassis de voyous et qu’il croyait servir la France mais qu’il s’était aperçu qu’il n’avait rien à faire parmi ces assassins. C’était extraordinaire ! Il a été tué dans les combats de la Libération. Parce que ça a chauffé, quand même. Turin, lui il est parti en Allemagne puis s’est fait parachuter en france pour faire dérailler des trains. Au mois de décembre 44 il a été pris et condamné par le tribunal militaire. Et j’étais de service ce jour-là, c’est moi qui ai fourni le peloton d’exécution. Enfin je n’ai fait qu’exécuter ce qui avait été décidé par le tribunal. Ce n’était pas une vengeance personnelle, mais je pense que ces gens-là n’avaient plus rien à voir avec les Français.
Quand il m’a interrogé il m’a dit : « pourquoi tu es avec les juifs ? » -Pourquoi ? Qu’est –ce qu’ils ont fait les juifs ?
-Les juifs sont des exploiteurs !
-Mais pourquoi ?
-Mon patron était juif ! »
Je lui dis : « vous ne deviez peut-être pas être un très bon employé ! ».
On est insolent quand on a 17 ans, on s’en fout ! Quand on est entre leurs mains, on a envie de leur cracher à la figure. Bien. Là, ça c’est l’insolence de la jeunesse. Quelquefois c’est payant !
– Pour vous ça a marché ?
– Pour moi ça a marché, mais il y a eu aussi… je rends grâce au médecin qui m’a soigné, qui était un type formidable. Le chirurgien a tout mis en oeuvre pour me tirer des mains de la Milice. Mais il y a eu aussi l’ancien général, l’ancien chef de mon père, qui est intervenu, le général Niessel, qui avait 78 ans, et dont le petit-fils avait mon âge. Le petit-fils avait fait Saint-Cyr. Il était dans ce qui était encore le Premier régiment de France, la seule chose qui soit restée après novembre 1942, et il a rejoint le maquis en mars 44. Il est intervenu, et c’est ma mère qui racontait… Je n’y étais pas bien sûr ! Elle m’a dit qu’à 7 h du matin il l’avait reçue quand elle est arrivée du train à Figeac et il avait appelé Vichy. Comme le général Niessel avait été membre du Conseil supérieur de la Défense nationale, qu’il avait eu Darnand sous ses ordres, en 18, il avait demandé Darnand. Et il lui a dit : « Darnand, vos hommes ont arrêté le fils de mon ami Prompt. Ah oui, c’est une grosse affaire ! Il y a paraît-il un juge d’instruction qui s’en occupe, vous voulez continuer à intervenir ? Qu’est-ce que vous souhaitez mon général ? Ah ! Eh bien écoutez votre conscience, Darnand, écoutez votre conscience ! Bon, eh bien on va laisser la justice faire, pour une fois » ! Pour une fois… et puis, Darnand avait d’autres soucis, d’autres problèmes. Le juge d’instruction qui s’occupait de mon dossier avait son frère dans la Résistance, qui était déporté. Il s’appelait Véssète. Le procureur avait son fils au maquis, qui a été fusillé sur sa civière, dans les combats de mars 44. Ce qui fait que, le 23 août 44, on m’a apporté, ce sont les FFI qui me l’ont apporté, un ordre de libération signé du juge d’instruction et du procureur de la République, Thomas. Tout avait été mis en place, parce que le Front National travaillant avec Yves Farge, avait mis en place avec Paul Viannet, qui était délégué à la justice, la prise du pouvoir, sur le plan des prisons. Et Farge a sauvé la vie à près de 3000 personnes qui étaient encore à Montluc, car les Allemands avaient fusillé 120 personnes le 20 août. Qu’est-ce qu’il a fait Farge ? On avait 3000 prisonniers allemands, dont 200 officiers. Il a fait savoir au général qui commandait Montluc que c’était du donnant-donnant. Si on continuait à fusiller des résistants il fusillerait deux fois plus d’Allemands, en commençant par les officiers. Ou alors il libérait tout le monde et il foutait le camp. C’est ce qui s’est passé. Et je crois que c’est horrible de fusiller des otages mais quand il y a une situation de ce genre il faut convaincre l’adversaire qu’il a plus intérêt à foutre le camp qu’à continuer ces massacres. voilà pourquoi je suis sorti vivant de cette aventure…
– Vous ne vous êtes pas évadé ?
