Exposé JP Brovelli, du 10 décembre 2019
Fascisme, antifascisme et Résistance des italiens.
“En Italie, durant 30 ans ils ont eu les Borgia, la guerre civile et la terreur. On vous tuait pour un rien mais ils ont produit Michel-Ange, Léonard de Vinci et la Renaissance. Tandis qu’en Suisse, ils ont pratiqué la fraternité, ils ont connu durant 500 ans la démocratie et la paix et ils ont produit une pendulette… qui fait coucou.”
Voilà ce que Carol Reed fait dire à Holly Martins (Joseph Cotten) qui s’adresse à Harry Lime (Orson Wells), dans son filn de 1949: le troisième homme.
En laissant à Carol Reed, la responsabilité de ses propos sur la Suisse, dans cet exposé, il sera aussi question du pire et du meilleur en Italie.
Dans le contexte actuel où des discours politiques, de façon plus ou moins explicite, se réfèrent au fascisme, le conférencier se propose donc de revenir sur la Résistance italienne au cours de la seconde guerre mondiale, pour rappeler que ce pays a la capacité de résister lorsque les droits humains sont en cause.
Dans le cas italien, aborder le sujet de la Résistance, c’est aborder celui du fascisme et de son contraire l’antifascisme. Avant d’être des résistants, les partisans ont été des antifascistes.
C’est ce rappel qui sera fait avant d’aborder la naissance de la Résistance en septembre 1943, ses débuts difficiles puis son développement et sa phase finale vers la libération du pays.
Les antifascistes à l’étranger apparaîtront aussi dans l’exposé, comme ceux restés au pays , ils se sont transformés en résistants, et, en France, ont souvent rejoint les FTP-MOI.
En Italie, en 1945, à l’issue de cette lutte armée, ont émergé les figures du prêtre résistant et du militant communiste. La Démocratie Chrétienne et le Parti Communiste vont dominer la vie politique jusqu’au tourbillon de la volatilité italienne des années 90. Dans leur majorité les italiens vont choisir Berlusconi puis Renzi, et en mai 2018, l’attelage Salvini-Di Maio, qui va tenir jusqu’en août 2019. Dans l’immédiat la danger de la prise de pouvoir par le seul Matteo Salvini a été écarté mais son emprise sur la société persiste.
Face aux relents de fascisme et au repli sur soi, des contre-feux existent, des italiens résistent, l’exemple de Lampedusa est éclairant : Giusi Nicolini, la maire qui tendait la main à ceux qui fuyaient le pire, a été balayée aux élections de l’été 2017, mais les pêcheurs de l’île, y compris quand Matteo Salvini les menaçait de poursuites pénales, ont continué et continuent à sauver des vies en mer.
Et en novembre-décembre 2019, c’est le mouvement des « sardines » qui est lancé par quatre trentenaires, elles se tiennent serrées par milliers contre l’extrême droite sur les places de Bologne, Modène, Milan, Florence… pour ne pas qu’elle passe.
Bibliographie :
-Primo Levi : « Le système périodique » Albin Michel 1987.
-Antonio Canovi : « Argenteuil, creuset d’une petite Italie. Histoire et mémoire d’une migration. » Le Temps des Cerises 2000.
-Daniele Biacchessi : « L’Italia liberata » Jaca Book 2019.
-Serge Berstein, Pierre Milza : « L’Italie contemporaine du Risorgimento à la chute du fascisme » Armand Colin 1995. -Ilvo Diamanti, Marc Lazar : « Peuplecratie. La métamorphose de nos démocraties ».Gallimard 2018.
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Fascisme, antifascisme et Résistance des italiens
En Italie le passage de la résistance au fascisme à la résistance au nazi-fascisme s’effectue en septembre 1943, c’est à ce moment que s’ouvre la période de la Résistance.
1. Du fascisme et de l’antifascisme, à lutte contre le nazifascisme. _11. Les trois temps du fascisme.
-Le fascisme socialisant du discours de San Sepolcro : 1919-1920 -Le fascisme opportuniste et la marche sur Rome : 1921-1922
-Le fascisme idéologie d’État : le ventennio 1923-1943.
_12. Le gouvernement Badoglio, la R.S.I. et la Résistance.
-Les 45 jours de Badoglio : un intermède ambigu.
-L’armistice
-L’Italie occupée de la République de Saló et la levée des partisans.
2. Des résistants italiens en France.
-A Nogent des résistants peu nombreux.
-A Argenteuil une implication forte dans la Résistance.
3. Septembre 1943-janvier 1944 : les débuts de la Résistance dans une société marquée par des sympathies fascistes.
-Le contexte de collaboration sous la République Sociale Italienne.
-L’entrée en lutte armée urbaine et en maquis, la Résistance comme guerre civile et patriotique.
4. Février-avril 1944 : l’adhésion croissante de la population et le renforcement de la Résistance.
-Le contexte d’une population lasse de la guerre, mais soutenue par les prêtres locaux
-La Résistance renforcée par la création du CLNAI et par la grève protestataire du 1er mars 1944. -L’intensification de la lutte armée urbaine et de la répression nazifasciste.
-La « svolta di Salerno » et la Résistance reconnue par les alliés.
5. Mai 1944–avril 1945 : la Résistance après Monte-Cassino et la suite : Mai 1945–avril 1948 : la « défascisation» imparfaite de l’Italie libérée.
-L’avancée des alliés et la stratégie nazie des massacres de masse.
-De Badoglio à Bonomi et la coordination entre l’action des alliés et celle de la Résistance.
-Les « Républiques de Partisans » et les projets pour l’après-guerre.
-La division des partisans en Frioul.
-La libération des villes par elles mêmes.
-Le cas particulier des zones frontalières libérées par les partisans Yougoslaves
-La justice de l’Italie libérée, indulgente pour les anciens fascistes et retournée contre les partisans.
6. Quelques caractéristiques spécifiques de la Résistance italienne en regard de celle française. -Des temps de Résistance différents de ceux de la France :
Une Résistance confrontée à une résistance allemande de longue durée après le débarquement allié. Une Résistance armée immédiatement appelée par le Parti Communiste.
-Des relations intérieures en chaque camp, spécifiques à chacun des pays.
Le rapprochement PC-chrétiens, par le peuple ou les intellectuels.
Nazi-fascisme / nazi-pétinisme : des couples différents.
-En Italie une Résistance particulièrement marquée par des épreuves morales à surmonter.
Le déchirement de Porzus. En France le maquis du Vercors.
-Une « défascisation » plus imparfaite encore que la « dévichysation ».
La marque du fascisme plus profonde que celle du pétinisme. Les procès contre les résistants. -En Italie une Résistance terminée sans projet commun,
En 1946 un avenir à construire par les électeurs, alors qu’en France : le programme du CNR.
Conclusion :Des choix de l’après guerre à l’Italie d’aujourd’hui confrontée à des gestes de réhabilitation fasciste. Quelles voies de résistance existe-t-il?
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Fascisme, anti-fascisme et Résistance des italiens.
L’idée de cet exposé m’est venue à la suite de la présentation, il y a quelques mois, de récits sur la Résistance italienne. La séance était organisée par l’ANPI, Association Nationale des Partisans Italiens aux « Garibaldiens », nom donné au local de ralliement d’un certain nombre d’associations d’italiens de la région parisienne, situé rue des vinaigriers à Paris.
Je me suis trouvé assis à côté d’une dame qui m’a dit « je ne viens jamais ici, mais aujourd’hui face à l’Italie fascisante voulue par Salvini, il faut nous regrouper, nous souvenir et diffuser les valeurs de la Résistance ».
J’ai alors décidé de rechercher les grands traits de la résistance de ceux, qui seulement une poignée au départ, ont gardé envers et contre tout la volonté et l’espoir de chasser l’occupant et le fascisme.
Ils ont su « traverser le désert » et attendre qu’un moment plus favorable, permette à leurs idées de se répandre et de devenir socialement dominantes.
Pour donner vie à ma présentation grandement chronologique, j’ai suivi le vécu de personnages que j’ai connu, directement ou par leurs proches.
J’ai donné une place particulière à Bruno Buozzi, grand-père d’une des mes amis, qui m’a fait connaître sa biographie. Sa trajectoire politique m’est apparue significative des choix qu’ont dû assumer ceux qui ont vécu le passage de l’antifascisme à la Résistance : élu secrétaire général de la CGdL (Confederazione Generale del Lavoro) en 1925, il décide cette même année de se réfugier en France, en 1941, arrêté par la police, il sera transféré en Italie. Libéré en 1943 après la destitution de Mussolini, il participera à un gouvernement Badoglio, qu’il n’accompagnera pas au Sud après l’armistice du 8 septembre, choisissant la clandestinité dans l’Italie occupée. Il sera fusillé, avec treize autres résistants, sur ordre d’un officier allemand, au moment de la libération de Rome, le 4 juin 1944.
Les autre personnages sont des membres de ma famille, des amis ou leurs parents dont ils m’ont fait connaître l’action résistante. (Dans l’exposé oral des références à Primo Levi, voir le NB final).
De cette façon j’ai pu aussi prendre en compte les résistants italiens en France qui se sont engagés dans la FTP- MOI (Francs Tireurs Partisans – Main d’œuvre Immigrée). Je me suis référé aux membres de la Fratellanza Reggiana d’Argenteuil, dont j’ai eu l’occasion de connaître des descendants. La Fratellanza était une association d’entre-aide dont de nombreux membres se sont transformés en partisans dans la période de Résistance, l’un d’entre eux tient d’ailleurs une place particulière dans la mémoire collective : Rino Della Negra, l’un des cinq italiens du groupe Manouchian fusillé en février 1944.
Ces histoires de résistance, commencent toutes pendant les vingt ans de fascisme (ventennio fascista), ce qui m’a amené à aborder cette période dans le premier point de l’exposé. J’y ai ajouté l’intermède entre la fin du fascisme et la rupture de l’alliance avec l’Allemagne ainsi que l’invasion allemande qui allait transformer les opposants au fascisme en opposants au nazi-fascisme.
Comme je l’ai déjà dit, cette entrée en résistance ne concerne pas seulement des italiens sur le sol national mais aussi des italiens à l’étranger, particulièrement en France. C’est ce qui fera l’objet de mon second point.
Les trois grandes phases de la Résistance en Italie feront l’objet des trois points suivants. Il s’agira des débuts de la Résistance, de son développement et de sa phase finale qui débouchera sur une Italie libérée mais à la « défascisation » imparfaite. Avant de conclure sur la résistance à mener aujourd’hui, je reviendrai dans un sixième point sur les caractères spécifiques de la Résistance italienne qui ressortent de façon particulière quand on la met en regard avec la Résistance française.
_1.Du fascisme et de l’antifascisme, à lutte contre le nazifascisme.. _11. Les trois temps du fascisme.
_Le fascisme socialisant du discours de San Sepolcro : 1919-1920.
Le 23 mars 1919, Place San Sepolcro à Milan, Mussolini propose la réunion en faisceaux à des associations d’Arditi et à des anarcho-syndicalistes. Les animateurs des Arditi sont d’anciens combattants des sections d’assaut de la première guerre mondiale Se joindront aussi à cette réunion des membres du mouvement futuriste tel Filippo Tommaso Marinetti.
Mussolini tient un discours de fascisme à la fois révolutionnaire et nationaliste, il dénonce violemment aussi bien la bourgeoisie et les partis de droite que les syndicats et le parti socialiste qu’il juge trop pacifistes.
Son discours va donner lieu à un programme publié le 6 juin 1919, dans « Il popolo d’Italia » , journal qu’il a fondé quelques années plus tôt. On y trouve à la fois des mesures correspondant à des visées nationalistes, comme l’annexion de Fiume et de la Dalmatie et des mesures de progrès social comme la journée de huit heures ou la participation des ouvriers à l’organisation des ateliers.
Ce programme est anti-capitaliste par la proposition d’un impôt sur le capital de niveau confiscatoire ne permettant plus l’accumulation de patrimoine, et l’est aussi par la nationalisation de toutes les fabriques d’armes et munitions. 3
Il est aussi anticlérical : il préconise la confiscation de tous les biens des congrégations religieuses et du même coup l’abolition de tous les revenus qu’ils en tirent.
Mussolini cherche à mettre sur pied un mouvement, résolument anti-système, son anti-capitalisme l’écartant de la droite et son nationalisme l’écartant de la gauche. Il veut le doter d’une organisation différente de celle des partis traditionnels. C’est ce qu’il cherche à marquer en dénommant « fasci di combattimento » , les instances régionales du mouvement. Ces faisceaux vont organiser des « squadre » ,des escouades, dont la mission principale sera de mener des actions punitives contre les tenants de l’ordre existant, qu’ils soient de droite ou de gauche.
Ces « squadre » animées par l’esprit du discours de San Sepolcro, vont mener des actions violentes au cours du « biennio rosso » (les deux années rouges de 1919-1920) pour soutenir les grèves lorsqu’elles sont spontanées, ou les saboter lorsqu’elles sont lancées par le PSI ou la CGL (Confederazione Generale del Lavoro). En avril 1919 c’est à l’occasion d’une grève lancée par le PSI et le CGL , que les fascistes détruisent le siège de l’Avanti le journal du Parti Socialiste.
Pour Mussolini dans l’immédiat il s’agit de tout bouleverser en portant des coups aussi bien à droite qu’à gauche aussi bien contre les propriétaires terriens que contre le Parti Socialiste ; dans son journal « Il Popolo d’Italia » il écrira : « nous nous permettrons d’être pour l’aristocratie et pour la démocratie, pour la réaction et pour la Révolution , pour la légalité et l’illégalité, selon les circonstances du temps, du lieu et de l’ambiance. »
Dans le tourbillon des grèves du « biennio rosso » et des attaques fascistes, qu’en est-il des tranches de vie que j’ai évoquées en introduction ? Deux des trajectoires que j’ai suivies commencent au cours de cette période :
Celle de Bruno Buozzi, membre du Parti Socialiste dirige la FIOM, Federazione Impiegati Operai Metallurgici , composante la plus importante de la CGL, fin 1918, la Fédération lance une grève pour la journée de 8 heures qu’il va guider pendant deux mois. En février 1919, elle se soldera par la victoire et l’extension des des huit heuresl à toute l’industrie.
