Une énigme historique

Au cours de la Grande guerre de 1914–1918, nos voisins allemands qui étaient alors nos ennemis lancèrent, le 21 février 1916, une vaste offensive dans le nord de la France en direction de Verdun qui était un point stratégique protégé par plusieurs forts.
Pour diriger les soldats de ces ouvrages militaires, il avait été mis un colonel d’infanterie promu dès le 31 août 1914 au grade de général de brigade. Un certain Philippe Pétain qui, au moment de cette énorme agression, n’était pas à son poste. Il se trouvait avec son état-major en arrière du front, si bien que le 24 février 1916 le fort de Douaumont était investi par les troupes ennemies et le 7 juin celui de Vaux subissait le même sort.
Devant ce désastre, le maréchal Joseph Joffre —commandant en chef de toutes les armées françaises depuis le 2 décembre 1915— décida d’éloigner le général Pétain du champ de bataille de Verdun en le nommant à l’armée du centre.
Joffre raconte d’ailleurs dans ses mémoires qu’il avait été frappé du pessimisme de Pétain, ce qui l’avait amené à prendre cette décision.
C’est le général Robert Nivelle qui fut désigné pour remplacer le défaitiste qui organisa une violente contre-offensive qui aboutit à la reprise de ces forts par les Français : Douaumont lol 2 novembre 1916 et Vaux le 5 décembre.
Dans ces mêmes mémoires, le maréchal Joffre précise : «Si l’Histoire me reconnaît le droit de juger les généraux qui opérèrent sous mes ordres, je tiens à affirmer que le vrai sauveur de Verdun fut Nivelle. » Or, Pétain a eu l’honneur de recevoir la dignité de Maréchal en qualité de vainqueur de Verdun. Là est l’énigme…
À noter que Nivelle, bien qu’ayant libéré cette ville, n’en était pas pour autant devenu un grand stratège. Il l’a démontré un peu plus tard, en 1918, en ne pouvant pas répondre à l’offensive allemande du 27 mai qui a conduit à la terrible défaite du « Chemin des Dames » qui a coûté la vie à tant de soldats épuisés et a causé des quantités de ruines dans la cité de Château-Thierry transformée en une poche pitoyable.
Heureusement, en juillet de cette même année, les généraux Charles Mangin, Jean-Marie Degoutte et Ferdinand Foch, ont lancé à la suite de ce drame, une opération bien élaborée qui a mis fin à cette sinistre guerre dans laquelle mon pauvre père a été affreusement mutilé en forêt d’Argonne sur la tristement célèbre butte de Vauquois, proche de Verdun.
En tout cas Pétain n’est pour rien dans la délivrance de ce secteur.
De plus, si l’on consulte les attendus parus au Journal Officiel à la fin du procès qui lui a été fait en 1945 pour son comportement durant la Seconde guerre mondiale, on peut lire ceci :
« … par ces motifs,
Condamne Pétain à la peine de mort, à l’indignité nationale, à la confiscation de ses biens.
Tenant compte du grand âge de l’accusé, la Haute cour émet le vœu que la condamnation à mort ne soit pas exécutée.
L’audience est levée à 4h22. »
En conclusion :
Primo : le maréchalat n’étant pas un grade militaire (comme trop de personnes le croient encore) mais une dignité et Pétain étant condamné à l’indignité nationale, il n’y a plus à lui donner ce titre de maréchal, à moins de le faire précéder du préfixe EX-.
Secondo: si l’exécution de Pétain n’a pas eu lieu c’est uniquement pour répondre au vœu émis par la Haute cour de justice et non pas parce que le général de Gaulle l’aurait gracié comme certains le prétendent aujourd’hui.
Jack Moisy