– Le 23 août 44, je marchais avec des béquilles. Vous verrez les photos que j’ai données à notre ami Blondeau. On avait d’ailleurs une paire de béquilles pour deux ! C’était pas terrible. Mais arrivé à Izeron qu’est-ce que je pouvais faire dans l’état où j’étais ? Eh bien j’ai retrouvé un copain, qui était l’adjoint du commandant Nancy, qui était chargé de la logistique du Quatrième bureau. On m’a dit : « tu vas travailler avec nous ». Alors on a commencé par me doter de faux papiers, et puis j’ai participé aux travaux d’état-major pendant quelques jours. Après, on a dit : « écoute on va te faire faire des infiltrations lombaires, ça ira mieux». Et la libération de Lyon est arrivée, je suis rentré chez moi, et j’ai vu ma maison mitraillée, parce qu’ils étaient venus pour tuer mon père, des gens du PPF, le dernier jour. Et il y a eu beaucoup de massacres dans la dernière période. Il y avait des listes. La victoire était perdue pour eux, mais ils n’avaient pas renoncé. Ils voulaient maintenir une cinquième colonne derrière l’armée française pour organiser la pagaille, des sabotages, et c’est pour ça qu’un certain nombre de miliciens ont revêtu des brassards FFI et se sont prévalus de grades et de fonctions qui ne leur avaient jamais été accordées.. Il a fallu mettre de l’ordre là-dedans et je m’en suis un peu occupé, en accord avec la direction de mon mouvement. Et puis ils nous ont envoyé des parachutistes pour attaquer les arrières alliés. Jusqu’au dernier moment, ils ont pensé diviser les Alliés.. Il y a eu une histoire terrible à Bordeaux, l’histoire de Grandclément. Grandclément était le responsable de l’Organisation Civile et Militaire (OCM) de la région de Bordeaux. Il a été arrêté par la Gestapo qui lui a proposé un deal : « tu nous livre les dépôts d’armes et on libère tes copains, mais tu travailles avec nous contre les rouges. Contre les FTP ». C’était l’espoir que la Gestapo avait, et qu’une partie de l’état-major allemand avait, jusqu’au bout ! C’est ce qui fait qu’heureusement, ni les Anglais, ni le général de Gaulle, ni la Résistance intérieure n’ont laissé faire. Parce que c’est ça. On aurait voulu substituer une guerre civile à la Libération. Et grâce à l’unité politique de la Résistance, au programme du CNR, aux Comités de libération, tout s’est relativement passé dans le calme. Je dis relativement parce qu’on n’a pas tout contrôlé, il y eut des choses regrettables, les femmes qu’on a tondues, etc. Je m’y suis opposé, comme beaucoup d’autres. Mais dans l’ensemble on n’a pas tué les gens dans les rues, on n’a pas pillé les maisons, il y a eu quand même une discipline acceptée. Et à Lyon, par exemple, il a fallu reconstruire les ponts. Pourquoi les ponts ont sauté ? Parce que, malheureusement, nous n’avions pas assez de forces disponibles à ce moment-là dans Lyon. On voulait assurer la conservation des lieux d’exercice du pouvoir. L’Hôtel de Ville, la Préfecture et aussi les ponts qui étaient indispensables pour les opérations militaires. C’est comme ça. Les Allemands ont résisté jusqu’au bout et il y a eu des combats sur les toits, il y eut des incendies, l’Hôtel Dieu par exemple. Les Américains sont arrivés, ils ont défilé. Oui ils ont défilé, mais après les combats ! Il y a eu des combats durs à Saint Genis Laval. Moi j’ai un de mes camarade qui a perdu une jambe dans l’attaque de Sainte-Foy. ça n’a pas été une promenade militaire.