L’autre trajectoire antifaciste qui commence sous le biennio rosso est celle de mon mon père Ferdinando Brovelli, ouvrier en fonderie, il était de la grande grève, et il a participé aux manifestations, nombreuses au cours de ces deux mois d’arrêt de travail. On y chantait , à l’intention des patrons, une chanson que je l’ai entendu parfois fredonner: « si otto ore vi sembran poche, venite voi a lavora » (si huit heures vous semblent peu venez, travailler vous mêmes).
Après le victoire sur les huit heures, les grèves reprennent en septembre 1920, à Milan et Turin, elles sont animées par des conseils d’usine créés sur le modèle des soviets, elles ont un caractère révolutionnaire. Confrontés aux violences fascistes et sans soutien d’un gouvernement de centre gauche face à un patronat intransigeant, les grévistes vont connaître l’échec, ce sera la fin du « biennio rosso ».
_Le fascisme opportuniste et la marche sur Rome: 1921-1922.
En 1921, on trouve en Italie un mouvement ouvrier et une gauche affaiblis. Une partie des adhérents du PSI l’ont quitté au congrès de Livourne pour fonder le Partito Communista d’Italia.
Le fascisme, lui, va faire semblant de faire peau neuve. Après un échec aux élections de 1919, Mussolini a compris qu’il devait changer l’image du mouvement pour accéder au pouvoir. Le fascisme est à la fois un courant d’idée et une force d’intimidation, mais cela ne suffit pas. Pour agir sur le pouvoir politique le fascisme doit exister dans la rouages de l’État et notamment au Parlement, pour cette raison il transforme le mouvement en parti apparemment conforme aux canons de la démocratie parlementaire.
En novembre 1921 au congrès fondateur du PNF (Parti National Fasciste), il propose un programme sans rapport avec l’anarcho-syndicalisme. Il s’agit d’un programme préconisant un État fort dans le domaine de la sécurité intérieure et de la politique extérieure, mais cela dans un cadre parlementaire. Il préconise le libéralisme absolu dans le domaine économique, l’État s’interdisant toute intervention ou nationalisation.
Cette même année Mussolini fait alliance avec la coalition gouvernementale aux élections à la Chambre des Députés, il en sortira avec 35 élus dont lui même. Cela ne représente que 6,5% des sièges de députés, mais le fascisme a mis le pied au Parlement.
Tout en se réclamant du parlementarisme , le PNF ne va pas négliger l’action sur le terrain, il va soutenir l’action des « squadre » Ce soutien du parti est un soutien puissant, il compte 320.000 membres à sa fondation et en comptera 720.000 en juin 1922, à la veille de la marche sur Rome.
A son initiative, les « squadre » punissent les supposés subversifs par le gourdin (le manganello) et l’huile de ricin. Mais leurs coups ne vont désormais uniquement porter que sur les partis, syndicats et individus professant des idées de gauche, le PNF a besoin du soutien financier de la bourgeoisie, Mussolini décide de la ménager.
Ainsi va se créer un climat de tension qui va perdurer tout au long de 1922 avec des coups de force des escouades pour libérer des fascistes emprisonnés et en juillet 1922 réprimer une grève générale lancée par les organisations
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ouvrières antifascistes.
Dans une Italie au gouvernement instable, ( trois chefs de gouvernement se sont succédés depuis 1920), Mussolini, le 27 octobre 1922, tente un coup de force définitif : la marche sur Rome. Le 28, une foule disparate de marcheurs , certains armés, d’autres pas, se présente à l’entrée de Rome. Sous la pression des grands industriels et des grands propriétaires terriens, le 29, le Roi et le gouvernement cèdent le pouvoir à Mussolini.
A la tête du gouvernement le chef du PNF ne dispose pas de la totalité du pouvoir politique. Il n’a que d’un faible nombre de sièges de députés. Il n’empêche qu’avec des militants de terrain nombreux et la détention du pouvoir exécutif, il a acquis une position à partir de laquelle par la violence et la manipulation, il va s’emparer de la totalité du pouvoir d’État.
_Le fascisme idéologie d’État : le ventennio 1923-1943.
Président du Conseil novembre 1922, Mussolini, a besoin d’être soutenu au Parlement au delà des députés fascistes. Pour élargir ses soutiens, il va se montrer suffisamment habile pour gagner la confiance d’hommes politiques modérés et en faire ses ministres.
Mussolini va se garder de modifier l’organisation formelle des institutions. Il va les contrôler de façon détournée par deux moyens. Le premier étant de doubler les institutions de postes de contrôle directement liés au Pouvoir Central, c’est le cas des préfets volants ayant une autorité absolue sur le corps préfectoral classique. Au sommet de l’État le gouvernement est doublé par le Grand Conseil du Fascisme, créé en décembre 1922, il est présidé par Mussolini qui y prépare des décisions de gouvernement qu’il impose à ses ministres. Le second moyen pour contrôler les institutions est d’y introduire des créations fascistes. Ainsi, au sein des forces militaires est créée une milice qui donne une existence officielle aux escouades.
Contrôlant l’administration et les forces de sécurité, et parvenant à réduire la capacité d’opposition des partis modérés, Mussolini ne rencontre que l’opposition d’une gauche divisée. Il fait modifier la loi électorale de façon à ce que 25% des voix donnent la majorité des sièges, ce qui va permettre à son parti de remporter largement les élections de d’avril 1924.
Sûr d’une majorité au Parlement Mussolini va donner libre cours à un discours de haine contre l’opposition et à la répression de ces manifestations. Dans ce contexte les escouades fascistes ont un sentiment d’impunité. Le député Matteotti, qui dans un discours a dénoncé les méthodes du régime sera retrouvé assassiné en août 1924. Les députés d’opposition, convaincus de l’implication du parti fasciste, décident une grève parlementaire. La session pris le nom de session de l’Aventin, terminologie qui fait référence a une pratique de retrait politique dans la Rome ancienne. L’activité parlementaire fut suspendue. Un bras de fer s’engagea entre Mussolini et les députés grévistes. Sûr de l’emprise de son parti sur le pays, Mussolini ne céda pas. Il obtint la reprise de l’activité parlementaire en novembre 1926, avec exclusion des « grévistes de l’Aventin ».
En novembre 1926 Mussolini peut donc faire voter tranquillement les lois fascistissimes, elles achèvent de supprimer toute trace de liberté en Italie. Elles instituent le délit d’opinion. Les partis politiques et associations exprimant des opinions contraires au régime sont dissous, les individus manifestant des intentions de subversion peuvent être mis en détention.
C’est le temps de l’emprisonnement ou de l’exil pour la grande majorité des antifascistes. Parmi les emprisonnés de 1926-1927 : Antonio Gramsci, Carlo Rosselli, Nello Rosselli…Parmi les exilés de ces années là : Palmiro Togliatti, Alessandro Pertini, Filippo Turati …et Bruno Buozzi.
A la fin des années 20 en vue de contrôler la société et plus particulièrement la jeunesse il reste pour Mussolini à neutraliser l’Action Catholique. C’est un mouvement de formation de la jeunesse par des activités culturelles, sportives ou récréatives. Par lui l’Église prolonge son activité religieuse par une action sociale, qui a attiré des animateurs catholiques aux idées progressistes. L’Action Catholique est une organisation aux valeurs antifascistes.
Mussolini parviendra à la neutraliser grâce aux accords du Latran du 11 février 1929: le catholicisme devient religion d’État, en contrepartie le Pape s’engage à ce que l’Église n’agisse aucunement dans le domaine temporel. De ce fait Mussolini interdit toute action sociale à toute organisation hors du fascisme et il s’ensuit des actions violentes des escouades qui mettent en œuvre cette interdiction en s’attaquant à tous les membres de l’Action Catholique et à tous les prêtres qui la soutiennent. Malgré cela l’ Église reste soumise aux accords de 1929 et n’entrera pas en opposition contre le régime.
Ainsi, au début des années 30, le fascisme a investi toute la société italienne : Mussolini bénéficie donc de la neutralité, si ce n’est du soutien, d’une majorité de catholiques, à qui il a pourtant imposé de lui laisser le champ libre pour la formation de la jeunesse. Il a réduit au silence les syndicats libres et enclavé le monde du travail
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dans un système corporatiste où il a intégré à la fois patrons et syndicats fascistes. Il a fait du PNF un parti de masse qui va s’insérer dans tous les interstices d’une société d’où toute opposition a été bannie.
Si le dirigisme mussolinien est fort dans la vie civile, il l’est moins dans le domaine économique, à ce moment peu de dirigisme y a été introduit . Mais Mussolini dispose tout de même de leviers économiques : l’Istituto per la Ricostruzione Industriale (IRI créé en 1933, privatisé en 2000) gère les participations de l’État dans l’industrie et la finance, le PNF a la capacité de lancer de grandes campagnes de mobilisation comme celle de la bataille du blé ou celle de l’assainissement des marais pontins. Ces moyens d’action permettront à Mussolini de convertir l’économie italienne en économie de guerre, cependant à un degré moindre de celui de l’Allemagne hitlérienne.
Toutes les conditions sont réunies pour susciter une exaltation nationaliste et lancer l’Italie vers l’expansion extérieure.
Pour accroître les chances de réussite de son action, Mussolini va chercher, dans un premier temps à obtenir la neutralité des démocraties. En 1935, face aux menaces que les prétentions hitlériennes sur l’Autriche font planer sur l’Europe, il prend l’initiative d’un rapprochement avec la France et l’Angleterre. L’entente entre les trois pays se matérialisera par les accords de Stresa qui visent le maintien en l’état des frontières existantes Mais l’engagement d’une guerre de conquête en Éthiopie, à l’époque dénommée Abyssinie, qui durera d’octobre 1935 à mai 1936, fera perdre à Mussolini le soutien de l’ensemble des pays de la Société des Nations qui condamnera son intervention. Pour obtenir un soutien dans son action d’expansion européenne et coloniale Mussolini se tournera alors vers Hitler.
A partir de l’été 1936 la politique extérieure de l’Italie et l’intervention de son armée seront décidées de concert avec l’Allemagne, il en sera ainsi de l’intervention de l ‘armée italienne pour soutenir les forces franquistes en Espagne en 1937 et de l’entrée de l’Italie dans la seconde guerre mondiale.
Ce fascisme de combat a besoin d’une population maintenue en tension constante, pour y parvenir Mussolini fixe des objectifs qu’il magnifie dans ses discours, à l’été 1938, il choisit comme moyen, la désignation d’un bouc émissaire : les juifs. Ce tournant anti-sémite est pris de façon autonome, hors de toute pression de l’Allemagne, point sur lequel insistent divers historiens et en particulier Marie-Anne Matard-Bonucci. Jusqu’en septembre 1943, date de l’invasion allemande, l’Italie mènera une politique antisémite affirmée mais qui lui sera propre, refusant de livrer des juifs à l’Allemagne y compris dans les zones occupées hors d’Italie comme ce fut le cas en France. La Croatie fit cependant exception à ce principe, par l’expulsion acceptée de juifs de la zone italienne vers la zone allemande.
La politique antisémite mussolinienne n’a pas suffit à relancer la dynamique fasciste, une grande partie de la population n’y adhéra pas. Mais c’est surtout au plan extérieur que Mussolini connut des revers.
Dès 1940 l’armée italienne connaît des défaites ou des avancées insuffisantes sur tous les fronts .
Elle déclare la guerre à la France le 10 juin 1940 et l’avancée dans le pays se limite à l’occupation de quelques cols alpins et à la prise de Menton, alors que Nice, la Savoie et la Corse étaient visés. Les italiens en restent là. Un armistice séparé de celui de l’Allemagne est signé le 24 juin 1940
En Grèce l’armée italienne doit être aidée par l’armée allemande. En Somalie, en Éthiopie et en Libye, l’Italie perd pied comme partout en Afrique orientale.
Le 11 juillet 1943, les alliés débarquent en Sicile, dans un pays militairement affaibli. La résistance rencontrée par les troupes débarquées n’est pas le fait de l’armée italienne, elle s’explique par l’intervention allemande. Avec l’absence de victoires, la tension fasciste faiblit, Mussolini ne trouve plus qu’un soutien mou chez la majorité des italiens. L’audience des membres des partis et syndicats dissous qui agissent dans la clandestinité grandi, dès mars 1943, bien qu’interdites des grèves éclatent à Milan et à Turin.
Dans un tel contexte les dirigeants fascistes et les généraux décident de lâcher Mussolini. Le Duce est destitué par le Grand Conseil du fascisme le 24 juillet 1943 et arrêté sur ordre du Roi le 25 juillet. Victor-Emmanuel III nomme le général Badoglio Président du Conseil.
Qu’est-il advenu aux personnages que j’ai pu suivre au cours de ce ventennio fasciste ?
En 1925, Ferdinando Brovelli, fait son service militaire dans une armée encadrée par des officiers fascistes, ses amis de chambrée sont des ouvriers comme lui, ils ont vécu les grèves de 1919-1920 et sont résolument antifascistes. Lorsqu’ils étaient obligés d’exécuter, le salut fasciste, le bras tendu, ils s’étaient tous donné le mot : ils ne criaient pas « Eia eia alalà », mais murmuraient « alta cosi la merda ».
En 1930, Ferdinando participe à une grève pour un meilleur salaire, action interdite par les lois fascistes, les grévistes sont tous licenciés et menacés de prison. Le syndicat fasciste de l’entreprise qui veut prouver son utilité, leur évite l’incarcération. Mais la mention « gréviste » est inscrite sur le livret de travail que chacun devra montrer 6
à son nouvel employeur, ce qui rend à peu près impossible l’accès à un travail régulier. Faute de trouver un emploi qui lui convienne, Ferdinando émigre en France en 1932.
J’ai pu suivre aussi quelques traces de l’itinéraire de Bruno Buozzi au cours de cette période.
Parallèlement à une carrière syndicale il mène une carrière politique, il sera élu député socialiste en 1924 et participera à la « grève de l’Aventin ».
