CNRD 2017 : notre point de vue

Notre point de vue sur le sujet du CNRD 2017 : « La négation de l’homme dans l’univers concentrationnaire ».

Ils ont été plus de 1 700 à participer l’an dernier au CNRD à Paris et le lycée A. Renoir a reçu le 1er prix national dans la catégorie dossiers. Le CNRD permet aux jeunes de prendre connaissance de cette période de l’histoire (1939-1945) mais aussi d’en tirer des enseignements pour la période dans laquelle ils vivent.

Dans un entretien paru le 27 mai 2013, R.Chambeiron s’inquiétait « des valeurs de la Résistance menacées. On voit de plus en plus de campagnes de dénigrement … le racisme est quotidien, cela signifie que les valeurs humanistes ne sont pas acquises pour toujours… Sans justice, sans égalité, sans solidarité, la démocratie devient un mot vide de sens ». « Ceux qui oublient le passé sont condamnés à le répéter » Georges Santayna, cette phrase est la première qui soit donnée à méditer au musée du camp d’Auschwitz. « Si l’on oublie, les consciences peuvent à nouveau être déviées, obscurcies, LA NÔTRE AUSSI » Primo Lévi, Si c’est un homme. « Quand la mémoire faillit, quand elle commence … à s’effondrer… dans les profondeurs de l’oubli, c’est le moment de rassembler ce qui reste, ensuite il sera trop tard » Vercors, Le silence de la mer. « La tolérance et la solidarité coulent dans les veines de l’humanité, ces valeurs sont nos meilleurs outils devant les défis qui nous attendent » Antonio Guterres, nouveau secrétaire général des Nations Unis.

Pour répondre au sujet de cette année, il faut s’interroger et s’entendre sur ce qui caractérise l’homme. Réfléchir à tout ces mots : homme, humain, humanisme civilisation / inhumanité, sous-homme, déshumanisation, esclave, barbarie … Les SS employaient l’expression «100 Stück», c’est à dire «100 morceaux, 100 pièces», au lieu de 100 hommes pour désigner les détenus. Lors d’une interview de Robert Badinter en octobre 2016 pour M Le Magazine du Monde, la journaliste remarque deux grandes cuillères en métal, toutes simples, fatiguées, usées par la vie. L’une vient du camp d’Auschwitz II-Birkenau où son père, Simon Badinter, juif originaire de Bessarabie, arrêté à Lyon en 1943, a été déporté, il est mort peu de temps après à Sobibor. L’autre lui a été donné par le conservateur du camp de Rivesaltes, camp créé en 1938 dans les Pyrénées-Orientales pour l’internement administratif « des indésirables étrangers ». « C’est un haut lieu de malheurs successifs, souligne l’ancien ministre. On y a traité ignominieusement les Républicains espagnols, les juifs, les prisonniers allemands, les harkis – quand j’entends parler des camps pour les fichiers S, je me dis, eh bien, on a Rivesaltes ! Pourquoi pas ? C’est la tradition républicaine ! » Puis il revient aux cuillères, « Le conservateur de Rivesaltes m’a expliqué ce à quoi je n’avais jamais songé. Il m’a dit, vous savez, la cuillère c’est l’homme. C’est la cuillère qui laisse dans un camp un restant d’humanité à l’homme. » Tout est liquide dans un camp. On y sert de la soupe, quelques légumes et des morceaux de viande les bons jours. On ne peut se servir ni d’un couteau ni d’une fourchette. « Pour manger une soupe, vous ne pouvez que la laper, comme un chien. Alors que si vous avez une cuillère, vous pouvez porter la soupe à votre bouche. Vous êtes encore un homme. La dignité humaine, c’est ça. J’ai depuis une considération particulière pour les cuillères. »

« Crimes contre l’humanité », nécessite de réaffirmer l’unicité de l’espèce humaine et l’universalité des droits dont dispose chaque être humain dès sa naissance. La lutte pour le respect de la liberté et de la dignité de tous les êtres humains reste d’actualité.

« L’oubli serait une injustice absolue au même titre que Auschwitz fut le crime absolu. L’oubli serait le triomphe définitif de l’ennemi : c’est que l’ennemi tue deux fois, la seconde en essayant d’effacer les traces de ses crimes… Par le souci de la Mémoire, les Hommes épargneront à l’humanité de reproduire une telle infamie… La vocation de l’Homme est d’aller de l’avant et la Mémoire est au service de sa marche, de son évolution, de son élévation … C’est le silence qui protège les criminels … » Elie Wiesel.

Ce qui apparaît d’une extrême gravité, c’est l’ignorance prétendue de tels faits, la passivité de ceux qui ont vu et su sans intervenir et qui par là se sont rendus complices. «Les grands malheurs des hommes viennent de ce qu’ils les oublient sitôt passés, et de ce que les générations suivantes,…sont prêtes à se lancer dans de nouvelles mésaventures. C’est…un devoir, pour ceux qui se souviennent, de s’évertuer contre cet oubli, et d’avertir la jeunesse qui les suit… Le résistant… défendait …. la dignité de l’Homme,… le danger pour la France et l’Europe était d’être à jamais réduites à l’esclavage, en tant que « sous-hommes»… . Afin que celle-ci (la jeunesse) mesure le terrible péril qu’elle même aurait couru si le nazisme avait été vainqueur, et l’ayant mesuré,… lutte contre l’oubli» Vercors, préface de La Résistance, la Liberté en héritage.

C’est aussi cela le CNRD, faire des collégiens et lycéens des citoyens avertis et vigilants qui gardent les yeux ouverts, osent dire, témoigner, prendre position et condamner aux dépens de nos petits intérêts personnels.

Katherine Courjaret, membre du jury parisien du CNRD