– Vous vous êtes beaucoup investi en tant que jeune dans la Résistance…
– J’ai fait ce qu’il fallait pour suivre mes études. L’activité résistante c’était, je dirais, des heures sup. Mais qui n’étaient pas payées… Ça n’était pas « travailler plus pour gagner plus », à ce moment-là. Seulement je savais que le temps est compté et j’ai eu la chance d’avoir des professeurs qui m’ont donné des leçons particulières gratuites pour passer le baccalauréat à la fin de la seconde, avec mention d’ailleurs, à la session d’octobre. A la session d’octobre 1942. Ensuite, que faire ? Rn 43 j’ai passé le bac en maths-élem. Et un ami de mon père, ils s’étaient connus dans leur jeunesse, a dit : « mais pourquoi ne ferait-il pas Sciences-Po et le droit, dans l’état actuel des choses ce serait peut-être intéressant pour lui. Et il y a deux bourses qui vont être mises en concours ». Et j’en ai eu une des deux. L’histoire, la géographie, le français, tout ça m’intéressait beaucoup, l’allemand j’étais un peu moins bon, mais a Sciences-Po nous avions un professeur d’allemand qui était très intelligent. Et les Allemands disaient : « ah, c’est un bon professeur ». Ils n’avaient pas compris pourquoi il faisait ça. Il disait : «vous savez, étudier l’allemand avec Schiller et Goethe, oui, mais on n’est plus à cette époque. Pour connaître l’Allemagne d’aujourd’hui il faut lire les articles du docteur Goebbels. Vous allez comprendre comment l’Allemagne considère la France ». C’était une bonne façon de dire : « si après avoir lu cela vous êtes « Heil Hitler » c’est que vous êtes vraiment indécrottables. ». Alors voilà. Mes études ont été interrompues parce que je ne pouvais pas aller régulièrement aux cours, et puis les exercices sportifs j’en avais d’autres à faire !
– Cette bourse vous l’avez utilisée comment ?
– Ah cette bourse! J’avais le logement gratuit, dans une pension de famille tenue par une Anglaise et, c’était très curieux, qui nous servait de la confiture anglaise, des petits biscuits. Et nous avions, j’avais, droit à un repas gratuit, à un ticket de restaurant, et des études gratuites. Et puis j’avais en plus une certaine somme, 600 F par mois. Mais quand j’ai touché mon trimestre, eh bien je me suis précipité chez mon ami Pons et je lui ai dit que je voudrais un tract à 3000 exemplaires : « combien ça coûte » ? Il m’a dit : « 600 F». Et bien j’ai dit : « d’accord, adjugé, vendu !» Voilà, c’est comme ça que j’ai utilisé ma bourse, la première fois. Vous savez, on n’était pas obligé de s’occuper de soi-même. Il y avait des amis qui me recevaient. Quand je portais des tracts, des journaux, des valises de tracts, les gens, souvent, me disaient : « vous n’allez pas repartir à cette heure-ci, il y a des gendarmes un peu plus loin, il y a des barrages. Vous aller rester ici ». Des retraités, des gens très simples, des gens de toutes conditions sociales m’invitaient à leur table, me faisaient coucher, sachant très bien ce que j’avais dans ma valise. Et ils disaient : « vous pouvez revenir la chercher demain », etc.. Il y avait une solidarité exceptionnelle.
– Quand vous organisiez des distributions importantes de tracts, des distributions de plusieurs dizaines de milliers de tracts, comment fonctionniez-vous ?