Jusque là secrétaire de la FIOM, il devient secrétaire de la CGdL en 1925. C’est l’année qui précède les lois fascistissimes qui imposeront la dissolution de toutes les organisations syndicales hors du fascisme., Dès avant cette dissolution, les escouades fascistes, désormais intégrées dans la milice, font vivre les dirigeants politiques et syndicaux hostiles à Mussolini dans une menace permanente. L’été 1926, l’immeuble turinois occupé par la famille Buozzi est bruyamment visité par des miliciens en armes, qui inscrivent sur les murs de l’escalier : « Buozzi morirai », « A morte Buozzi ». Début novembre 1926, quand le parlement est sur le point d’adopter les lois fascistissimes, Buozzi se trouve à Zurich pour un congrès international des syndicats. Informé de la situation en Italie, Buozzi sait que s’il rentre en tant que dirigeant d’une organisation dissoute, toute manifestation d’opposition de sa part le conduira en prison. En fait il aura le choix entre mutisme ou emprisonnement. Buozzi décide de ne pas rentrer : il se dirigea vers Paris où il devait quelque temps plus tard se rendre à un autre congrès. Dans la capitale française il retrouve Giuseppe di Vittorio, représentant du courant communiste qui s’est formé dans la CGIL à l’issue du Congrès de Livourne. Leurs voies vont diverger : Buozzi va se rapprocher de la CGT de Léon Jouhaux ; di Vittorio de la CGT-U de Benoît Frachon. Mais parallèlement à la réunification de la CGT française, en marche à partir de 1934, pour se conclure en 1936, Di Vittorio et Buozzi, eux aussi en 1935, se mettent d’accord pour que la CGL soit unifiée quand le fascisme chutera.
En février 1941, alors qu’il rend visite à sa fille Ornella qui vient d’accoucher dans une clinique parisienne Buozzi est arrêté par la Gestapo. Il est incarcéré à la prison de la Santé en même temps que Di Vittorio, puis tous deux sont transférés en Allemagne et enfin en Italie, dans l’île de Ventotene pour Di Vittorio, à Ferrare puis à Montefalco dans la province de Pérouse, pour Buozzi. A l’été 1943 ils ne sont plus emprisonné mais assignés à résidence. Tous deux se trouvent donc en Italie au moment de la chute de Mussolini.
_12. Le gouvernement Badoglio, la R.S.I. et la Résistance. _Les 45 jours de Badoglio : un intermède ambigu.
Ces 45 jours, entre le 25 juillet et le 10 septembre 1943 correspondent à la période de temps qui sépare l’arrestation de Mussolini de l’invasion allemande.
Badoglio va avoir le maintien temporaire de l’alliance avec l’Allemagne et la « défascisation » comme politique. En juillet 1943, il ne mise plus sur la victoire de l’Allemagne, il envisage de se rapprocher des alliés. Mais ne serait-ce que pour sauver sa propre personne il a besoin de rupture avec son passé de dignitaire fasciste. Son gouvernement déclare qu’il va se livrer à la liquidation du régime, en particulier par la suppression des organisations fascistes et la libération des prisonniers politiques. Pour être crédibles ces déclarations ont besoin d’être mises en œuvre et pour cela Badoglio a besoin de temps. S’il rompt immédiatement l’alliance avec l’Allemagne il sait que l’invasion du pays par l’armée d’Hitler ne lui laissera pas ce temps Il choisit donc de temporiser, en remettant à plus tard la rupture de l’alliance.
Pour faire bonne figure vis à vis de ceux qu’il espère être ses futurs alliés, Badoglio propose aux dirigeants des partis anti-fascistes de faire partie de son gouvernement. Dès le 25 juillet, ceux ci se réunissent pour répondre à cette l’offre de participation. Majoritairement ils la rejettent constatant deux obstacles principaux : l’attachement du gouvernement à la monarchie et le maintien de l’alliance avec l’Allemagne.
Bruno Buozzi ne fait pas cette analyse, il accepte d’occuper un poste important au ministère du travail. Il se propose de mettre sur pied une législation du travail donnant aux salariés plus de droits qu’il ne leur en a jamais été donné dans les entreprises.
En ses débuts, le gouvernement Badoglio procède à une répression sanglante des manifestations antifascistes. La chute de Mussolini a provoqué une liesse populaire , dans de nombreuses villes, les gens manifestent aussi en criant « Basta con la guerra », « i tedeschi in Germania », Badoglio craint d’être débordé par les anti-fascistes et fait tirer la troupe. Selon l’ANPI , du 26 au 28 juillet le bilan est de 83 morts et 516 blessés. Dont une vingtaine à Bari, et une dizaine à Reggio Emilia, dans ville de nombreux ouvriers des Officine Meccaniche Reggiane se comptent parmi les victimes. Il faut constater que ces événements n’ont pas provoqué la démission de Buozzi, mais il faut aussi prendre en compte que ces actes, commis par Badoglio, auxquels il faut ajouter l’utilisation d’armes chimiques au cours de la guerre d’Éthiopie, n’ont pas empêché le Parti Communiste et les autres partis
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antifascistes, moins d’un an plus tard, en avril 1944, de participer au gouvernement Badoglio II.
Par la suite quel bilan ?
Pour l’ANPI. : malgré des avancées, le négatif l’emporte. Du côté des avancées il faut noter la dissolution des organisations fascistes dont la milice, le grand conseil, et les corporations, à laquelle il faut ajouter la libération des prisonniers politiques, comme avancée aussi il faut encore noter le nouveau droit du travail mis sur pied Buozzi avec son ami Giovanni Roveda, il instaure une représentation ouvrière dans l’entreprise . Mais, côté négatif, tous les anciens fascistes restent en place dans l’administration et la magistrature, et si les principaux dirigeants fascistes sont arrêtés, tous trouveront la possibilité de s’échapper. Et surtout, les dispositifs discriminatoires envers les juifs ne sont pas abolis et les données du recensement des juifs de 1938, ne sont pas effacées, ce qui facilitera les arrestations, lorsque l’armée allemande aura envahi l’Italie.
Au contraire, pour les historiens Serge Berstein et Pierre Milza, les aspects positifs prédominent : ils parlent de décisions « qui mettent fin à 20 ans de fascisme en Italie ».
En ce qui concerne la situation de la population : au cours de ces 45 jours, l’Italie, bien que n’étant pas envahie par l’armée allemande, reste sous les bombes de l’aviation alliée. Rome est bombardée le 19 juillet 1943 par des avions en partance de la portion Sud de l’Italie libérée, On dénombrera 3000 morts et 11000 blessés.
Pour éviter ces bombardements le 14 août 1943 Badoglio déclare Rome ville ouverte, ne devant pas subir de destruction et la déclaration est transmise aux alliés Le gouvernement donne ordre à la DCA italienne de ne pas tirer sur les avions américains survolant Rome, et s’engage à ne pas utiliser le réseau de transport à de fins militaires. Mais les bombardements alliés reprirent en septembre 1943, une fois la ville occupée par les allemands. Au total la capitale subira 51 bombardements avant sa libération le 4 juin 1944.
Dans le triangle industriel Milan, Turin, Gênes, destructions et pertes humaines sont encore plus importantes, A Milan, on compta plusieurs centaines de morts en août 1943, ils s’intensifièrent, là aussi, sous l’occupation on comptera 6500 morts sous les bombardements pour le seul dernier trimestre 1943.
_L’armistice.
En vue d’un armistice Badoglio est en contact avec les britanniques par le Vatican . Malgré les efforts diplomatiques de Badoglio, Les anglo-américains exigent la capitulation sans conditions de l’Italie, le gouvernement italien ne bénéficiera d’aucune autonomie au plan militaire et en zone libérée les troupes italiennes seront sous commandement anglo-saxon.
Les troupes alliées qui ont débarqué le 11 juillet 1943 au Sud-Est de la Sicile, sont parvenues à Messine début septembre 1943, et s’apprêtent à pénétrer en Italie continentale. Il est prévisible que le changement d’alliance provoquera l’invasion du pays, pour maintenir la capitale hors de son emprise, les alliés décident de tenter le plus tôt possible un débarquement au nord de Rome, dont la date est déterminée en concertation avec Badoglio.. L’Armistice est signé le 3 septembre en Sicile à Cassibile. Il est rendu public le 8 septembre pour laisser aux alliés le temps du débarquement. Il a lieu à Salerne au Sud de Naples et non au Nord de Rome comme il était espéré, cela du fait d’une concentration allemande jugée trop forte dans cette zone. En effet, le commandement allemand soupçonnant Badoglio de double jeu avait commencé l’envoi de troupes en Italie,
Craignant l’invasion de la capitale, gouvernement Badoglio et le Roi se réfugient à Brindisi. Le 10 septembre les colonnes allemandes arrivent en Italie à la rencontre des troupes alliées.
Dans le chaos d’un bouleversement des alliances et d’un gouvernement en fuite, la première institution à s’effondrer est l’armée. Ses chefs attendent, en vain, des ordres du gouvernement Badoglio réfugié, en zone contrôlée par les anglo-saxons. Les officiers et les hommes de troupe sont déboussolés, hier alliés, les allemands sont devenus ennemis. Ne sachant quelle attitude prendre certains officiers demandent aux soldats de rester en caserne alors que d’autres incitent à la désertion.
Le 10 septembre, il est trop tard : l’armée allemande prend le contrôle des casernes du Nord et du centre de l’Italie et les soldats italiens sont massivement déportés en Allemagne, à moins qu’ils n’acceptent de combattre auprès des allemands sur les fronts extérieurs, ce qu’ils refusent à 90%. 800.000 soldats italiens seront ainsi déportés en Allemagne. Plus des 2/3 d’entre eux travailleront dans des conditions inhumaines dans les industries d’armement et les mines, soustraits à la tutelle de la Croix Rouge par un statut de travailleur civil. 40.000 d’entre eux périront.
Le bouleversement des alliances s’il a eu un effet de désorientation sur les troupes stationnées en Italie, a eu un effet encore plus violent à l’extérieur sur les soldats italiens combattant aux côtés des soldats allemands .
Ils se sont trouvés dans une situation pire que ceux de l’intérieur, sur les front albanais, yougoslave, grec et de l’URSS, d’alliés des allemands ils sont devenus leurs adversaires. Leurs possibilités de désertion se sont trouvées
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plus réduites que pour leurs homologues au pays, l’armée allemande toujours proche des troupes italiennes, les a immédiatement faits prisonniers, certains cependant sont parvenus à s’échapper.
Au cours du mois de septembre 1943 l’armée allemande s’installa de plus en plus avant vers le sud de l’Italie, tandis que les anglo-saxons avançaient vers le Nord. D’abord parvenus au Sud de Naples, les allemands furent contraints au recul par le soulèvement de la population au cours des quatre journées de Naples, le 27, 28, 29 et 30 septembre 1943. Le front se stabilisa au Nord de Naples, sur le fleuve Garigliano, il constitua la ligne Gustav passant par l’abbaye de Monte Cassino. (voir la carte page 25).
Sur cette période les témoignages ou écrits que j’ai pu connaître sur des trajectoires de vie sont les suivants :
J’ai entendu de vive voix, le témoignage de soldats stationnés à Mantoue, ville de garnison, d’une caserne à l’autre les situations étaient différentes. A Torrio Val d’Aveto, village de naissance de la mère, il y a quelques années j’ai questionné des amis, originaires du lieu, qui étaient soldats à Mantoue les 8 et le 9 septembre. Ils ont pu rejoindre leurs amis ou famille, tandis que mon beau-père Giacomo Zumelli en service militaire au même endroit mais dans une autre caserne, s’est trouvé contraint de rester sur place. Refusant l’intégration dans l’armée fasciste il fut déporté en Allemagne où il sera astreint à des travaux agricoles. Il parviendra à s’échapper, et les hasards de sa fuite l’amèneront dans la petite Italie de Nogent sur Marne.
D’autre part, j’ai pris connaissance du récit de soldats italiens sur des fronts extérieurs le 8 septembre, grâce à un document que m’a transmis Aline Bacchet, auditrice assidue des conférences du club d’histoire. Il s’agit d’un ensemble de récits de guerre des soldats originaires de Gruaro, un village de Vénétie d’où était originaire le père d’Aline. Elle en a assuré la traduction. Aucun de ces soldats n’a pu échapper à l’arrestation par l’armée allemande. Olindo Carlin a 23 ans, le 8 septembre 1943 il se trouvait près d’Athènes : « Nous n’avons pas eu d’informations sur l’armistice, seulement l’attitude menaçante des allemands nous faisait comprendre qu’il était arrivé quelque chose de très grave. Il n’y a pas eu de fusillade, nous avons été arrêtés tout de suite. ». Les allemands annoncèrent aux prisonniers qu’ils seraient transférés en Italie par chemin de fer, en fait Olindo Carlin connu deux camps de concentration en Pologne et un en Allemagne, il fut astreint à des journées de douze heures dans des mines de charbon avec un seul maigre repas du soir.
Luigi Gruarin , 25 ans en 1943, combattant en juillet 1942 sur le front du Don en URSS, se trouve en septembre 1943 à Budapest après une retraite dans la steppe qu’il qualifie d’hallucinante qui l’a mené à Kiev puis en Hongrie. Le 8 septembre il sera immédiatement fait prisonnier et interné en camp de concentration.
Le 10 septembre 1943, Bruno Buozzi a changé d’avis sur le gouvernement Badoglio , il ne le suit pas à Brindisi. Il prend les armes et rejoint des résistants socialistes aux portes de Rome. Ils sont dirigés par Sandro Pertini, qui deviendra beaucoup plus tard président de la République. Ils cherchent à empêcher l’entrée des allemands dans Rome. Sous le nombre, ils doivent décrocher et agiront désormais dans la clandestinité.
_L’Italie occupée de la République de Saló et la levée des partisans.
Dès le 12 septembre, les allemands ont libéré Mussolini. Hitler incite le Duce déchu à constituer avec l’aide allemande, un nouvel État italien dans le pays occupé. Un groupe de fascistes se disant gouvernement en exil, incite Mussolini à accepter, ce qu’il finit par faire
Le 23 septembre le gouvernement de la République Sociale Italienne s’installe à Saló, sur le lac de Garde. Il s’agit d’une République fantoche avec un gouvernement dont le Président du conseil, Benito Mussolini et les ministres ne peuvent prendre de décisions qu’avalisées par le Führer. Elle symbolise le nazi-fascisme.
Parallèlement la Résistance va s’organiser, les dirigeants des six partis anti-fascistes qui étaient sortis de la clandestinité après la chute du Duce, décident dès le 9 septembre, d’appeler à la Résistance et de constituer un Comité de Libération Nationale, où tous les six seront représentés et les décisions prises à l’unanimité.
Les antifascistes vont ainsi se transformer en résistants, ils vont devoir faire face à la fois à l’armée allemande et à l’armée et à la police de la République de Saló.
Les six partis sont : Le Partito Comunista Italiano (PCI), la Democrazia Cristiana (DC), le Partito d’Azione (PdA),le Partito Socialista Italiano di Unità Proletaria (PSIUP), le Partito Democratico del Lavoro (DL) et le Partito Liberale Italiano (PLI). Trois sont des partis de gauche : PCI, PdA, PSIUP; deux sont des partis du centre : DC et DL quant au PLI, il est plutôt à classer à droite.