– Il y avait plusieurs systèmes. On utilisait parfois la voiture pour distribuer à la volée. On utilisait aussi le tramway. Mais on avait mis au point pour répondre à Philippe Henriot, un truc assez rigolo. Il y avait 80 000 tracts, c’est lourd, c’est à peu près ce format là : 21-27. Donc on a fait la chose suivante. C’était plié dans des paquets et, à la tombée de la nuit, on les a mis sur les kiosques à journaux des messageries Hachette, depuis la place des Terreaux jusqu’à la place du Pont. Il y avait des paquets de 2000. Et puis on passait, on était en équipes de trois. Il y en avait deux qui prenaient chacun un paquet et le troisième, lui, il avait autre chose dans les mains : c’était un col 11-43 qui tirait à bonne distance et qui était précis. Ce qui fait que, quand il y avait les feldwebels qui étaient un peu nerveux, des miliciens qui faisaient du zèle, on avait de quoi leur répondre. C’est ce qui s’est passé d’ailleurs ce jour-là. C’est là que mon ami Vilain a pris deux balles dans son manteau, mais les deux miliciens qui étaient là ont, je crois, pris les balles dans le buffet, parce que ça s’est arrêté…
– Et il y a un épisode qui est assez intéressant, c’est l’épisode du faux « Nouvelliste ».
– Ah, ça c’est mon groupe qui l’a fait. C’était une opération du Comité de libération, c’était les MUR, le Front National et le parti communiste, les FTP qui on fait ça, les Groupes Francs. Il a fallu quand même mobiliser plusieurs dizaines de militants et trouver des voitures. L’idée a été d’imprimer un journal qui avait l’aspect du
« Nouvelliste ». Le « Nouvelliste » c’était un journal collabo. Et alors, évidemment, les titres étaient tout à fait démoralisants pour ceux qui étaient des partisans de Hitler et de Pétain. « Raids massifs sur l’Allemagne », « Désastre sur le front soviétique ». « Avance, partout, en Italie… ». C’était tout ça ! C’était des nouvelles de janvier 44, c’était pour dire : l’année 44 sera l’année de la victoire. Mais il fallait que ce soit vendu dans les kiosques. Donc on est passés, je n’étais pas dans cette opération-la, on est passés dans les kiosques, Milan m’a raconté ça. Ils arrivaient dans les kiosques en disant : « la censure retire de la circulation le « Nouvelliste ». Il faut changer les journaux, vous ne pouvez plus distribuer, l’autre est censuré ! » «Ah bon ! très bien », mais quand les gens se sont rendu compte, après avoir lu, ce qui n’avait pas été vendu ils l’ont caché… où ils l’ont vendu au marché noir !
– Dans la Résistance vous avez passé beaucoup de temps à lutter contre la propagande, en distribuant des tracts pour toucher les esprits. J’aimerais que vous nous expliquiez ce que représentait la propagande et les dégâts qu’elle causait.
– Quand nous avions des rendez-vous clandestins, j’avais souvent l’usage d’une publication allemande très utilisée qui s’appelait Signal. Signal c’était… ça a été remplacé par Paris-Match, c’était vraiment la propagandastaffel. La propagande allemande était omniprésente. Omniprésente. À la radio Philippe Henriot faisait son éditorial tous les jours. Philippe Henriot c’était la haine, la haine. De tout ce qui était juif, communiste, socialiste, républicain, gaulliste, et simplement anti-hitlérien. On a d’ailleurs réuni ses discours sous le titre : « Et s’ils débarquaient ? » Le problème c’est qu’il ils ont débarqué ! Et ça n’avait rien à voir avec la réalité, c’était la haine. Donc notre but c’était développer la solidarité à l’égard de tous ceux qui étaient pourchassés, ne pas faire de distinction entre les victimes de Hitler, du moment que Hitler les avait pris pour ennemis, c’étaient nos amis. Il n’y avait pas de problèmes autres que cela pour nous. Ensuite il y avait les aspects humains, terribles. Mon père m’a raconté qu’il travaillait à l’OTL (omnibus tramway lyonnais). Son emploi de chef de gare avait été supprimé et il faisait le contrôle. Il rentre, un jour, il était en larmes. Il avait assisté à une scène épouvantable. On avait exigé que tous les hommes, depuis les enfants de 12-13 ans présents, baissent le pantalon pour voir s’ils étaient circoncis ou non. Et tous ceux qui étaient circoncis on les embarquait. On les embarquait, vous pouvez deviner pourquoi c’était. Une autre fois, ma mère était rentrée de faire des courses et elle avait vu un autre type de chasse à l’homme. Tous les hommes qui avaient entre un peu plus de 16 ans et un peu moins de 50 ans on les arrêtait. C’étaient les GMR, les gendarmes, on les embarquait, on les raflait. Et s’ils n’avaient pas de certificat de travail dans une usine travaillant pour ce que l’on appelle la Défense nationale c’est-à-dire pour l’occupant, on les embarquait. Et il y avait un autre problème. C’était de manger tous les jours. Le marché noir à Lyon avait pris des proportions extraordinaires. Tout était absolument hors de prix. Et moi je me souviens que pendant l’année 41-42, quand je m’appuyais sur le doigt, il sortait du pus. On avait tous le scorbut, à ce moment-là, et il a fallu organiser la solidarité parmi les familles de ceux qui étaient dans l’école. Et grâce à mon ami Brosset qui, lui, avait une culture de maraîchers, tout le monde a été plus ou moins alimenté en carottes, en salades, en légumes verts, etc.. Il fallait aller chercher ça avec des bicyclettes, évidemment.
Mais le problème des faux papiers, c’était le STO et tout ça, eh bien il y avait des gens au sein de leur propre famille qui vendaient leurs frères. C’est contre cela qu’il fallait s’élever ! C’était bien
« travail, famille, patrie »… La patrie on sait comment on l’avait déchirée. Le travail c’était le STO, et la famille c’était… voilà comment c’était! Le propre frère dénonçait son frère. Et moi je connais, dans le milieu très proche, familial, un homme qui avait une petite boutique, et pour en faire une plus grande, pour avoir ses auweiss pour circuler, pour avoir ses rations d’essence, pour faire son marché noir, il a vendu son propre frère et la obligé, alors qu’il était insoumis, à se rendre au STO. Et le résultat c’est qu’il a travaillé, mobilisé au chemin de fer, et quand il y a eu les bombardements il a perdu son bras, il a perdu sa jambe. Ça ce sont des choses épouvantables… qui ont eu lieu au sein d’une même famille. Par conséquent, il fallait lutter contre la propagande. C’était un travail de tous les instants. On utilisait toutes les formes. Il y avait les tracts, les journaux, il y avait les inscriptions, mais il y avait aussi les interventions orales permanentes. Et quand j’étais au collège des Chartreux, en classe de maths-elem, nous avions un bon professeur d’histoire qui s’appelait Boniface. Et Boniface nous a donné un devoir, une rédaction, le 18 mars 1943 : « la Commune de Paris. Qu’est-ce que c’était ? Une émeute de la faim ? Une révolution sociale ? Une insurrection nationale ? Développez ». C’était quand même un sujet intéressant ! Et on discutait ouvertement dans la classe. Par conséquent, il est des lieux où on ne se cachait même plus. Évidemment, là où il fallait faire attention, c’est quand on prenait les transports en commun. Moi, quand je transportais mes valises de tracts, eh bien je préférais ne pas trop penser à ça. J’avais une édition bilingue franco-grecque et je lisais Xénophon, je lisais Sophocle. Pendant ce temps, comme ça, je n’étais pas là ! J’avais peut-être l’air ahuri mais il valait peut-être mieux. En ce qui concerne la propagande, c’était surtout par l’action qu’il fallaitl’exprimer. C’est pour ça que d’avoir enlevé les fichiers du STO, comme ça, et d’avoir envoyé ensuite leur fiche à des centaines d’étudiants, ça c’était un bon coup de pub. Maintenant vous savez, la victoire, les gens viennent à son secours. La défaite, il n’y a pas beaucoup de gens pour l’accompagner et il est évident que le peuple ne vient dans le mouvement en masse que lorsqu’il voit la victoire possible. Donc il y eut un grand changement entre 41 et 42, entre 42 et 43, entre 43 et 44, et puis entre le début de l’année 44 et la fin de 1944. Ça c’est évident. Mais je crois que c’est naturel, c’est humain et on ne peut pas demander des efforts surhumains aux gens pendant quatre ans de suite. Ça n’est pas possible c’est irréaliste.