Début octobre, des comités régionaux et provinciaux sont constitués, ils cherchent à coordonner entre elles les brigades de partisans qui se constituent à l’initiative des partis.
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Certaines se forment aussi de façon autonome sans relation avec les partis du CLN.
Ces brigades sont alimentées en hommes et femmes par diverses sources, notamment : les civils antifascistes anciens prisonniers de Mussolini revenus à la vie civile sous Badoglio ; les soldats de l’intérieur qui ont échappé à l’enrôlement par l’armée de Saló ; les soldats de l’extérieur qui ont pu échapper à l’arrestation par l’armée allemande.
Les partisans se regroupent donc par affinité politique. A la fin de la guerre les brigades , distinguées selon leur rattachement ou non à un parti, feront apparaître le classement suivant, en italien :
Brigate d’Assalto Garibaldi (Partito Comunista Italiano): 575
Brigate autonome ( non rattachées à un parti du CLN ): 255
Brigate Giustizia e Libertà (Partito d’Azione): 198
Brigate Matteotti (Partito Socialista Italiano di Unità Proletaria): 70
Brigate Mazzini (tantôt reliées tantôt au Partito Repubblicano Italiano, hors CLN,tantôt à l’un de trois partis de gauche) : une soixantaine.
Brigate del popolo ou Fiamme Verdi (Partito Popolare – Democrazia Cristiana): 54.
Les brigades sont organisées de façon militaire :
L’équipe (la squadra) constitue l’élément mineur de la pyramide (10-20 combattants), elle peut prendre la forme d’un Gruppo di Azione Patriotica (GAP), notamment pour l’action urbaine, elle compte généralement dans ce cas un effectif plus restreint constitué de partisans politiquement et militairement aguerris.
Trois équipes forment une compagnie, trois compagnies un bataillon, trois bataillons une brigade, Lorsque la Résistance arriva a ses effectifs maximum, les brigades comptaient de 500 à 600 hommes et femmes.
Dès les mois d’octobre et novembre 1943, des brigades sont opérationnelles et entrent en action.
Entre juin 1940 et septembre 1943 de grands bouleversements ont eu lieu en Italie : le pays est entré en guerre contre la France, le Duce a été destitué et l’Italie s’est rangée du côté des alliés, comment les italiens en France ont-ils vécu ces événements ?
_2. Des résistants italiens en France.
Du milieu du 19éme siècle, au milieu du 20ème siècle, l’Italie constitue un pays d’émigration. La France est l’une des principales destinations et une grande partie des arrivées se fait en région parisienne.
Les nouveaux arrivants s’installent un peu partout à Paris et autour de Paris, avec une concentration particulièrement forte en deux points si l’on s’en réfère aux travaux ds chercheurs : en banlieue est à Nogent sur Marne où la communauté italienne a fait l’objet de recherches menée par Marie Claude Blanc-Chaléard de l’Université Paris X – Nanterre ; en banlieue nord-ouest à Argenteuil où elle été étudiée par Antonio Canovi de l’ Université de Modène-Reggio Emilia.
Les attitudes de ces deux population italiennes vis à vis de la Résistance semblent représentatives de celles des italiens en France à cette époque.
_A Nogent des résistants peu nombreux.
A Nogent s’est constituée une communauté de migrants provenant majoritairement de villages du Val Nure rattachés à la ville de Ferriere de la province de Plaisance en Émilie. Il s’agit surtout d’une population d’origine paysanne, de religion catholique, peu politisée et de mentalité conservatrice. Il n’est pas étonnant qu’au temps du fascisme cette population n’ait pas eu d’aversion pour le régime. Cela, à l’exception de quelques antifascistes, la plupart du temps des ouvriers venus des régions industrielles d’Italie, leur différence d’opinion a fait qu’ils se sont plus ou moins bien intégrés dans la communauté italienne nogentaise.
Pendant l’occupation allemande cette population principalement établie à Nogent mais aussi dans ses alentours est donc restée discrète, là encore à quelques exceptions près, la plus frappante étant celle d’Auguste Taravella de Champigny : lui aussi d’origine paysanne, en provenance du Val Nure ; responsable de cellule communiste clandestine à Champigny, en avril 1941 il incendie un train de marchandises allemand, bloquant pendant plusieurs jours le trafic ferroviaire en banlieue. Il a été fusillé au Mont Valérien en octobre 1943.
_ A Argenteuil une implication forte dans la Résistance.
A Argenteuil, les italiens arrivent majoritairement de Cavriago village de la Région de Reggio Emilia. Pour situer les tendances politiques de la population, il suffit de savoir que c’est le seul village d’Italie qui ait élevé une statue
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à Lénine. Dans les années 30 les italiens d’Argenteuil, la plupart regroupés dans le quartier Mazagran, sont très majoritairement des antifascistes, beaucoup ont émigré pour échapper aux persécutions fascistes.
Les témoignages recueillis montrent que la déclaration de guerre de l’Italie à la France, le 10 juin 1940, est ressentie comme un choc. Des français qui jusque là ne se préoccupaient aucunement des opinions politiques des italiens, voient en chaque italien un fasciste ennemi de la France. Les injures pleuvent.
L’état de choc passé, les italiens d’Argenteuil nullement découragés vont accentuer leur action résistante.
Dès 1933, ils ont constitué la «fratellanza reggiana», une association d’entre-aide, qui dépasse l’aide entre immigrés italiens, elle apporte un soutien aux antifascistes restés au pays par le transfert de fonds ou de matériel de propagande. Organisés dans ce but, les voyages vers l’Italie sous des déguisements et avec de faux papiers sont nombreux,
Dans la France occupée, beaucoup parmi les habitants du quartier Mazagran, vont ajouter la Résistance à leurs activités antifascistes. C’est le cas de Gina Pifferi dont Antonio Canovi décrit la trajectoire militante. Elle choisi d’émigrer en France pour développer une action antifasciste qui s’est trouvée continuellement étouffée dans son village natal par la police de Mussolini. Elle entre dans la FTP-MOI qui se constitue en avril 1942.
Rino Della Negra fera de même, il entre lui aussi dans la FTP MOI en 1942 et, en 1943, intègre le groupe Manouchian. Parmi les attaques auxquelles il participe, il en est une où des italiens font face à d’autres italiens dans Paris. Il s’agit de celle menée le 10 juin 1943 contre le siège central du parti fasciste dans la capitale, au 12 de la rue Sédillot, dans l’immeuble aujourd’hui occupé par le lycée italien à Paris.
On constate sans surprise que les différences culturelles et politiques, en France, entre des italiens venus de régions différentes, sont pour la première génération, les mêmes qu’entre les populations de ces régions.
Ferriere se trouve dans l’Apennin, de la province de Plaisance entre l’Émilie et la Ligurie . Cette zone en partie montagneuse présente d’importantes différences avec le reste de la région d’Émilie-Romagne qui recouvre une grande part de la plaine du Pô. Le relief de montagne ne laisse place qu’à des parcelles cultivables de faibles dimensions, d’où une population constituée de petits et même tout-petits propriétaires Quand elle s’est développée, les champs étriqués et les quelques troupeaux se sont avérés insuffisants pour assurer la subsistance de tous, il a fallu partir pour échapper à la misère. Beaucoup ont choisi la France. Comme il a déjà été constaté, ces migrants étaient dans leur grande majorité : pauvres, catholiques pratiquants, très attachés à la propriété privée.
Reggio Emilia est situé près de l’Apennin, mais s’ouvre sur la plaine. Dès le début des année 1880, cette campagne est pénétrée par des idées socialistes, les ouvriers agricoles des propriétés latifundiaires sont en contact avec les ouvriers des villes, nombre d’entre eux adhèrent au « Parti Socialiste de Romagne » créé en 1881. Au cours du biennio rosso, dans les plaines de l’Émilie-Romagne, les ouvriers agricoles de retour de guerre s’organisent en « leghe » et occupent les terres des grands propriétaires, ils sont soutenus par les « case del popolo », coopératives créées par le parti socialiste. Ainsi les immigrés italiens d’Argenteuil sont porteurs d’une mémoire collective bien différente de ceux de Nogent.
Voyons maintenant comment s’est traduite sur le terrain cette différence d’engagement résistant selon les régions dans la période qui s’ouvre avec la République de Saló.
_3. Septembre 1943-janvier 1944 : les débuts de la Résistance dans une société marquée par des sympathies fascistes.
_Le contexte de collaboration sous la République Sociale Italienne (RSI).
Fin septembre 1943, les allemands ont placé Mussolini à la tête d’un gouvernement et d’une force armée censés être constitutifs d’un État : La RSI, la dénomination de République étant choisie pour marquer la rupture avec la monarchie que Mussolini accuse de trahison. C’est un Mussolini transformé par sa déchéance et son arrestation de juillet qui préside cet État fantoche qui rompt avec les dernières formes du fascisme pour revenir aux principes initiaux du discours de San Sepolcro.
Le fascisme de Saló est un fascisme prenant appui sur le monde ouvrier. Les classes dirigeantes qui ont elles aussi trahi le Duce seront privées de pouvoir. Il est prévu d’étatiser toutes les entreprises d’intérêt public et d’associer les techniciens et ouvriers à la fixation des salaires et des conditions de travail.
Ces mesures resteront pure fiction, elles n’auront pas le temps d’entrer en application. Elles nécessitent, en effet, l’aval du Führer qui ne le donnera qu’en février 1945, c’est à dire à deux mois de la fin de la guerre. Il craint que l’hostilité des chefs d’entreprises italiens au projet de Saló ne soit cause de paralysie de la production d’armement à destination de l’Allemagne.
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La RSI est contrainte d’accompagner l’Allemagne dans sa politique d’extermination des juifs., alors que las mesures anti-juives du fascisme n’étaient jamais allé jusque là.
Les arrestations de juifs sont facilitées par le recensement déjà effectué en 1938, lors du tournant antisémite du dernier fascisme, ainsi les déportations peuvent être organisées dès la mi septembre 1943.
Un plus d’un millier des juifs du ghetto de Rome sur les 4.000 qui y vivent sont déportés lors de la grande rafle de 16 octobre 1943 pour être gazés à Auschwitz. A peu près le tiers des arrestations de juifs, qu’on peut chiffrer à plus de 7000 en Italie, sont réalisées par des italiens. Les cadres allemands cherchent à y impliquer les jeunes recrues de la RSI pour éviter leur basculement dans la Résistance qui leur sera désormais hostile.
La RSI est totalement impuissante face au pillage de l’Italie par l’Allemagne : en hommes, en équipements transférés en Allemagne, et en productions réalisées en Italie pour le compte des allemands.
Les intérêts de l’Allemagne et de la RSI se rejoignent dans la lutte contre les partisans et le contrôle de la population.
La force dont dispose la RSI est la Garde Nationale de la République (GNR), mi-armée, mi-police. On y a incorporé les carabiniers, membres des anciens corps de police, on y a intégré aussi ce qui reste de l’armée de Badoglio dont l’essentiel a été déporté en Allemagne ou se trouve dans le maquis et enfin on y a mêlé des recrues difficiles à trouver dans une population jeune réduite par les ponctions fascistes.
De façon générale la GNR accompagne l’armée allemande dans ses actions contre les partisans. Comme pour les arrestations de juifs, les officiers allemands qui encadrent les jeunes recrues vont les impliquer autant qu’ils peuvent dans les exécutions de résistants, dans le même but de les couper de la Résistance.
Allemands et gouvernement de la RSI, cherchent à contrôler une population que l’on peut diviser en trois catégories :
_les anciens fascistes opportunistes, que l’on peut supposer nombreux dans un parti qui comptait 2.500.000 adhérents en 1939, c’est une catégorie qui flotte entre nazi-fascistes et partisans.
_les fascistes déterminés, toujours fidèles au Duce y compris dans la défaite, prêts à participer à la traque aux résistants,
_les réfractaires au fascisme.
Les anciens fascistes opportunistes tout comme les jeunes recrues de la GNR sont sources d’opportunités mais aussi de risques pour les partisans. Beaucoup sont prêts à un double jeu, s’affichant fascistes pour éviter les ennuis mais disposés à couvrir les partisans pour protéger leurs arrières en prévision d’une défaite probable de l’Allemagne.
Les trahisons multiples en gestation pleuvent. Cette atmosphère délétère est remarquablement décrite dans les romans de Carlo Lucarelli où le commissaire de Luca membre de la police de la RSI, s’efforce d’y rester intègre.
_L’entrée en lutte armée urbaine et en maquis, la Résistance comme guerre civile et patriotique.
L’entrée en action des partisans se fait à des moments différents selon les zones géographique.
A Rome elle se fait jour dès octobre 1943, le 28 les partisans d’un GAP attaquent un cortège fasciste qui défile pour commémorer la marche sur Rome. D’une manière générale l’entrée en action est plus rapide en ville qu’en campagne et maquis, certainement parce que les partis organisateurs de la Résistance y sont plus implantés.
De même, dans la région de Reggio Émilia la Résistance s’organise rapidement, non seulement en ville, mais aussi dans la plaine, c’est ce que montre “novecento” le film de Bernardo Bertolucci. A Reggio un CLN provincial est créé dès le mois de septembre 1943, il va coordonner les actions de Résistance entre les villes et la campagne.
En Val Nure et en Val d’Aveto, dont sont majoritairement originaires le italiens qui se sont installés à Nogent sur Marne et dans le villes proches, le regroupement de résistants s’avère plus difficile. Les déserteurs de l’armée mussolinienne et les prisonniers anglais et américains échappés du camp de Veano en Province de Parme, n’optent qu’en petit nombre pour la lutte armée, ainsi, à l’automne 1943, en Val Nure il n’est pas possible de constituer une brigade. Les partisans se constituent en bandes de 20-25 hommes. Ce n’est qu’en mai 1944 que le CNL régional parviendra à coordonner l’action des bandes qui seront alors en nombre suffisant pour constituer une brigade. Elle naquit à Bettola pris le nom de Brigade Garibaldi avant de devenir Brigade Mazzini.
Ainsi: Résistance quasi immédiate dans la Région de Reggio Émilia région de plaine à propiété latifundiare avec des paysans ouvriers agricoles, Résitance difficile à développer en Val Nure région de petits propriétaires.
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On retrouve la relation déjà évoquée entre le statut des paysans et leurs choix politiques.
Cette relation n’est cependant pas automatique: dans les contreforts de l’Apennin entre Émilie et Toscane, au Sud de Bologne, aux alentours de Marzabotto, se crée dès novembre 1943 la brigade Stella Rossa. Elle n’est reliée à aucun parti politique et comptera entre 700 et 800 membres.
La topographie des lieux est collineuse, peu favorable à la propriété latitfundiaire, le statut paysan y est du même type que celui de la Val Nure. Et pourtant l’esprit résistant y est fort. Il s’explique certainement par le charisme du chef brigadiste: Mario Musolesi qui connait bien les communautés paysannes du lieu
Le CLN régional compte tenu de la configuration des lieux et de la petite propriéré paysanne, n’avait pas retenu la zone comme susceptible de générer une brigade. La leçon à tirer de cette erreur est que les relations humaines peuvent primer sur les conditions de vie matérielles pour expliquer les comportements.
La Résistance est à la fois une guerre patriotique contre l’envahisseur étranger et une guerre civile, italiens contre italiens. Les partisans des bandes et des brigades doivent affronter des forces allemandes et les forces fascistes de la RSI. Dans ces dernières des militaires-policiers de la Garde Nationale de la RSI, contraints, comme il a été dit plus haut, à participer à l’exécution de partisans et se sachant condamnés en cas de victoire de la Résistance, en deviennent les ennemis acharnés.
Certains militants communistes voient aussi dans la Résistance une guerre révolutionnaure, ils seraient enclins, une fois les allemands chassés, à garder les armes pour prendre le pouvoir. Revenu d’Union Soviétique en avril 1944, Togliatti les en dissuadera.
En ses débuts la Résistance ne compte qu’un nombre réduit de partisans, entre 30.000 et 40.000 en janvier 1944. Le cas de la Val Nure est significatif, les anciens soldats qui ont échappé à l’enrôlement par l’armée de Saló et à la déportation en Allemagne sont relativement nombreux mais ils ne prennent pas les armes, ils vivent cachés dans l’attentisme, se fixant pour seul objectif d’échapper aux recherches de l’armée allemande et de la police de Saló. Cet attentisme peut s’expliquer par le blocage des alliés qui se prolonge sur la ligne Gustav. La perspective de la libération paraît lointaine.
Encore faible en nombre, à la fin de l’hiver 1944, la Résitance n’est pas en mesure d’occuper des portions de territoire et de les défendre. La stratégie des partisans consiste à porter des coups à l’ennemi fasciste ou allemand pour l’affaiblir, puis à se retirer dans le maquis ou dans la clandestinité en ville.
Les actions des “squadre” consistent pour certaines en des attaques de casernes de carabiniers pour y prendre des armes, pour d’autres dans des attaques à valeur symbolique, de sièges locaux du parti fasciste. Les partisans cherchent aussi à paralyser les transports d’armes ou d’hommes ennemis par des attaques de trains, le blocage de route ou le miraillage de troupes en déplacement.
De leur côté les alliés restent bloqués face à la ligne Gustav, le 22 janvier 1944 ils tentent de la contouner par un débarquement à à Anzio. C’est un échec, les anglo-américains doivent se retirer en comptant dans leurs rangs 5000 morts et 35.000 blessés.
_4. Février-avril 1944 : l’adhésion croissante de la population et le renforcement de la Résistance.
_Le contexte d’une population lasse de la guerre soutenue par les prêtres locaux
A partir de la mi-juin 1940 l’Italie du Nord est bombardée. Les bombardiers alliés partent du Sud de l’Angleterre et survolent la France de nuit, ils déversent leurs bombes particulièrement sur Milan et Turin avant de revenir sur les bases anglaises. Gênes est bombardée à partir d’avions en provenance de Gibraltar. Avec l’occupation allemande ces bombardements se sont poursuivis après les 45 jours de Badoglio y compris sur Rome pourtant déclarée ville ouverte, et ont été continus jusqu’à la fin de la guerre. Le nombre d’italiens morts sous les bombardements se situe entre 80.000 et 100.000. Il en a résulté une population lasse de la guerre.
Cette lassitude de la guerre génère un sentiment anti-allemands, auquel va se mêlé un espoir de libération. Les italiens écoutent « Radio Londra », il n’y a pas auprès de la BBC de résistants italiens assurant les émissions destinées à l’Italie, mais un colonel anglais, Harold Stevens, surnommé « Colonello Buonasera » par les italiens qui reprennent les mots qu’il prononçait en chaque début d’émission. A l’hiver 1944 la perspective de la défaite de l’Allemagne se précise, le recul est devenu flagrant notamment sur le front de l’Est : après avoir reculé à Stalingrad en février 1943, l’armée allemande recule à Léningrad en janvier 1944.
Sentiment anti-allemands et espoir de libération jouent en faveur d’une résistance aidée souvent par le clergé de base qui prend rarement les armes, mais cache des résistants ou transmet des messages. A côté des abbés et curés, des évêques s’illustrent aussi dans le soutien aux populations.
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Dans l’Italie de la République de Saló, de fait, il n’y a plus de pouvoir d’État, en particulier les maires installés sous le régime fasciste dits podestats ne sont plus reliés à une administration centrale organisée, c’est surtout aux allemands qu’ils doivent rendre des comptes. Dans cet état de délabrement administratif, et d’absence d’autorité civile légitime l’Église est la seule organisation à même d’assurer : secours, ravitaillement, et informations entre les membres des familles dispersées.
Ainsi l’Église se lie à la Résistance par la partie engagée de son clergé et obtient de cette façon la confiance de la population, malgré les flottements de sa hiérarchie.
Sur l’attitude de la population et la prise de position d’un prêtre de village, j’ai questionné il y a une vingtaine d’années des gens qui avaient vécu cette période toujours à Torrio Val d’Aveto.
Torrio est situé, à l’intérieur de l’Apennin Ligure, à 60 kms au Nord Est de Gênes dans une zone qui était continuellement ratissée par l’armée allemande. L’historien Enzo Traverso originaire de Gavi, petite ville piémontaise qui elle est simplement adossée à l’Apennin Ligure explique que les généraux d’Hitler craignaient un débarquement quelque part entre Vintimille et Viareggio et cherchaient à éliminer les partisans dans la montagne entre la mer et la plaine du Pô. Il faut noter qu’un débarquement dans une zone similaire aura lieu quelques mois plus tard, le 15 août 1944 en Provence.
Dès septembre 1943, Torrio a pris le parti de la Résistance . Pour quelles raisons ? La prise de position personnelle d’un ou deux hommes considérés comme des leaders dans le village a certainement joué, mais aussi la tradition d’hospitalité des habitants. L’option pour la Résistance s’est manifestée quand le village a accueilli des officiers anglais échappés des camps de prisonniers mussoliniens arrivés en même temps que les jeunes gens qui revenaient chez eux après avoir déserté l’armée. Ils sont venus à Torrio au moment où le Maréchal Badoglio a annoncé publiquement que le pays changeait de camp. Le village les a accueilli tous. A l’hiver 1944, Torrio assurait la clandestinité d’une quinzaine d’hommes parmi lesquels un médecin juif qui avait fui les rafles commencées en octobre 1943.
Certains de ces clandestins ne se sont pas contentés de se cacher mais ont fait œuvre de messagers pour la Résistance, ils ont été rejoints par de gens du village. Ainsi s’est constitue un groupe avec des hommes que j’ai bien connus: Aldo Masera, Antonio Masera, Bruno Molinari, Carlo Rezoagli… Ils ont établi un lien entre la Brigade Mazzini qui agissait en Émilie dans la vallée dite Val Nure et la Brigade Monte Penna qui agissait en Ligurie dans les vallées du Val d’Aveto et du Val Ceno.
Sur la relation entre les résistants et le curé du village je citerai le discours que j’ai fait pour rendre hommage au dernier de ceux qui avait fait de Torrio un village de justes, Antonio Masera disparu en mai 2014 :
« dans la ville haute dite la Cassetta des hommes se sont relayés sous le toit du clocher, prêté par curé, pour voir venir l’envahisseur, et il fallait être attentif, surtout l’hiver, quand les allemands avançaient dans la neige vêtus de blanc. Quand la venue de l’ennemi était détectée, sur le signal du guetteur, les réfugiés sortaient des maisons par l’arrière pour aller vers leurs cachettes, dans la montagne ou dans le village lui même, s’ils étaient pris de court. Et le système d’alarme organisé grâce au curé, a bien fonctionné, malgré plusieurs fouilles les soldats allemands n’ont rien trouvé à Torrio .»
Dans le film de Roberto Rossellini, Rome ville ouverte, le curé d’un quartier de Rome périt sous les balles allemandes parce qu’il a aidé la Résistance. C’est cette action de l’Église au cours de cette période qui explique que le prêtre apparaisse comme personnage mythique auprès du communiste à la libération
_La Résistance renforcée par la création du CLNAI et par la grève protestataire du 1er mars 1944.
En février 1944 est créé à Milan le Comitato di Liberazione Nazionale per l’Alta Italia (CLNAI).
Compte tenu de la tournure de la guerre et du soutien de la population, les résistants de la base constituée par les bandes, jusqu’au sommet ou se trouve le CLN de Rome, pensent que le moment est venu d’intensifier l’action. Cela malgré la faiblesse des effectifs, on l’a vu: ils sont seulement quelques dizaines de milliers. Mais peut être une action plus visible incitera-t-elle des indécis à rejoindre le combat?
L’objectif de la création du CLNAI à Milan va dans ce sens, il s’agit de rapprocher une partie de l’organe de décision central des concentrations ouvrières pour faciliter des actions plus intenses et si possible des actions de masse.
A partir de là, la Résistance va être dotée de deux centres de décisions, l’un à Rome, l’autre à Milan. Le CLNAI va coordonner l’action résistante militaire de façon à peu près autonome, la preuve en est qu’à l’automne 1944, c’est avec le CLNAI de Milan et non avec le CLN de Rome que les alliés négocient la promesse du dépôt des armes une fois l’Italie libérée.
Cette nouvelle organisation de la Résistance va dans le sens du renforcement de l’influence du PCI, cela bien que le CLNAI soit composé des représentants des cinq partis principaux du CNL ( le parti du travail auquel aucune
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brigade n’est rattachée, reste au dehors). En effet, avec la création du CLNAI les dirigeants de la Résistance se rapprochent d’une base ouvrière où le PCI est bien implanté, ce qui met le représentant du PCI en position de force au CLNAI. Interprète de sa base le dirigeant du PCI ne sera pas insensible à des aspirations révolutionnaires qui marqueront le Comité.
A Turin , à Milan , dans la province de Reggio Emilia… les CLN d’entreprises se sentent soutenus par le CLN de niveau supérieur. Le 1er mars 1944, les conditions sont remplies pour le lancement d’une grève générale. Commencée aux usines FIAT de Turin la grève fait boule de neige, dans la ville, puis le mouvement atteint Milan, Reggio Émilia….la grève finit par s’étendre sur les industries du Piémont, de la Lombardie et de l’Émilie Romagne, appuyée par le CNLAI, elle dure du 1er au 8 mars. Ce sont les CNL d’entreprise qui pilotent le mouvement, on y trouve les militants clandestins des syndicats interdits.
Les revendications concernent l’amélioration de la condition ouvrière mais prennent aussi la forme de l’exigence de la fin des transferts de main-d’œuvre et de machines vers l’Allemagne et aussi de la fin des productions destinées à l’armement. On peut donc constater que les revendications sont à la fois professionnelles et anti nazi- fascistes.
La répression est très dure par les soldats allemands et les soldats-policiers de la garde de la RSI qui procèdent à des arrestations et à des déportations. Ainsi cent ouvriers des usines FIAT sont déportés en Allemagne, quatorze aux usines Innocenti…. , plus du tiers ne reviendra pas.
La grève du 1er mars 1944, marque un tournant important dans la Résistance. Même si elle ne s’accroît pas en nombre de partisans armés dans l’immédiat, il s’avère que désormais elle est soutenue par les masses ouvrières. Il y a un changement d’influence sur la population au travail, l’influence de la Résistance l’emporte sur celle du fascisme qui n’avait pas disparu par enchantement à la chute du Duce.
Il s’agit de la seule grève générale sur un territoire étendu qui se soit produite au cours de la seconde guerre mondiale. L’Italie apparait un pays aux débuts de Résistance difficile mais aussi pays à l’avant garde lorsque la mobilisation ouvrière y prend corps.
_L’intensification de la lutte armée urbaine et de la répression nazifasciste.
Forts d’un soutien grandissant de la population qu’ils côtoient, les équipes ou bandes des maquis et les GAP intensifient leur action. C’est particulièrement le cas en Italie centrale. L’attaque de la via Rasella le 23 mars 1944 à Rome illustre cette tendance.
Jusque là, les attaques contre les allemands en ville relevaient du “coup de main”, l’exemple type est celui d’une bombe artisanale lancée par un cycliste qui disparaissait en se faufilant dans une rue populeuse. L’attaque de la via Rasella est d’un autre ordre, il s’agit d’une véritable action de guerre.
Des explosifs installés au préalable sont actionnés au moment du passage d’une section SS, en l’occurence le régiment de police de Bolzano, et quatre bombes à main sont lancées par les partisans d’un GAP mené par Carlo Salinari. 33 soldats allemands sont tués. L’action est menée à l’initiative du CLN de la ville de Rome dans lequel le communiste Giorgio Amendola , joue un rôle important.
La répression est terrible, le jour même, sous les ordres du lieutenant-colonel SSHerbert Kappler, les capitaines Hass et Priebke ainsi que d’autres officiers, prennent en otage 335 hommes. La liste est établie avec l’aide du chef de la police romaine, Caruso. Les premiers otages sont choisis parmi les condamnés à mort de la prison de Regina Coeli à Rome. Leur nombre étant nettement insuffisant, les Allemands prennent en otage plus de 200 autres détenus. Le nombre de 335 est atteint après une rafle dans le Ghetto de Rome où des dizaines de Juifs sont arrêtés, avec, parmi eux, un adolescent Michele Di Veroli âgé de 15 ans.
Le jour suivant, les otages sont transportés aux Fosses ardéatines dans le quartier d’Ardeatino en périphérie de Rome. Les capitaines Hass, Priebke et leurs soldats assassinent méthodiquement chacun d’entre eux d’une balle dans la tête, ce qui représente plus de 10 otages par soldat allemand. Ce massacre est l’un des plus importants sur le sol italien. C’est aussi le plus grand massacre de Juifs sur ce territoire, on en compte soixante-quinze parmi les victimes .