– Quand vous vous êtes engagé dans la Résistance, vous étiez tout jeune, vous étiez lycéen ?
– Oui j’étais au collège de Chartreux, j’avais 15 ans, 16 ans, je faisais un travail local avec le neveu de Diego Brosset, avec Mazury dont le père était directeur de la Banque de France, avec Tardy, etc. et puis mon père, dont le frère était dominicain et a participé aussi, avec les Dominicains. Ils étaient beaucoup plus âgés…
-C’était un mouvement très spontané ?
– Non, c’était vraiment né sui generis. C’est apparu parce qu’on ne pouvait pas être d’accord. Un jour, en 42, ma sœur qui travaillait à la poste a apporté « Combat » le numéro de juin 42. C’était un numéro très bien fait. Il dénonçait ce qui s’était passé sur la personne de François de Menthon qui avait été bastonné et jeté dans la fontaine par les gens du SOL, à Annecy. Il y avait des consignes très claires pour le STO. Il y avait aussi une position très claire vis-à-vis du ralliement au général de Gaulle. Alors, la période de « Combat » qui était un peu hésitante, était passée. Et à ce moment-là on a eu l’idée de le reproduire. Mais on a un numéro, oui, mais un numéro qu’on vous glisse dans une poche, dans la rue, on ne sait pas à qui s’adresser pour se réapprovisionner… Donc il fallait se débrouiller par nos propres moyens.
– Et quand vous avez commencé à être actif, vous aviez conscience de ce que pouvait représenter la répression ?
– Vous savez, la répression elle était là tous les jours. C’était contre ça qu’on s’élevait . La répression n’était pas celle qui pouvait nous atteindre, on luttait contre celle qui pouvait….. Si on était passif, on était écrasé. Ce n’était pas possible, traités comme des chiens par les Allemands et par les miliciens. Il fallait voir leur arrogance. Alors je crois que le problème est simple, tous les jeunes sont comme ça. C’est pourquoi j’avais bon espoir dans l’évolution de l’humanité. Les gens n’acceptent pas d’être traités comme des chiens, comme des moins que rien. Il y à un souci de dignité.
– Et c’est des valeurs qui vous ont animé et que vous avez continué à développer ?
– Vous savez, j’ai fait un petit passage dans l’armée, et là, j’ai traversé l’Allemagne détruite, j’ai ramené des Russes, des prisonniers russes, sur l’Elbe. On a échangé nos adresses, je n’ai jamais eu de leurs nouvelles. Si, j’ai eu de leurs nouvelles 45 ans après. J’ai su que ça ne s’était pas bien passé pour leur retour là-bas. Mais ce qui est important c’est que nous avions vu que l’Allemagne était dans un état épouvantable. Les civils vivaient sur des plates formes de wagons, dans des gares. Les trains n’allaient plus nulle part, il n’y avait plus de locomotives. Ils étaient là, hagards ! Les femmes, les enfants et les vieillards ! Et quand il y avait des hommes entre 16 et 60 ans, c’est qu’il leur manquait un bras ou une jambe ! C’était ça la vue de ces civils ! Alors vous savez, on peut avoir beaucoup de ressentiment contre l’Allemagne hitlérienne, mais on ne peut pas ne pas avoir beaucoup de pitié vis-à-vis du peuple allemand dans cette situation ! C’est pour ça que je vous ai fait ce tableau qui rapporte ce qu’était l’Allemagne année zéro. C’est l’état-major allemand qui a mis au pouvoir Hitler. Il ne faut pas oublier que Hitler était un officier politique de l’état-major allemand. C’est Hindenburg qui a amené Hitler au pouvoir. Hitler n’est pas venu d’une génération spontanée du populisme, c’est pas vrai ! C’est la création du grand état-major allemand ! Et c’est pour ça que le général Niessel, qui a écrit l’histoire de l’armée