A partir du début avril 1944 les exécutions de partisans capturés deviennent systématiques et les déportations de jeunes gens susceptibles de constituer un vivier pour la Résistance sont massives. A ce propos voilà ce que l’historien Enzo Traverso dit de Gavi, sa ville natale d’environ trois mille habitants: “les 97 résistants capturés dans leur base, un ancien monastère appelé Benedicta furent exécutés sur place. La chasse à l’homme se poursuivit les 15
jours suivants. Les opérations furent menées par une unité de la Wehrmacht mais les exécutions furent confiées à un peloton de soldats italiens. 147 partisans furent ainsi tués sans compter ceux qui moururent pendant les combats. Quelques jours plus tard, 400 jeunes furent déportés à Mauthausen, dont plus de la moitié ne revint pas.”
L’action de la via Rasella a suscité de nombreux débats en Italie. Encore en 2013, l’ANPI a été amenée à porter plainte contre un intervenant sur RAI3. Il reprochait au CLN de Rome de n’avoir pas su évaluer l’importance de la réaction allemande et de n’avoir rien tenté pour libérer les otages. Thèse difficilement défendable en temps de guerre, surtout le second point: l’exécution des otages ayant suivi à peu près immédiatement l’action des partisans.
_La « svolta di Salerno » et la Résistance reconnue par les alliés.
En avril 1944, en face de la RSI, on trouve deux pôles de pouvoir en Italie : d’une part la Résistance à cheval entre Milan (le CLNAI) et Rome (le CLN) non encore libérée ; et d’autre part le gouvernement Badoglio qui fait cause commune avec le Roi à Brindisi.
Le premier est effectif, le second est symbolique et discrédité: le gouvernement est constitué de fascistes repentis et est accompagné du Roi, celui-ci a appelé Mussolini au pouvoir après la marche sur Rome de 1922 et est frappé d’un discrédit particulier.
Mais Roosevelt et Churchill, en vue d’être en postion de force dans les traités de paix, préfèrent reconnaître des gouvernements qui se sont d’abord compromis plutôt qu’avoir à traiter avec des hommes politiques qui peuvent se prévaloir de la Résistance. On note une stratégie similaire de ces deux hommes pour la France , ils balanceront un moment entre Giraud et de Gaulle.
Ainsi les alliés refusent d’écarter Badoglio et le Roi du dialogue à nouer pour poursuivre le libération de l’Italie et construire l’après guerre. La situation est bloquée: les trois partis les plus à gauche souhaitent l’éviction du Roi de la vie politique tandis que les trois autres sont prêts à composer avec lui jusqu’à la fin de la guerre
Revenu d’Union Soviétique, en zone libérée, en cet avril 1944, Palmiro Togliatti va débloquer la situation par une volte-face complète du PCI: dans un discours prononcé à Salerno, il indique qu’il est prêt à siéger auprès du Roi. Une concession mineure est demandée au Roi en contrepartie: la promesse de transmettre ses pouvoirs au prince héritier et de se retiter de la vie politique une fois Rome conquise. Le Parti socialiste et le Parti d’Action suivent Togliatti.
Le 22 avril 1944, à Salerno, fut forrmé le second gouvernement Badoglio, avec les six partis du CLN, et de cette façon un dialogue pu s’instaurer entre les représentants de la Résistance et les alliés.
Le second gouvernement Badoglio resta en place jusqu’à la libération de Rome le 4 juin 1944.
On voit que huit mois plus tard, les six partis antifascistes du CNL ont eu une position identique à celle de Bruno Buozzi, sous la pression de la nécessité, ils ont décidé de collaborer avec Badoglio malgré sa responsabilité dans des massacres en Éthiopie et sur le sol italien.
Par la suite les anciens fascistes furent éliminés du gouvernement qui devint un fidèle reflet du CLN et c’est donc avec les seuls antifascistes que les alliés organisèrent la libération finale du territoire.
Dans les bribes de parcours personnel que j’ai été amené à connaître, l’une d’elle se situe dans cette période, elle concerne Bruno Buozzi.
Comme je l’ai indiqué précédemment au moment de l’armistice rendu public le 8 septembre 1943, il a pris les armes puis est rentré dans la clandestinité se cachant de la Gestapo et des policiers de la RSI dans Rome.
Dans la clandestinité, il va de nouveau rencontrer son homoloque de la CGdL à tendance communiste, Giuseppe di Vittorio. Après s’être rapprochées en 1935, leurs voies ont divergé de nouveau avec le pacte germano-soviétique de 1939. A Rome en 1944, une seconde fois les deux hommes trouvent un accord: la CGdL à tendance socialiste et celle à tendance communiste vont de nouveau fusionner. Le texte est signé début avril 1944 mais non rendu public dans l’attente de l’approbation du PCI et du PSI.
Il faut noter la similitude avec les accords du Perreux de 1943, signés en France entre la CGT dirigée par Léon Jouhaux et celle dirigée par Benoît Frachon.
En Italie, Bruno Buozzi ne pourra pas assister à la publication de l’accord, le 13 avril 1944 sa véritable identité est découverte à la suite d’un contrôle de rue réalisé par les policiers de la RSI. Il est conduit à la prison de la via Tasso, lieu des interrogatoires de la Gestapo. A plusieurs reprises, sans succès, le CLN de Rome tenta de le faire évader
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_5. Mai 1944 – avril 1945 : la Résistance après Monte-Cassino et la suite : Mai 1945 – décembre 1948 : la « défascisation» imparfaite de l’Italie libérée.
_L’avancée des alliés et la stratégie nazie des massacres de masse.
A la mi-mai 1944, cela fait 10 mois que les alliés ont débarqué en Sicile et ils sont bloqués sur la ligne Gustav depuis la fin septembre 1943. Le principal point de résistance allemand, se situe sur le Mont Cassin.
Le 18 mai 1944 les soldats marocains et tunisiens du Général Guillaume parviennent à contourner par la montagne les fortifications allemandes et permettent l’assaut final de la compagnie polonaise du Général Anders contre le monastère fortifié occupé par l’adversaire. Face à la poussée des alliés l’armée allemande va entreprendre un repli graduel.
Le 4 juin 1944, les alliés sont aux portes de Rome. Nous avons vu que capitale avait été déclarée ville ouverte le 14 août 1943 mais qu’après l’invasion allemande les bombardements avaient repris, de leur côté les allemands n’ont pas pratiqué de destructions. L’armée allemande quitte Rome ce même jour du 4 juin 1944 mais non sans se livrer à un dernier massacre dit « eccidio della Storta » en exécutant 14 prisonniers détenus comme otages parmi lesquels Bruno Buozzi.
La veille de l’arrivée de alliés, la police allemande a dressé une liste de 160 prisonniers destinés à être évacués de Rome. Transportés hors de Rome 14 d’entre eux parmi lesquels Bruno Buozzi furent fusillés le lendemain en un lieu dit « La Storta ».
Le 9 juin 1944, l’accord de fusion dit « Patto di Roma » entre les deux CgdL qui forment la CGIL (Confederazione Generale Italiana del Lavoro), est avalisé par le PCI et le PSI et rendu public, il est anti-daté au 3 juin 1944, dernier jour de vie de Bruno Buozzi pour marquer que c’est lui qui avec De Vittorio a donné vie à ce pacte.
J’ai choisi la trajectoire de vie de Bruno Buozzi car il m’est apparu différent de ceux qui sont des héros apparemment sans failles, ses hésitations, peut être ses erreurs sont le reflet des choix difficiles de son temps. Sa collaboration avec le gouvernement Badoglio peut paraître curieuse, mais peut-on se permettre de juger les choix d’hier avec les yeux d’aujourd’hui ? En tout cas son dernier choix a été héroïque et lui a coûté la vie.
Ses petits enfants et arrières petits enfants qui sont de mes amis peuvent être fiers de lui.
Au cours de ce mois de juin 1944, les allemands fortifient des lignes de défense successives chacune destinée à bloquer ou à défaut retarder l’avancée des alliés. La dernière défense est constituée par la ligne gothique , elle va de Pise à l’ouest, à Rimini à l’est, en passant au Nord de Florence, les alliés vont l’atteindre début août 1944, il aura donc fallu 2 mois pour déplacer le front plus au Nord. Les anglo-américains vont y rester bloqués jusque fin avril 1945, c’est à dire pendant 9 mois.
Sur la ligne gothique, dans leur face à face avec les anglo-américains, les allemands craignent d’être attaqués sur leurs arrières par des partisans et d’être ainsi pris en tenaille. Pour éviter cette situation ils cherchent à terroriser les populations qui se trouvent aux abords du front, cela de façon à les dissuader de cacher des résistants. L’instauration de la terreur s’est faite non seulement par la caractère exemplaire d’exécution de civils dans les villages qui ont caché des résistants, mais elle a eu lieu aussi à titre préventif dans un village déserté par les partisans qui pensaient ainsi éviter toute attaque contre la population.
Ce village est Sant’Anna di Stazzema, au Nord-Ouest de Lucques, il avait été classé « zone blanche » par le commandement allemand, c’est-à-dire épargnée par les combats et autorisée à accueillir des réfugiés.
Contre toute attente, à l’aube du 12 août 1944, trois bataillons de SS de la 16e panzerdivision, massacrèrent à la mitraillette et à la grenade 560 femmes et enfants. Cette partie de la population était restée chez elle à l’annonce de l’arrivée de l’armée allemande, pensant que rien ne pourrait lui arriver ; quant aux hommes du village ils s’ étaient réfugiés dans les bois afin de ne pas être déportés.
L’enquête qui a précédé le jugement des coupables a confirmé qu’il ne s’agissait aucunement d’une action de représailles. En 2007, la Cour de Cassation a confirmé la sentence consistant dans la condamnation à la réclusion à perpétuité de dix anciens SS ayant participé aux événements.
Le massacre de Marzabotto fut commis comme représailles entre le 29 septembre et et le 3 octobre 1944. Il porte le nom de l’une des principales bourgades ayant fait l’objet d’une même action punitive allemande, sur l’ensemble collineux du Monte Sole près de Bologne. Ces villages étaient soupçonnés servir de refuge au partisans de la « brigata stella rossa », dont j’ai parlé plus haut. Le 29 septembre ils sont attaqués à l’arme lourde par des soldats 17
et des SS allemands et sont en partie rasés. Dans l’un d’entre eux Casaglia di Monte Sole, les habitants qui s’étaient réfugiés dans le cimetière furent mitraillés, on releva 195 morts dont 50 enfants. Sur les 5 jours on dénombra à peu près 800 victimes. On considère Marzabotto comme l’Oradour sur Glane italien.
Les SS coupables de ces deux massacres comme ceux d’une dizaine d’autres, ne furent connus qu’à la fin des années 90, les documents les accusant avaient été « oubliés » depuis 1960 dans une armoire dit « armadio della vergogna », c’est à dire, de la honte. A cette époque il avait été pensé qu’en temps de guerre froide il valait mieux oublier les griefs contre des allemands, l’Allemagne était désormais un allié, l’adversaire était l’Union Soviétique. C’est à l’occasion de ses recherches concernant l’ex SS Erich Priebke, connu pour avoir ordonné le massacre des fosses Ardéatines, qu’en 1994 un procureur militaire découvrit l’armoire. Des journalistes ont eu connaissance de cette découverte et l’ont diffusée auprès du grand public. L’un des articles s’intitulait : « une fois, cent fois, mille fois les fosse ardéatines. ». Des procès furent enclenchés au début des années 2000, quand le jugement concernant Sant’Anna di Stazzema fut confirmé en 2007, la plupart des prévenus avaient plus de 90 ans.
_De Badoglio à Bonomi et la coordination entre l’action des alliés et celle de la Résistance.
Comme il avait été prévu lors de la constitution du second gouvernemnet Badoglio, le Roi Victor Emmanuel III, s’est retiré de la vie politique dès la libération de Rome le 4 juin 1944.
Rome libérée est destinée à devenir le siège du gouvernement et depuis septembre 1943, s’y trouve le CLN central, ses membres exigent que le président du CLN Ivanoe Bonomi remplace Badoglio à la tête du gouvernement, ils sont appuyés par les ministres antifascistes qui y siègent. Badoglio et les anciens fascistes sont contraints de se retirer.
Le 18 juin 1944 avec le gouvernement Bonomi, les antifascistes et les résistants devenaient les seuls interlocuteurs des alliés. La Résistance se touvait ainsi mieux représentée face aux alliés qu’au temps du gouvernement Badoglio.
Cependant la coordination de l’action militaire dépendait surtout de la qualité de l’entente entre les alliés et le CLNAI qui organisait la Résistance dans la partie occupée. Elle ne fut pas toujours facile. Les alliés aidaient la Résistance en parachutages d’armes en fonction de leurs offensives militaires. Ainsi en novembre 1944, le Général Alexander décida de ménager les forces alliées pendant la saison froide pour reprendre l’offensive au printemps, il conseilla à la Résistance de faire de même annonçant que le soutien aérien allait se faire plus rare. La situation se tendit, car la Résistance avait besoin d’un soutien évoluant en fonction de ses besoins propres. Depuis l’été, les partisans cherchaient à contrôler des portions de territoires ce qui supposait une certaine autonomie de leurs actions.
Un accord fut trouvé le 7 décembre 1944 entre les alliés et le CLNAI: les “protocoles de Rome”. Les anglo- américains s’engageaient à une aide de 160 millions de dollars essentiellement sous forme de parachutages d’armes effectués en fonction des besoins de la Résistance, mais en contrepartie le CLNAI devait s’engager à dissoudre les formations partisanes et à rendre les armes à la libération.
Quand les alliés exposèrent ces conditions, des réticences se firent sentir au CLNAI il fallu une pression du CLN central et surtout de Togliatti sur les communistes pour les faire accepter.
_Les « Républiques de Partisans » et les projets pour l’après-guerre.
A partir de juin 1944, les partisans vont chercher à se rendre maîtres de portions de territoires puis à les défendre contre les forces fascistes et allemandes. Ces zones ont éré nommées Républiques partisanes, on en compte une vingtaine,
Dans les régions d’où sont venus les italiens pour s’installer en région parisienne on peut citer: les Républiques patisanes de Bobbio, de la Vallée du Taro, de la Val Sesia, du Frioul oriental…
Aucune n’a pu résister au delà de décembre 1944. Apparemment il s’agit de la part des partisans d’une stratégie visant à fixer l’ennemi et à le combattre quitte à se trouver devant des forces supérieures et à subir des pertes plus fortes que l’adversaire, l’essentiel étant de lui en infliger.