allemande, l’histoire de l’armée russe, l’ histoire de l’armée française —il travaillait au service de l’armée de terre—, a pris position contre le réarmement allemand même sous la forme de la CED1 en 1954, parce que l’état-major allemand représentait un risque incontestable. Aujourd’hui, le peuple allemand a changé. Certainement. J’ai de très bons amis allemands et français qui ont épousé des Françaises ou des Allemandes… et Dieu merci on n’en est plus à ce temps-là. Mais l’état-major, en tant que corps des officiers, qui est à l’origine… je ne ferai aucune différence entre Jodl et Hitler ! Pour moi, je suis désolé, et je dois dire que ceux qui ont fait les pires choses, ce ne sont pas seulement les waffen SS. Quand ils sont arrivés à Lyon en 40 il y avait des tirailleurs Sénégalais qui se sont défendus. Les Allemands n’ont fait aucun quartier, quand les munitions ont été épuisées, ils ont roulé avec leurs chars sur les corps ! On a un monument aux tirailleurs sénégalais aujourd’hui. Voilà. Par conséquent, moi, je pense que le militarisme allemand est dangereux, et je suis pour la Défense nationale de tous les pays, mais je ne suis pas pour le culte du militarisme, c’est-à-dire jouer des mécaniques en disant : « on est les plus forts ». Mon instituteur, mon père, m’ont enseigné à la fois l’amour de la paix, l’amour de la liberté, et l’amour de la France. Tout ça pour moi, avec la République, ça va ensemble.
– Et à la Libération vous vous engagez dans l’armée des Alpes.
– En réalité, le 15 septembre 44, les FFI sont dissous. Ils ont la possibilité de contracter un engagement pour la durée de la guerre. Ce que je fais. Et après qu’on m’a donné des affectations bureaucratiques, parce que je n’étais pas en état de courir sur le terrain, pendant deux mois, je suis allé à l’école militaire à Uriage. Là on m’a appris le matériel moderne, les armes qu’on utilisait, parce que l’armée française à l’époque utilisait des armes soviétiques, des armes soviétiques prises par les Allemands, récupérés par les Français, des armes italiennes que nous avions prises, des armes américaines, des armes françaises datant de 39, des armes anglaises. C’était un vrai foutoir ! Avec tous les dangers que ça comportait, parce que les munitions n’étaient pas toujours adaptées. Ce stage, d’ailleurs, n’était pas sans risque parce qu’on a eu deux tués, non pas par la faute du commandement, mais parce que c’était à tirs réels, avec des munitions qui étaient ce qu’elles étaient. Et après j’ai servi dans un régiment de tirailleurs algériens. Je suis arrivé là-bas au moment où il y a eu les affaires de Sétif et de Guelma 2. Alors j’aime autant vous dire que la situation était plutôt tendue. Et je me suis efforcé de la détendre, en me comportant à l’égard des tirailleurs comme je me serais comporté à l’égard de tous autres hommes. C’est-à-dire qu’effectivement, les vivres que nous distribuait l’armée n’étaient pas tout à fait adaptés à ce que souhaitaient les tirailleurs. Il y avait beaucoup trop de boîtes, non seulement de singe, mais y avait aussi des conserves de porc, etc. On a organisé un petit marché noir, avec les paysans d’origine italienne qui étaient là à garder des moutons, et on leur a dit : »on échange des moutons contre des caisses de vivres et les caisses de cigarettes ». Bon voilà, tout le monde était content. Les Italiens ont dû gagner de l’argent avec le marché noir, nous on a mangé de la viande fraîche. On a trempé le pain dans de l’huile, c’était quand même meilleur que dans le saindoux, etc. C était une expérience aussi, cela.