Dans la plupart des cas les partisans ont consacré tout leur temps à la défense des lieux, ils n’ont pas été suffisamment disponibles pour esquisser un changement des institutions dans les villes ou villages qu’ils contrôlaient. Ils se sont contentés de gestes symboliques, s’affichant publiquement, pour montrer que le lieu était sorti du fascisme. Ainsi à Borgotaro, le 15 juin 1944, les partisans présentent les armes devant le monument aux morts.
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Cependant dans quelques Républiques, les partisans ébauchent la mise en place de nouvelles institutions, le cas le plus connu est celui de la République établie dans la vallée de l’Ossola au Nord-Ouest du lac Majeur. Elle n’a pourtant duré que du 10 septembre au 23 octobre 1944.
Les Républicains de l’Ossola se veulent continuateurs de la République Romaine de 1849, fondée par Mazzini et Garibaldi. De février à juillet la Rome républicaine a dû résister à la fois aux espagnols, aux autrichiens, aux napolitains ainsi qu’au détachement français envoyé par Louis-Napoléon Bonaparte. Ses défenseurs ont créé des institutions pour une société juste comme si leur République allait durer toujours alors qu’ils la savaient éphémère. Ceux de l’Ossola ont fait de même.
Parmi les institutions envisagées, il en est une qui retient particulièrement l’attention, c’est le “Conseil Populaire de Gouvernement”. Il est composé des représentants des CLN locaux, des associations professionnelles, des associations de commerçants, des syndicats…, il se réunit tous les 10 jours auprès des membres du gouvernement de la République pour faire connaître ce que veulent les gens. Une telle institution montre que les partisans de l’Ossola en plus d’une démocratie au sens habituel, ont le souci d’une démocratie par l’expression collective.
Les résistants de l’Ossola, savent leur République éphémère, mais ils la veulent exemplaire, espérant qu’elle pourra inspirer la rédaction de la nouvelle constitution nationale à la libération.
Les résistants de l’Ossola ont pris en charge un projet de société pour l’Italie libérée, alors que le CNL national ne l’a pas fait, ce qui amène à se demander pourquoi. Il faut d’abord souligner la force de volonté nécessaire aux résistants pour penser l’avenir alors qu’ils sont engagés dans un combat où chacun risque de connaître la mort. Comme les membres du Conseil de la Résistance en France, les résistants de l’Ossola l’ont eu, et certainement les membres du CLN national l’avaient aussi. Et si un programme pour l’Italie libérée n’a pas été mis à l’ordre du jour c’est parce qu’il supposait résolu le choix entre monarchie et République, et sur cette question les membres du CNL étaitent divisés, alors que la prise de décision exigeait l’unanimité.
_La division des partisans en Frioul.
Dans le Frioul-Vénétie julienne telle que la région se présente à l’issue de première guerre mondiale, il existe des zones où la population est en majorité slave. Par les traités qui ont suivi, elles ont été prises en compte dans des ensembles géographiques qui les dépassent et qui ont pu légitimer leur rattachement à l’Italie, au détriment de la Yougoslavie. Depuis septembre 1943 ces zones se trouvent elles aussi occupées par l’armée allemande et début 1945, les partisans yougoslaves souhaitent y poursuivre leur action de libération. Ils demandent aux partisans italiens de passer sous leur contrôle pour mieux coordonner la lutte contre les allemands.
Or deux brigades de résistants italiens opèrent dans la région une brigade Garibaldi, composée de communistes ou de sympathisants et la brigade Osoppo.
Les Osoppo ont pris pour nom celui d’une ville de résistance aux autrichiens, anciens envahisseurs de l’Italie, cela pour marquer leur attachement à un Frioul le plus possible italien.
Tandis que les Garibaldi acceptent la proposition yougoslave, les Osoppo la refusent, ils craignent qu’elle ne signifie l’acceptation sans négociation du rattachement à la Yougoslavie de toutes les zones libérées par les partisans de Tito.
Cette divergence va créer une tension qui va aller croissant entre les deux groupes de partisans. Un brigadiste garibaldien, Arturo Toffanin, va aller jusqu’à imaginer une collusion entre les « Osoppo » et le pouvoir fasciste local. En février 1945 ce même Toffanin va prendre la tête d’un détachement de garibaldiens qui vont pourchasser les « Osoppo » et feront dix sept victimes dont Guido Pasolini, le frère de Pier-Paolo, à Porzus entre le 7 et le 18 février 1945,
_La libération des villes par elles mêmes.
La ligne gothique n’est franchie par les alliés que le 21 avril 1945 à la suite d’une offensive commencée début avril. Ensuite l’avancée est rapide, le 29 avril les anglo-saxons arrivent dans Milan qui a été libérée par les partisans, le 25 avril. Cela fera 21 mois que les alliés ont débarqué en Sicile.
Deux facteurs expliquent l’avancée rapide des alliés : pendant que les anglo-américains franchissaient la ligne Gothique, les soviétiques livraient bataille devant Berlin, qu’ils occuperont le 30 avril, ainsi les soldats allemands savent la guerre perdue et se disposent à rentrer en Allemagne. Par ailleurs la résistance s’est renforcée en effectifs : entre juillet-août 1944, le moment où le front se stabilise sur la ligne Gothique et avril 1945 lorsqu’elle est franchie, ils passent de 200.000 à 300.000. Dans ces conditions on comprend qu’après quelques combats d’arrière garde, les allemands abandonnent le terrain. Le témoignage que j’ai recueilli d’un ami qui se trouvait à Vérone le jour de la libération de la ville illustre ce point.
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Mon ami Silvano Pilon avait une quinzaine d’années en 1945 et il se souvient aujourd’hui très bien des jours de libération de la ville. Le 24 avril en Vérone on savait que les américains étaient arrivés sur la rive du Pô, à moins de 100 kilomètres au Sud. Avec ce soutien qui devenait proche, le 25 l’insurrection pouvait être proclamée,
Pilon père, en armes se trouvait dans les locaux du journal « L’arena », titre évocateur des arènes du lieu. Au cours de la période nazi-fasciste, Ildebrando Pilon avait constitué un Comitato di Liberazione Nazionale Aziendale, c’est à dire un CNL d’entreprise en relation avec les résistants, constitué d’ouvriers réfractaires au fascisme mais obligés d’imprimer un journal pour les allemands. Le 25 avril Ildebrando avait mobilisé ce CNL local.
Dans la journée du 25 échappant à la surveillance de sa mère, qui le savait prêt à, aller en ville malgré les combats, le jeune Silvano rejoignit son père à l’occasion d’une accalmie dans les tirs. Les allemands se retiraient en faisant sauter les ponts sur l’Adige, et pour traverser le fleuve, le gamin emprunta une passerelle qui avait été jetée sur ce qui restait du pont Garibaldi.
Les combats firent 62 morts du côté des résistants et les américains entrèrent dans la ville, la nuit de 25 au 26 avril.
_Le cas particulier de l’Istrie et de la Dalmatie libérées par les partisans Yougoslaves.
A l’issue de la première guerre mondiale le pays avait pu ajouter à son territoire de nouveaux espaces censés être de population majoritairement de langue italienne parmi ceux ci la Vénétie Julienne, la partie Ouest de l’Istrie et Fiume (devenue Rijeka) qui sera annexée un peu plus tard, en 1924. Ensuite, entre 1941 à 1943, l’armée italienne avait occupé la Dalmatie ainsi que certaines îles.
Tout au cours du ventennio fasciste, l’administration mussolinienne s’était livrée à une italianisation forcée, des populations de langue slave en Vénétie Julienne et en Istrie , la police et l’armée réprimant avec dureté toute manifestation d’ attachement à leur identité.
Le 8 septembre 1943, les partisans Yougoslaves mettant à profit la désorganisation de l’armée italienne occupèrent les zones où se trouvaient mêlées des populations italienne et slave. Ils constituèrent des tribunaux populaires qui, animés souvent par un esprit de vengeance rendirent des sentences de mort, non seulement contre des italiens inscrits au parti fasciste mais aussi contre des italiens qui avaient pour seul tort d’être des notables.
Sur l’ensemble des territoires anciennement annexés, la population italienne connu une première vague d’exécutions, généralement chiffrée à près d’un millier. En Istrie une partie des cadavres étaient jetés dans des gouffres karstiques auxquels les italiens donnèrent le nom de « foibe », qui désignait jusque là des grottes de l’Istrie qui faisaient office de décharges.
Dès la mi-septembre 1943, l’occupation allemande tournée contre la population slave, obligea les partisans yougoslaves au repli.
Ils reparurent avec l’écroulement du Reich en mai-juin 1945, les exécutions et les déportations d’italiens reprirent. Sur la base d’une liste établie par le gouvernement italien en décembre 1945, on peut chiffrer le nombre total de victimes à une dizaine de milliers, d’autres sources prenant en compte la période 1943-1947, vont jusqu’à vingt mille. Par ailleurs les chiffres concernant les italiens contraints de quitter leur demeure vont jusqu’à 250.000.
_La justice de l’Italie libérée indulgente pour les anciens fascistes et retournée contre les partisans.
L’indulgence de la justice vis à vis des anciens fascistes s’inscrit dans un contexte de défascisation imparfaite de l’Italie libérée. L’empreinte du fascisme va marquer pendant longtemps la justice et l’administration italiennes. L’image de cette administration à l’issue de la période de réorganisation qui a suivi la libération donne une idée du caractère limité de la défascisation du pays. En 1960, sur 64 préfets de première classe, 62 avaient été en service sous le fascisme. Sur 135 préfets de police, 120 avaient servi dans la police fasciste. Dans la magistrature la situation était pire, ce sont essentiellement des magistrats ayant servi sous le fascisme qui étaient chargés de condamner ceux qui s’étaient compromis avec ce système ! Certains de ces magistrats, toujours en fonction avaient même fait partie du « tribunal de la race » instauré en 1939, il avait le pouvoir de déclarer juifs ceux qui ne l’étaient pas au vu de leur état civil.
Pour comprendre cette situation il faut remonter au décret d’amnistie du 22 juin 1946. Il est pris par Palmiro Togliatti, alors ministre de la justice, dans un esprit de réconciliation nationale : n’est passible de condamnation que la participation directe à des crimes.
En avril 1948 c’est la Démocratie Chrétienne qui ressort comme parti vainqueur aux élections législatives avec 48,5% des voix, elle dispose de la majorité absolue en sièges à la chambre des députés, alors que la gauche est en recul par rapport à ses résultats de juin 1946. Cette victoire d’une DC qui à ce moment penche largement à droite,
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marque un affaiblissement de la volonté de défascisation du gouvernement déjà jugée trop faible par une partie des militants du PCI, qui critiquent en interne l’indulgence du décret Toglatti. Cette indulgence devient extrême : des sentences prises sur la base du décret sont revues à la baisse. C’est le cas pour les juges fascistes qui ont condamné à mort en janvier 1944, en guise de représaille après un attentat, Don Pasquino Borghi, prêtre de la région de Reggio Emilia pour son aide à la Résistance. En décembre 1946, ces membres du tribunal spécial de Reggio Emilia furent condamnés chacun à 24 ans de réclusion, ils furent amnistiés en 1948.
Indulgente avec les anciens fascistes, la magistrature a cherché à mettre en cause des partisans qu’elle a accusé d’avoir sacrifié la vie d’otages par des attentats d’une utilité, d’après elle, discutable. Des procès ont été intentés contre les anciens partisans jusqu’au début de années 2000, ils se sont toujours conclus en faveur de la Résistance mais ont jeté un certain trouble dans l’opinion.
_6. Quelques caractéristiques spécifiques de la Résistance italienne en regard de celle française.
_Des temps de Résistance différents de ceux de la France :
Une Résistance italienne confrontée à une résistance allemande de longue durée après le débarquement allié.
La libération de Rome s’est faite 10 mois après le débarquement en Sicile, celle de Milan, 11 mois après, c’est à dire 21 mois pour la libération totale. En France moins de 3 mois s’écoulent entre le débarquement en Normandie et la libération de Paris, Strasbourg est libérée 3 mois plus tard, donc moins de 6 mois pour libérer le territoire. L’occupation ennemie génère une tension, mais la guerre dans le pays introduite par la débarquement génère une tension encore plus forte. Elle est subie par la population et les partisans du fait de la désorganisation du pays et des risques encourus. Cette tension très forte a été subie par les italiens sur une longue durée.
Une Résistance armée immédiatement appelée par le Parti Communiste.
Les premiers attentats contre les fascistes et les allemands par les GAP ont lieu dès octobre 1943, mois qui suit l’occupation par l’armée allemande devenue ennemie. En France le meurtre d’un soldat allemand par le résistant communiste « colonel Fabien » premier attentat sur la territoire a lieu le 21 août 1941, soit 14 mois après le début de l’occupation.
En Italie l’absence de décalage entre l’occupation allemande et l’appel à la lutte armée par la direction du PC, tient au fait qu’à ce moment l’URSS et l’Allemagne sont en guerre, ce qui n’est pas le cas au moment de l’occupation de la France.
_Eu Italie, des points communs fédérateurs dans chaque camp.
L’anti- nazifascisme en commun entre le militant communiste et le curé de quartier ou de campagne.
Le partage d’une volonté de résistance entre des communistes et des chrétiens n’est pas une spécificité italienne. Il a eu lieu aussi en France mais le rapprochement entre des chrétiens et la résistance me semble plus le fait d’intellectuels que de prêtres de base. C’est un jésuite enseignant en théologie, Pierre Chaillet qui en 1941, fonde Témoignage Chrétien, journal de résistance, c’est la Jeunesse Étudiante Chrétienne suivie par la Jeunesse Ouvrière Chrétienne qui, rompant avec la position de la hiérarchie catholique, entraîne en 1943 l’Action Catholique de la Jeunesse Française qui les fédère toutes deux vers le refus du STO (Service du Travail Obligatoire) et la Résistance.
Un totalitarisme guerrier en commun entre les nazis et les fascistes.
La réalisation de soi et l’émergence d’un homme nouveau par la combat, la volonté d’expansion extérieure, constituent un point commun entre le système de Mussolini et celui d’Hitler.
Tandis que Révolution Nationale du Maréchal Pétain par ses milices, torture et exécute des partisans mais n’est pas guerrière en vue de son extension extérieure. Et ne préconise pas non plus le combat comme moyen de façonner un homme nouveau. La devise « travail, famille patrie » est significative quand on la compare aux slogans guerriers de Mussolini et Hitler.
_En Italie une Résistance particulièrement marquée par des épreuves morales à surmonter.
Le déchirement de Porzus.
Même si l’initiative de l’exécution est de caractère individuel, par Arturo Toffanin, dont les tribunaux de l’après- guerre n’ont retenu de relations qu’avec deux membres du Parti Communiste de Udine, il n’empêche que des partisans ont tiré sur d’autres partisans. De plus ces exécuteurs affichaient un internationalisme communiste, d’où
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une épreuve morale douloureuse pour la Résistance en général et le PCI en particulier, surtout quand on se souvient des propos de Pier-Paolo Pasolini, en 1947 s’adressant aux dirigeants communistes : « j’adhère à votre parti, mais je n’oublie pas que le rouge de votre drapeau est aussi le rouge du sang de mon frère ».
En France on ne note pas de tels déchirement entre groupes de partisans. Ce qui ne veut pas dire qu’il y a eu une solidarité parfaite entre groupes de partisans et entre les partisans sur le terrain et les états majors. Mais cela était inévitable entre des femmes et des hommes qui aspiraient tous à la libération du pays mais étaient d’opinions diverses. L’exemple le plus souvent cité en matière de défaillance de solidarité est celui du maquis du Vercors. Selon le diplomate historien britannique Paddy Ashdown en juin-juillet 1944, les maquisards ont été privés de parachutages d’armes et de soutien parce que l’état major sous le commandement du Général de Gaulle réservait ses forces pour d’autres opérations.
Les procès contre les résistants, conséquence de l’empreinte d’un long passé fasciste.
Des procès contre les résistants se sont tenus en Italie parce que des sympathies fascistes fortes ont persisté dans la justice. Comme il a été indiqué plus haut cet état de fait est liée à une défascisation limitée. Dans la cadre d’une comparaison on constate un phénomène semblable en France, la « dévichysation » a été elle aussi imparfaite. Le Général de Gaulle chef de gouvernement de septembre 1944 à janvier 1946, prône le réconciliation nationale, n’envisageant de sanctionner que les personnes fortement impliquées dans la collaboration avec l’ennemi. Ce fut le cas de Louis Renault, le gouvernement décida la nationalisation de son entreprise à titre de sanction.
Il n’en reste pas moins que le fascisme a marqué l’Italie plus que Vichy n’a marqué la France. Ce qui est compréhensible : Mussolini est resté vingt ans au pouvoir, Pétain quatre ans.
En Italie si les procès ont cessé, la mise en cause des actions résistantes qui ont entraîné des exécutions d’otages est toujours présente. En juillet 2013, à propos de son différend avec la RAI, évoqué plus haut, l’ANPI a demandé à la chaîne de télévision de reclasser en « action résistante légitime », l’action de la via Rasella qui avait été présentée comme « attentat terroriste ».
_En Italie, une Résistance terminée sans projet commun,
Sur ce point la différence entre l’Italie et la France est frappante : En Italie, à la libération, les partis anti-fascistes proposeront aux citoyens des types de sociétés sur lesquels ils trancheront. Comme nous l’avons vu, ils n’ont pas cherché au sein du CNL à aboutir à un projet commun, la règle était celle de l’unanimité et ils savaient une telle tentative vouée à l’échec. En France les partis en Résistance approuvent à l’unanimité, au sein du Conseil de la Résistance (CNR) un programme qui servira de base aux lois proposées au Parlement à la libération.
A priori c’est le cas français qui mérite explication et le cas italien qui paraît conforme à la nature des choses. Un parti se défini par un projet de société. S’il y a pluralité des partis, il y a pluralité des projets et grande difficulté pour établir un projet qui fasse l’unanimité.
C’est seulement au niveau local qu’une telle unanimité paraît atteignable, comme ce fut le cas pour les partisans de l’éphémère République de l’Ossola . On peut en effet penser que le combat quotidien côte à côte, les armes à la main crée une proximité qui gomme les différences entre les sensibilités politiques de partisans qui ne sont pas forcément des leaders de partis. Tandis qu’au CNL ou CNR se sont des représentants des partis qui siègent et l’unanimité apparaît difficilement atteignable .
Dans ces conditions on peut se demander si l’unanimité du CNR qui réunit gaullistes et communistes n’est pas une unanimité de façade, impression qui se renforce à la lecture de l’analyse de l’historien gaulliste Paul-Marie de la Gorce qui parle, à propos du CNR d’une « opposition radicale à de Gaulle » à partir de l’été 1943.
Le programme du CNR est en effet beaucoup plus cégétiste que gaulliste, il est très possible que les gaullistes du CNR l’aient signé, compte tenu du rapport de force du moment, pensant que plus tard un gouvernement gaulliste pourrait reprendre la main.
Conclusion :Des choix de l’après guerre à l’Italie d’aujourd’hui confrontée à des gestes de réhabilitation fasciste. Quelles voies de résistance existe-t-il?
L’empreinte de la Résistance va marquer les choix de l’après guerre par les deux grands partis qu’elle a fait émerger. Ils vont déterminer les caractéristiques aussi bien du système politique que du système économique.
Au plan politique, le 2 juin 1946, par référendum, les italiens ont choisi majoritairement la République, sans que ce choix soit unanime, le sud restant à près de 70% fidèle à la royauté. Les élections à l’assemblée constituante qui se déroulent en même temps que le référendum, puis les élection législatives vont imprimer à la vie politique italienne des caractéristiques qui vont rester en place jusqu’au début des années 90.
Il faut tout d’abord noter que malgré une défascisation imparfaite les partis qui présentent des références fascistes plus ou moins dissimulées sont marginalisés, au moins dans l’immédiat, le Movimento Sociale Italiano (MIS) de Giorgio Almirante, ne réalise que 2% des voix en 1948.
Mais le recul d’uns droite compromise par sa collaboration avec l’ennemi n’est pas spécifique à l’Italie c’est l’émergence d’un bipartisme imparfait qui caractérise sa vie politique, il y a bien deux partis dominants mais le fait que le PCI n’accèdera jamais au pouvoir donne à ce bipartisme son caractète partiel.
Comment expliquer cette prédominance de la DC alors que c’était surtout le PCI qui occupait le devant de la scène dans la Résistance? On peut penser que malgré la prédominance du PCI dans la lutte armée, le clergé de base a permis à la DC de faire jeu égal avec lui à la libération, cela par le maillage que les prêtres ont assuré entre les populations dans une Italie désorganisée et par le soutien qu’ils leur ont apporté. Et le soutien financier et idéologique des américains a certainement contribué à son rôle dominant. Il y a encore aujourd’hui 12.000 soldats américains en Italie répartis en 120 bases. N’oublions pas non plus l’influence du Vatican.
Ce système politique va perdurer jusqu’au début des années 90, c’est à dire pendant près de 50 ans, il sera suffisamment solide pour traverser les années de plomb entre la fin des années 60 et le début des années 80, elles seront marquées par des attentats d’extrême droite très meurtriers car pépétrés dans la foule et le meurtre d’Aldo Moro par les Brigades Rouges.
En parallèle au système politique, dans l’après guerre s’est construit un système économique et social dont l’idéogie n’est pas sans rapport avec domination politico-sociale de deux garands partis qui ressortent grandis de la Résistance: une Démocratie Chrétienne perméable aux idées du catholicisme social et un Parti Communiste en mesure d’impulser des mobilisations sociales de grande ampleur. Ainsi les lois successives vont mettre en place un capitalisme de compromis social. Ce système va constituer le cadre des 30 glorieuses italiennes.
Un capitalisme de ce type a vu le jour dans la plupart des pays de l’occident européen, avec, pour chacun des particularités nationales. Pour l’Italie c’est l’empreinte de la Démocratie Chrétienne, majoritaire à la Chambre des Députés en 1948. qui va être dominante conformément à ce qui se passe au plan politique. Ce parti au pouvoir va avoir comme doctrine économique celle de l’encyclique Rerum Novarum de Léon 13 promulguée en 1891: elle privilégie la propriété privée, mais prône son utilisation en vue du bien commun.
Cela va générer un système d’ économie mixte particulier à la base d’une croissance forte jusqu’au milieu des années 70, et la capacité d’adaptation des PME italiennes va permettre au pays de garder un bon degré de compétitivité jusqu’aux années 90, période au cours de laquelle le système sera complètement remis en cause par des vagues de privatisations.
Ce bouleversement du système économique va être accompagné de celui du système politique. En 1992 l’opération “mains propres” va jeter le discrédit sur divers partis, la DC ne sera pas épargnée, usée par le pouvoir, elle va disparaître et le Parti Communiste lui, va changer plusieurs fois de nom pour devenir aujourd’hui le PD parti de centre gauche. Dans ce tourbillon politique les italiens vont voter majoritairement en 1994 pour Berlusconi qui fera prédominer l’individualisme sur la solidarité, en 2014 pour Matteo Renzi qui pronera la flexi- sécurité et en mars 2018 pour un gouvernement Salvini-Di Mayo. Entre mars 2018 et août 2019 Matteo Salvini a pris l’ascendant sur les autres membres du gouvernement et impulsé une politique qu’il a voulue contre les quatre B. « Basta: buonisti, banchieri, burocrati e barconi » (Assez avec: les bons esprits, les banquiers, les bureaucrates, et les bateaux [chargés de migrants]).
Il a multiplié des gestes faisant plus ou moins référence au passé fasciste. Notamment le 3 mai 2019 à Forli. Son escalade a été heureusement stoppée par une entente ente le Mouvement 5 * et le Parti Démocrate mais la situation reste fragile, et il serait faux de penser qu’en quelques mois la société italienne a fondamentalement changé.
Mais il y a toujours dans le pays des gens en nombre suffisant pour des manifestations monstres pour la solidarité, des évènements récents l’ont montré. Il existe en Italie une société civile qui n’a rien à envier à celle des pays proches, avec notamment des associations d’accueil des migrants à Turin comme à Milan et dans les autres villes où se concentrent des réfugiés fuyant la guerre ou la misère extrême.
La tendance vers l’Italie voulue par Salvini n’est pas irréversible: il suffit d’un noyau dur de résistance pour qu’à la suite d’évênements favorables, il fasse tâche d’huile et pour que s’amplifie un mouvement vers une société plus libre ou plus juste. En 43-45 l’évènement favorable a été le basculement de la guerre en défaveur de l’Allemagne, aujourd’hui ce pourraient être des erreurs répétées de Salvini, sur ce point, son faux pas de l’été 2019 est de bon augure.
NB: Ajouts faits à ce texte dans l’exposé oral du 10 décembre 2019:
A propos de Primo Levi:
Il a pris le maquis en septembre 1943: « ce n’étais pas sans mal que je m’étais décidé à choisir la route de la montagne et à contribuer à mettre sur pied ce qui, dans mon esprit et celui de mes amis guère plus expérimentés que moi, était censé devenir une bande de partisans affiliés à Giustizia et Libertà ». Le système périodique.
Il est arrêté comme résistant mais déporté en tant que juif en janvier 1944.
Dans le camp de Lise London ou Germaine Tillon pouvait s’engager la lutte pour la dignité. Pas dans celui de Primo Levi. Levi pose la question de la vie en camp de concentration non pas en termes de dignité mais en termes d’humanité. Le défi qu’il cherche à relever est, en témoignant, de redonner une humanité à ceux qui sont mort sans avoir pu la retrouver. C’est le sens de « si c’est un homme », il apparaît dès le poème liminaire au récit..
« Considérez si c’est un homme Que celui qui peine dans la boue, Qui ne connaît pas de repos, Qui se bat pour un quignon de pain, Qui meurt pour un oui pour un non. Considérez si c’est une femme Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux Et jusqu’à la force de se souvenir, Les yeux vides et le sein froid Comme une grenouille en hiver. N’oubliez pas que cela fut, Non, ne l’oubliez pas ». Si c’est un Homme.
A propos de Bruno Buozzi:
Le Patto di Roma anti daté au 3 juin 1944, dont il a été le principal artisan a non seulement permis de la fusion des deux CGgL dans la CGIL, mais aussi d’y intégrer les syndicalistes chrétiens. A son congrès de 1947, la CGIL comptait 5.700.000 adhérents.
Deux références à “Rome ville ouverte” de Roberto Rossellini, 1945, film dont la séquence finale montre la mort héroïque d’un militant communiste et d’un prêtre aidant les résistants:
Proposition de l’officier allemand au communiste sous la torture: “Vous êtes communiste, votre parti a conclu un pacte d’alliance avec des forces réactionnaires, aujourd’hui vous marchez ensemble contre nous, mais demain quand Rome sera occupée ou libérée, comme vous dites, seront-ils encore vos alliés ces officiers monarchistes ? Moi je vous offre le moyen de résoudre ce problème : donnez moi le nom des généraux badogliani, mettez moi en condition de les arrêter et je garantis la liberté pour vous et l’immunité pour les hommes de votre parti.”
Ce même officier, un peu plus tard face au prêtre: “Votre but évident était de porter atteinte au Reich et à ses forces armées.” Réponse du prêtre: “Ce n’était pas exactement mon but.”.
L’officier: “Comment appelez vous un homme qui non seulement fournit: faux documents et refuge à des italiens qui préparent des attentats contre nos soldats mais aide aussi des déserteurs allemands ?”
Le prêtre: “Un homme qui indéniablement cherche à exercer la charité.”
L’officier: “Cet homme est un traitre qui sera puni selon nos lois.” Réponse: “Si Dieu le veut!”. L’exécution du prêtre est la scène finale du film.
Sur la Résistance aujourd’hui:
Quatre trentenaire ont lancé le mouvement des “sardines”. Ils appellent à des “flash mobs” ou “fish mobs”. Il s’agit de mobilisations pacifiques pour une action très ponctuelle: une danse, un chant…
A Bologne le 14 novembre ils ont réuni 15.000 personnes sur la place principale, quand dans un stade voisin, Salvini n’en réunissait que 5.000. A Modène le 18 novembre, il en ont réuni 7.000, qui ont entonné “Bella Ciao” devant un restaurant ou Salvini donnait un banquet électoral en vue du scrutin de fin janvier en Émilie Romagne, Salvini a dû fuir. Le 1er décembre on comptait 25.000 “sardines” sur la place du Dôme a Milan.
La jeune génération s’est levée!