– A la Libération, vous vous êtes engagé jusqu’à la fin de la guerre.
– Oh c’est une histoire à la fois simple et rapide mais que je crois significative. Vous savez, quand on commence une guerre, tout le monde est bon pour aller se faire tuer. Mais quand on finit la guerre, c’est la course aux places qui commence. Et alors aujourd’hui je vois ces gens dans certaines associations, de décorés de ceci ou de cela, des gens qui se vantent de choses qu’ils n’ont pas faites, parce que je sais, par des témoins qui ont participé, que ce n’est pas eux. Mais quand la guerre s’est terminée contre l’Allemagne il y avait un énorme problème économique, c’était de renvoyer rapidement dans l’économie le maximum de jeunes en état de travailler. La situation était la suivante : nous savions un million et demi de prisonniers qui allaient rentrer d’Allemagne mais pas en très bonne santé. Nous avions des prisonniers politiques, des déportés résistants, nous avions les survivants (et dans quel état !) des camps d’extermination, nous avions aussi des gens qui avaient été raflés pour travailler dans les usines de guerre au titre du STO… et puis il fallait quand même maintenir une armée française puisqu’on devait occuper d’une partie de l’Allemagne. Et on devait aussi rétablir une situation qui n’était pas terminée puisque la guerre continuait contre le Japon, en Indochine. Donc les engagements que nous avions signés les uns et les autres c’était pour la durée de la guerre en Europe. Le 8 mai 45 c’est fini. Encore que dans certaines parties de l’Europe comme en Hongrie et en Yougoslavie ça a duré jusqu’à la fin mai 45. Et dans certaines régions d’Ukraine, ça a duré beaucoup plus longtemps parce qu’il y a des gens qui sont restés, qui ont tenu la guérilla pendant des années. Pour ma ne part, j’avais l’intention de reprendre mes études, mais ce qu’il y a c’est qu’on voulait quand même que nos services soient reconnus. Non pas consacrés, on voulait pas la lune, mais quand on a eu fini, on s’est tous retrouvés sergents chefs. Celui qui avait commandé un bataillon, celui qui avait pris des responsabilités d’officier, celui qui, que… quelles que soient les notes. Ça a été une grosse surprise. Consternation ! Indignation ! Et à l’école on a dit au colonel qui commandait l’école –qui est devenu d’ailleurs directeur du service historique de l’armée de terre par la suite–, on a dit : « on est dans une situation tout à fait injuste ». Il a dit : « Moi aussi je la trouve très injuste. Vous allez élire un délégué, à bulletin secret, et ce délégué je l’enverrai en mission auprès du gouverneur militaire ». C’est tombé sur moi. Bon, je suis arrivé à Lyon, je me dis : « je vais me retrouver aux arrêts de rigueur ». Le colonel, dont le fils avait été tué au Vercors, m’a reçu comme un camarade de son fils et m’a dit : « vous partagerez mon déjeuner et pendant ce temps-là mon chef d’état-major va préparer une mission pour vous, pour aller voir le ministre de la Défense nationale, le ministre de la Guerre, Diethelm3.
(Epilogue: Paul Prompt a été reçu chaleureusement par le ministre, mais sa démarche n’a donné aucun résultat).
1 CED, Communauté européenne de défense, projet d’armée européenne, rejeté en 1954 par la France.
2 Le 8 mai 1945 des manifestations qui fêtent la capitulation de l’Allemagne, notamment à Sétif et à Guelma, dans le Constations, en Algérie, auxquelles participent des indépendantistes dégénèrent lorsqu’un gendarme français abat un jeune algérien. Des émeutes éclatent et une centaine de colons français sont assassinés. La répression des autorités françaises est terrible et a pour but d’éradiquer les tentation indépendantistes. fait On dénombrera environ 45 000 morts.
3 André Dithelm, 1896-1954. Ancien directeur de cabinet de Georges Mandel, résistant de la France libre, il est ministre de la Guerre de septembre 1944 à novembre 1945.